Le gouvernement indien a annoncé hier lundi la révocation de l'autonomie constitutionnelle du Jammu-et-Cachemire (nord) ainsi que sa dislocation, une décision explosive qui vise à placer sous une tutelle plus directe de New Delhi cette région rebelle revendiquée par le Pakistan. Ces mesures sans précédent, préparées dans le plus grand secret par les nationalistes hindous du Premier ministre Narendra Modi, sont susceptibles de provoquer un soulèvement sanglant de la vallée à majorité musulmane de Srinagar. Nombre d'habitants de cette région himalayenne sont hostiles à l'Inde et attachés à leur autonomie qui prévalait depuis les débuts de la République fédérale indienne il y a sept décennies. En prévision de possibles troubles, les autorités indiennes avaient déployé ces dix derniers jours plus de 80 000 paramilitaires supplémentaires dans cette zone déjà hautement militarisée. Les Cachemiris étaient totalement coupés du monde hier lundi, les moyens de communication ayant tous été bloqués, les déplacements et rassemblements interdits et les écoles fermées. Les nationalistes hindous au pouvoir ont passé un décret présidentiel abolissant avec effet immédiat un statut spécial de l'Etat du Jammu-et-Cachemire, inscrit dans la Constitution indienne. L'annonce en a été faite lundi matin au Parlement par le ministre de l'Intérieur Amit Shah, noyée dans le tumulte assourdissant venant des rangs de l'opposition. L'article 370 de la Constitution indienne conférait un statut spécial au Jammu-et-Cachemire et autorisait le gouvernement central de New Delhi à légiférer seulement en matière de défense, affaires étrangères et communications dans la région, le reste relevant de l'assemblée législative locale. Le Pakistan a condamné cette révocation et indiqué qu'il fera «tout ce qui est en son pouvoir pour contrer les mesures illégales» liées au litige territorial entre les deux puissances nucléaires d'Asie du Sud, qui se sont livré deux guerres au sujet du Cachemire. Les partisans du Bharatiya Janata Party (BJP) de Narendra Modi et les chaînes de télévision nationalistes ont salué une décision «historique» qui marque, selon eux, l'intégration complète du Cachemire à l'Inde. Responsables politiques cachemiris et d'opposition ont, pour leur part, dénoncé un «jour noir pour la démocratie indienne», s'inquiétant notamment de cette réécriture de la Constitution sans débat parlementaire ou public. La révocation de l'autonomie du Cachemire indien «aura des conséquences catastrophiques pour le sous-continent. Les intentions du gouvernement de l'Inde sont claires. Ils veulent le territoire du Jammu-et-Cachemire en terrorisant son peuple», a tweeté Mehbooba Mufti, ancienne dirigeante de l'exécutif de Jammu-et-Cachemire. Le gouvernement de Narendra Modi a également présenté au Parlement un projet de loi pour diviser le Jammu-et-Cachemire, dont sera séparée la partie orientale, le Ladakh à majorité bouddhiste.