Le procureur du tribunal militaire de Blida a requis vingt ans de prison contre tous les prévenus, absents et présents, jugés dans le cadre de l'affaire dite d'atteinte à l'autorité militaire. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Cette peine a été requise, hier mardi en fin d'après-midi, au terme d'un procès qui n'aura finalement duré que deux journées pleines. Plusieurs avocats ont fait savoir qu'il s'agit là de la condamnation maximale encourue par les prévenus et qu'elle pourrait être revue à la baisse par le juge devant prononcer la sentence définitive. Il nous a été rapporté que les détenus ont écouté le réquisitoire sans aucune réaction. «Ils étaient là, assis dans le box des accusés, ils ont écouté sans plus», nous dit-on. Les principales personnes interrogées durant la journée ont «tout dit» durant leur passage devant le juge. L'ancien patron du DRS puis la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) se sont exprimés à des moments différents de la journée. Le général Toufik raconte la réunion du 27 mars Le général Toufik a été le premier a avoir été appelé par le juge qui l'a soumis à une série de questions liées à la fameuse réunion du 27 mars pour laquelle lui et ses co-détenus ont été incarcérés. «En dépit de sa grande faiblesse, déclare Me Ksentini, il s'est exprimé avec une très grande clarté, apportant des réponses à toutes les interrogations, il était serein, calme et a tenu à apporter tous les détails nécessaires pour prouver que les charges retenues à son encontre n'étaient pas solides». Son intervention apporte alors sa version des faits dans la plus retentissante affaire dite de «conspiration» qu'ait eu à connaître l'Algérie ces dernières années. Le général Toufik confirme avoir assisté à la rencontre, et affirme qu'il n'en était pas l'initiateur. Il déclare avoir été convié par le frère conseiller de l'ancien président de la République lors d'une conversation téléphonique durant laquelle il l'informe également de son intention d'inviter Louisa Hanoune «connue pour sa perspicacité en matière politique et dont les conseils seraient les bienvenus durant ces moments mouvementés que traverse le pays». Le général Toufik ne s'oppose pas à la présence de la secrétaire générale du PT. Rendez-vous est pris pour le lendemain matin, 28 mars dans une villa située sur les hauteurs d'El-Biar relevant de la présidence. La préparation du lieu incombe au général Tartag qui occupe alors le poste de coordinateur des services de sécurité auprès de la présidence de la République. La veille, premier jour du procès, celui-ci avait refusé de comparaître devant le juge en dépit de l'ordonnance express qu'il lui avait fait parvenir. Le général Tartag a préféré ne pas quitter sa cellule mais ses déclarations faites au juge durant la période de l'instruction ont été lues durant le procès. Ce dernier reconnaît avoir «préparé» la villa et qu'il s'agit là d'une activité normale relevant de ses prérogatives. Le 28 mars, le général Toufik et Saïd Bouteflika se retrouvent au lieudit. Selon la déclaration faite au juge par l'ancien patron du DRS, Louisa Hanoune est alors absente car étant prise par des activités urgentes. La rencontre est reportée dans l'après-midi. Cette fois, la secrétaire générale du PT est présente. Le général Toufik dévoile la teneur de la réunion. Selon ses avocats, il affirme alors que l'objectif de cette rencontre était de s'entendre et de désigner un homme pouvant assurer une transition où servir de potentiel successeur à Abdelaziz Bouteflika dont la chute devenait imminente. Il propose deux noms : Ali Benflis et Liamine Zeroual. C'est le second qui fait consensus. Contacté quelque temps plus tard, ce dernier refuse de s'engager après avoir, cependant, paru prêt à réfléchir à la proposition. Les évènements qui secouaient alors le pays l'en ont dissuadé. «Il a affirmé que sa participation à cette réunion n'a jamais eu pour intention de destituer le chef d'état-major et que ce point n'a jamais été à l'ordre du jour (…). Il n'a jamais invectivé aucun membre des autorités ni ses co-détenus, il s'est expliqué sans plus», déclare Me Ksentini. Durant son intervention, le général Toufik reconnaît cependant avoir soumis à réflexion l'option d'un limogeage de Bedoui «pour calmer la rue qui était enflammée». Aucune suite n'est donnée à sa proposition. L'enquête a été déclenchée suite à la lettre de Liamine Zeroual Les évènements s'emballent. L'ancien patron du DRS est arrêté le 4 mai en même temps que le général Tartag et Saïd Bouteflika. Au cours de la journée de lundi, les avocats ont relevé le fait que «toute l'affaire était en fait partie de la lettre rendue publique par Zeroual et dans laquelle celui-ci révèle avoir recu la visite de Toufik Mediene me proposant une nomination à la tête d'une instance de transition». Dans la même lettre, Zeroual affirme cependant avoir penché du côté du peuple et déclare refuser d'entraver la marche des Algériens. Selon les éléments présentés durant ce procès, l'enquête a, en réalité, été déclenchée sur cette base, une raison pour laquelle le collectif de défense des prévenus a demandé la présence de l'ancien président de la République. Selon des avocats, le juge a répondu en disant que le témoignage contenu dans la lettre était largement suffisant. Le général Toufik s'est exprimé, suit alors l'audition des témoins. Durant la matinée, le juge interroge les chauffeurs des détenus, leur demande de confirmer le lieu où ils avaient conduit leur employeur. Puis suivent les techniciens chargés d'enregistrer la rencontre. Les témoins répondent tous de la même manière, «nous avons accompli le travail qui nous était demandé». La séance est levée à 13h30. Elle reprend une heure plus tard, à 14h30. Les auditions des témoins se poursuivent, ceux d'anciens militaires de la présidence de la République, l'ancien secrétaire général de la présidence, Heba Okbi, l'ancien conseiller de Abdelaziz Bouteflika, Mohamed Boughazi, et son secrétaire particulier Mohamed Rougab. Louisa Hanoune est interrogée en milieu d'après-midi. Selon plusieurs avocats de la secrétaire générale du PT, peu d'informations circulaient hier en fin de journée sur la teneur de ses réponses au juge. Plusieurs avocats affirment cependant avoir été impressionnés par son discours politique. A la fin de son audition, le procureur du tribunal militaire prend la parole et demande vingt ans de prison à l'encontre de tous les prévenus. Khaled Nezzar est concerné par la peine requise. Les avocats entament alors leurs plaidoiries. Me Miloud Brahimi demande «l'application de la loi, ce qui veut dire la relaxe, car les charges retenues contre les prévenus ne tiennent pas la route». Les plaidoiries se poursuivaient toujours en début de soirée. Selon les informations disponibles à ce moment, le juge pouvait décider de mettre en délibéré l'affaire durant la nuit, ou rendre son jugement définitif demain… A. C.