Les efforts visant à récupérer les fonds transférés illégalement vers l'étranger ont peu de sens s'ils ne sont pas accompagnés de saisie des biens acquis frauduleusement à l'intérieur du pays. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Combien d'hectares de terres mal acquises par des pontes du régime ? Combien de biens immobiliers détournés par de hauts responsables et les membres de leurs familles ? Quelle commune de l'Algérie a échappé au diktat des bandes maffieuses ? Les affaires traitées par les tribunaux, dans différentes wilayas, qui concernent des attributions de lots de terrains dont la vocation est détournée et de patrimoines publics aux hommes du système et sa clientèle donnent une idée sur l'étendue du désastre. Le gouvernement décrié, dans ses tentatives de redorer son blason, veut traquer les bénéficiaires de décisions administratives illégales, les annuler et récupérer les biens spoliés de la collectivité. Ainsi, le nouveau ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, a appelé, hier samedi, la justice à jouer son rôle pour restaurer l'autorité de l'Etat à travers la lutte contre la corruption qui ne se limite pas au détournement des deniers publics, mais s'étend à celui des biens publics par des décisions de l'administration. Lors d'une allocution à l'occasion de l'installation de la nouvelle présidente du Conseil d'Etat, Zeghmati a expliqué que le fléau de la corruption en Algérie « ne se limite pas au détournement des deniers publics et à l'enrichissement illicite mais s'étend au détournement des biens publics par des décisions émanant de l'administration ». « Les administrations et les services publics ne sont pas épargnés par ce phénomène qui a terni leur réputation et celle de leurs fonctionnaires », a-t-il déploré, mettant en exergue le rôle de la justice administrative, le Conseil d'Etat en tête, pour lutter contre ce fléau. Selon le ministre, la corruption, qui a gangrené l'administration et les services publics, a cassé la confiance des citoyens envers leur administration. Le ministre a appelé l'administration à saisir la justice pour faire annuler les décisions illicites et ainsi mettre un terme aux situations et statuts illégaux qu'elles ont créés. Actuellement, plusieurs walis et anciens walis sont poursuivis dans des affaires de corruption et pour attribution illégale de biens publics. Le cas de la wilaya de Tipasa, où des terres agricoles ont été « offertes » à de hauts responsables et leurs familles, est éloquent. « La justice est aujourd'hui à la croisée des chemins. Attendue par tous, pouvoir et peuple, elle doit restaurer l'autorité de l'Etat et consacrer les droits des citoyens », a lancé le ministre de la Justice, soutenant que « la conjoncture difficile que traverse notre pays fait reposer sur le Conseil d'Etat une énorme responsabilité pour contribuer efficacement à la lutte contre ce phénomène et contre les détournements de biens publics par des procédés frauduleux et des décisions illicites qui en résultent ». Il a dénoncé les décisions administratives signées abusivement par des responsables et des fonctionnaires avec la complicité d'autres intervenants. La mafia a siphonné l'Algérie jusqu'au jour où son excellence le peuple a décidé de demander des comptes aux associations de malfaiteurs qui l'ont gouverné, récupérer ses biens et se mobilise pour démanteler le système qui a érigé la corruption en mode de gouvernance. K. A.