Les aboiements nocturnes lugubres de ces meutes de chiens errants créent un sentiment d'effroi, au cœur des cités populaires de Kaïd-Youcef, de la cité Mahem, la cité ESCB, Marcada et de la cité dortoir DNC, notamment la nuit et posent la lancinante question de l'inexistence d'une stratégie d'abattage des chiens errants dans une ville de 60 000 habitants. Lorsque ces chiens errants investissent les cités populaires de la ville, particulièrement la nuit, les citoyens terrorisés songent plutôt à s'enfuir en longeant les rues et en frôlant les murs pour ne pas attirer l'attention de ces hordes, qui risquent à tout moment de passer à l'attaque. Pour preuve, ce garçonnet mordu par un chien errant dans la ville touristique de Bérard et qui fut sauvé in extremis par son évacuation vers la polyclinique de Bou Ismaïl. Cet incident avait interpellé les autorités locales en provoquant un grand émoi parmi la population. Un autre dramatique accident eut lieu à Adrar en décembre 2017 lorsqu'un enfant de six ans a été dévoré par des chiens errants. Ses parents avaient alerté les services de sécurité, qui ont immédiatement déclenché des opérations de recherche. La dépouille de l'innocent enfant a été retrouvée non loin du domicile parental. Quelque temps auparavant, cinq enfants et trois adultes ont été hospitalisés à El Bayadh après avoir été mordus par un chien errant... En septembre dernier, un gamin de 6 ans a été mordu à mort par une meute de chiens errants, dans la wilaya de Souk Ahras. Par ailleurs, une fillette de 6 ans a été grièvement mordue au visage par un chien errant. L'incident est survenu à Bordj-Bou-Arréridj, lorsque la fillette, sortie de l'école, se dirigeait vers le domicile familial. Sur son chemin, elle a été attaquée par un chien qui rôdait dans les parages. La fillette a été prise en charge par le service des urgences de l'hôpital de Bordj-Bou-Arréridj. Selon l'Organisation mondiale de la santé, 55 000 cas de rage sont enregistrés annuellement dans le monde, avec un décès toutes les dix minutes. L'Algérie continue d'enregistrer des cas de rage malgré de gros efforts fournis par les autorités sanitaires. Elle a enregistré ces dix dernières années 20 décès en moyenne par an. Alors que ce fléau continue de tuer en Algérie par négligence le plus souvent et par ignorance du risque vital. 60% personnes mordues par un chien enragé ne consultent qu'après l'apparition des signes cliniques, seuls 20% des 40% restants consultent immédiatement, 8% après 24 heures, et les autres tardivement, au-delà de 48 heures. En Algérie comme dans le reste du monde, les vecteurs de contamination de la rage sont le chien dans presque 90% des cas. Le Dr Soufi Abderrezak, chef d'unité épidémiologie d'intervention et vaccinovigilance de l'Institut Pasteur d'Algérie, qui est un expert dans ce domaine, affirme que la rage est une maladie mortelle à 100% et qu'une vaccination ou une sérovaccination après des morsures occasionnées par un animal suspect doit être strictement observée. Toutefois, environ 120 000 morsures ont été enregistrées en 2010 apprend-on auprès du Dr Soufi Abderrezak. Et d'ajouter que ce nombre ne cesse d'augmenter puisqu'il est passé de 58 000 en 2000 à 80 000 en 2005 et pratiquement 120 000 en 2010. «La rage, qui demeure un problème de santé publique, nécessite une large campagne informative et une collaboration étroite entre les départements de la santé, de l'agriculture et des collectivités locales», insiste le Dr Soufi. La vaccination ou la sérovaccination sont les seules armes pour éviter de mourir de la rage. Malheureusement «il y a parfois un retard dans la prise en charge de la rage et l'abandon de la vaccination, sachant que le mordu doit se soumettre à une série de vaccinations suivies de rappels. La prolifération des chiens errants à travers divers quartiers et cités de la wilaya de Tipasa constitue un véritable danger pour la vie et la sécurité des citoyens, au vu du nombre de ces meutes qui y prolifèrent. Il semblerait que les efforts menés, jusque-là, par les autorités locales et les services concernés pour éradiquer ces dangers n'ont pas permis de mettre un terme à ce phénomène permanent, faisant craindre aux citoyens de sortir pour vaquer à leurs occupations, notamment durant la nuit ou tôt le matin. En effet, plusieurs citoyens résidant dans ces quartiers populeux n'ont pas cessé de se plaindre de cet état de fait, d'autant plus qu'une majorité de ces chiens sont porteurs de virus ou de maladies graves constituant un risque pour la sécurité des citoyens. Certains d'entre eux affirment , «la présence, au niveau de ces cités, de dépotoirs anarchiques d'ordures a énormément contribué à la prolifération des chiens errants». A ces aléas s'ajoute la dégradation de l'environnement, marqué par une multitude de sacs d'ordures éventrés par ces animaux. Une situation jugée «intolérable» est constatée notamment dans les communes de Cherchell, Hadjout, Koléa, Bou Ismaïl et Tipasa, dont les habitants interpellent les autorités concernées pour une intervention efficace contre ce «fléau». La cité Mahem lieu de prolifération des chiens errants, ainsi que les cités populaires DNC, Marcada et Kaïd-Youcef, constituent l'exemple type de ce phénomène des chiens errants dans la wilaya de Tipasa. Les riverains vivent la peur au ventre quand ils doivent sortir la nuit, alors que certains assurent ne pas pouvoir quitter leur maison à cause de l'aboiement incessant de ces chiens, constituant, également, une menace pour les fidèles qui sortent pour accomplir leur prière de l'aube (El Fedjr). Pis encore, des parents vivent dans la terreur de voir leurs enfants, qui sortent pour jouer, se faire attaquer par ces chiens. Les statistiques nationales et internationales sont légion concernant les graves incidents dus aux agressions de ces chiens. Mais l'attaque la plus grave et la plus dramatique a eu lieu à El Menéa, à 270 km au sud de Ghardaïa. Cela s'est passé dans la matinée du 24 mars 2018 entre les deux quartiers défavorisés d'Ouled Zid et Ksar Kouacem, lorsque vers 7h, une mère envoie son gamin de 8 ans acheter du pain chez l'épicier au bout de la rue. Dès que l'enfant mit le pied dehors, il nez à nez avec une meute de chiens errants, estimée à une quarantaine. Voulant fuir, le gamin est vite rattrapé par la horde qui lui saute dessus, le mettant à terre, le mordant sauvagement sur toutes les parties de son frêle corps. Ses atroces cris de douleur sont entendus par la mère. Elle sort précipitamment de chez elle, suivie de sa fillette âgée de 9 ans, pour porter secours à son enfant. Elles se font, elles aussi sauvagement mordre. Leurs hurlements, ameutent le quartier et notamment l'épicier qui est rapidement venu à leur secours armé d'un bâton avec lequel il a difficilement et au péril de sa vie, réussi à faire fuir les chiens. Restées à terre, le sang coulant de plusieurs parties de leurs corps, les trois victimes sont rapidement évacuées à l'hôpital d'El Menéa. Gravement atteintes, notamment la mère, âgée de 40 ans, dont la tête a été mordue en plusieurs endroits, ils ont rapidement été prises en charge par l'équipe médicale des urgences médico-chirurgicales. «Mordus sur plusieurs parties du corps, notamment au niveau de la tête et du cou, c'est un vrai miracle qu'ils soient encore en vie», avait alors déclaré un médecin de l'hôpital qui avait examiné et participé à la prise en charge de la mère et ses deux enfants. En marge de ces constats, les services de la santé nous révèlent que «les zoonoses, des maladies transmissibles à l'homme par les animaux, ne sont plus, depuis longtemps, l'apanage de pathologies des campagnes». On nous indique à ce titre que «la wilaya de Tipasa où l'urbanisation anarchique durant ces 20 dernières années, connaît un accroissement de ces maladies qui inquiète les autorités sanitaires». D'ailleurs, la question de relancer et de réactiver le comité de lutte contre les zoonoses se pose à nouveau. En effet, la situation épidémiologique dans la wilaya de Tipasa livre des chiffres inquiétants. Ainsi entre 2014 et 2017, il y a eu plus de 11 000 cas de morsures d'animaux dont près de 6 400 cas de morsures de chiens, près de 3 500 cas provenant de chats et plus de 1 200 cas de morsure de rats et autres prédateurs. S'agissant des campagnes d'abattage, il a été recensé entre les années 2014 et 2018, 3 000 cas d'abattage de chiens errants dans la wilaya de Tipasa. Quant aux envenimations scorpioniques, il a été enregistré 452 cas dont 291 ayant affecté le sexe masculin et 161 cas concernent des femmes, pour la période allant de 2014 à 2018. Mais ce qui inquiète le plus les praticiens et les autorités sanitaires, ce sont ces cas élevés de morsures d'animaux. Car, comme nous l'explique un représentant de la DSP, «ces cas de morsures sont traités par la vaccination rabique… Nous sommes le seul pays peut-être à lutter contre les zoonoses par la vaccination alors qu'il suffirait de procéder à l'abattage des animaux errants, à assurer la dératisation et la désinsectisation. Cela revient très cher alors que l'abattage limiterait les cas et donc les dépenses de santé à ce niveau !», nous explique encore en substance notre interlocuteur. En effet, nos villes et agglomérations secondaires revêtent des allures de douar du fait de la présence de chiens errants. Plus grave, ces meutes de chiens errants sont agressifs. La wilaya de Tipasa ne dispose pas d'unité d'éradication de chiens errants, ni de véhicules adaptés ou d'équipe spécialisée pour ce type d'opérations. On nous a informé que ces opérations adoptent généralement la méthode de pose de poison, réalisées sur la base de conventions signées avec les communes concernées. De même qu'on nous indique que les services compétents au niveau des APC, sont tenus de participer aux opérations d'abattage de ces animaux, en plus des agents de la Conservation des forêts chargés d'accompagner, de diriger et de superviser l'opération. Houari Larbi