Amar Ghoul a passé son premier week-end en prison. L'ancien ministre des Transports et responsable du parti politique TAJ est «tombé» dans l'affaire Ali Haddad. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Amar Ghoul était le dernier membre de l'Alliance présidentielle, qui s'était construite autour de Abdelaziz Bouteflika, à jouir encore de sa liberté, mais le magistrat en charge de son dossier auprès de la Cour suprême y a mis fin, jeudi matin, après l'avoir entendu quelques heures dans le dossier de l'homme d'affaires Ali Haddad. Entré vers 9h30 au sein de l'institution, il en est ressorti vers 12h 45 dans un fourgon cellulaire chargé de le transporter à la prison d'El-Harrach. De nombreux journalistes et caméramans de télévisions privées attendaient à l'extérieur pour filmer la scène. Le passage de Amar Ghoul devant la justice était, il faut le dire, une étape très attendue dans le processus judiciaire enclenché dans le cadre de la lutte anti-corruption, puisque le concerné figure parmi les noms connus ayant eu à traiter avec les oligarques ayant bâti leur empire durant l'ère Bouteflika. Son nom est notamment lié au scandale de l'autoroute Est-Ouest, mais c'est donc pour une tout autre raison que l'ancien ministre des Transports a été incarcéré. Dans un communiqué publié par la Cour suprême, les griefs retenus à son encontre sont au nombre de cinq : octroi d'indus avantages durant la conclusion de contrats irréguliers, abus de fonction, dilapidation de deniers publics, conflit d'intérêts et corruption lors de passations de marchés irréguliers. Amar Ghoul faisait partie de ces personnalités intouchables. Quelques années auparavant, de hauts responsables des services de sécurité s'étaient plaints d'avoir établi de nombreux rapports à son encontre, mais ces derniers n'ont jamais trouvé écho. Il n'était, cependant, pas le seul ancien haut responsable à comparaître ce jeudi devant la Cour suprême et dans le même dossier. Deux anciens walis, celui de Skikda et d'Alger, ont été, eux aussi, auditionnés mais placés sous contrôle judiciaire. Ben Hocine Fawzi et Abdelkader Zoukh sont, également, sous le coup de chefs d'inculpation identiques à ceux retenus contre l'ancien ministre des Transports : corruption, dilapidation de deniers publics, abus de fonction, passations de contrats irréguliers et octroi d'indus avantages. L'ex-wali de Skikda se trouve ainsi sous contrôle judiciaire, et il lui a été ordonné de remettre à la justice ses documents de voyage et la même décision a été prise contre Abdelkader Zoukh qui, lui, en est, cependant, à sa seconde mise sous contrôle judiciaire. Les deux ex-walis sont, désormais, sous l'obligation de se présenter, une fois par mois, pour signer un procès-verbal devant le procureur de la République de la Cour suprême. Il faut savoir, enfin, que la condamnation de Amar Ghoul porte à six le nombre de ministres détenus à la prison d'El-Harrach pour corruption. Amara Benyounès, Youscef Yousfi et Bedda Mahdjoub ont été placés sous mandat de dépôt dans le cadre des dossiers liés aux hommes d'affaires Haddad, Tahkout et Arbaoui. Djamel Ould Abbès et Saïd Barkat ont été, quant à eux, placés en détention pour des faits liés à une mauvaise gestion. Deux anciens Premiers ministres ont été, bien avant, écroués à El-Harrach. Mais ce que l'on remarque le plus est que l'incarcération de Amar Ghoul signe la décapitation totale de tout le groupe qui s'était mis en place pour, disaient-ils, faire rempart autour de Abdelaziz Bouteflika. Les éléments que fournit aujourd'hui la justice démontrent que c'est en grande partie sur cette équipe que les hommes d'affaires les plus puissants se sont appuyés pour étendre leurs affaires. Le patron d'Ival et son frère incarcérés Et ce jeudi, à l'heure où Amar Ghoul comparaissait à la Cour suprême, le tribunal de Sidi-M'hamed auditionnait, de son côté, pas moins de quatorze personnes dans le dossier du patron d'Ival. Mohamed Baïri, très connu pour sa proximité avec Haddad, a été placé sous mandat de dépôt. Au lendemain de la chute de Bouteflika, son nom figurait sur la liste de personnalités frappées d'ISTN (interdiction de sortie du territoire national). Contacté par la presse, ce dernier se disait «serein» et «sans reproches». Après étude des faits, le procureur du tribunal de Sidi-M'hamed a également pris la décision de mettre sous mandat de dépôt son frère, son associé ainsi que huit autres personnes. Dans un communiqué, la même instance informe que les faits concernent des «soupçons de blanchiment d'argent, de transferts de biens résultants de la corruption, dilapidation et utilisation des fonds de banques de manière contraire à la législation, incitation de fonctionnaires publics à abuser de leur fonction, financement occulte de partis politiques, et bénéfice de l'autorité et de l'influence d'agents de l'Etat». De ce point de vue, le communiqué de la justice prend l'aspect de véritables révélations puisqu'il met à nu les pratiques incroyables de cet homme d'affaires. Mohamed Baïri, nous dit en somme la même source, fait partie de ces personnalités qui tentaient, jusqu'à peu, de faire fuir leurs capitaux, des sommes colossales, acquises frauduleusement et fruit de cette corruption qui gangrenait le système. La justice ne fournit pas de détails, mais elle évoque explicitement la pratique de «blanchiment d'argent», et tout cet argent, issu de la corruption ou autre, contribuait, en partie, au financement de partis politiques, nous dit-elle, tout en informant l'opinion que cet homme d'affaires, comme beaucoup d'autres du reste, se servait de sa position pour faire pression sur des fonctionnaires… A. C.