C'est dans des conditions de projection pour le moins indignes que le public nombreux de la Cinémathèque a assisté à la journée du court-métrage et du documentaire organisée par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc). Huit courts-métrages documentaires et fictionnels étaient à l'affiche samedi à l'occasion de la journée co-organisée par l'Aarc et la Cinémathèque algérienne. Réalisés par des cinéastes émergents dont certains ont participé aux laboratoires d'Alger de l'Institut français, ces films ont été projetés dans d'atroces conditions. La Cinémathèque n'étant pas équipée de DCP, c'est en mode blue-ray que la séance s'est déroulée avec un matériel défectueux et des copies abîmées. Bugs, mauvaise qualité de son et d'image ont émaillé ces cinq heures de projection au grand dam des spectateurs et des réalisateurs. Pourtant, les courts-métrages méritaient amplement un visionnage dans les meilleures conditions, ce qui aurait permis de mieux apprécier le talent et la démarche artistique de leurs auteurs. Nice, very nice ! de El Kheyar Zidani est un portrait intimiste de Didou Hattab, un octogénaire habitant La Casbah qui a transformé son appartement et son immeuble en œuvre d'art à coups de mosaïques et de photographies anciennes, notamment celles de sa défunte épouse dont il entretient la mémoire et évoque l'amour avec beaucoup d'émotion. A la fois pudique et sensoriel, le film raconte la fidélité, la solitude, la vieillesse et la passion de vivre avec autant de tendresse que de gravité. Birds de Louisa Beskri suit pendant une journée Abderrahmane, un enfant réfugié d'origine nigérienne qui arpente les rues de Tipasa à la recherche de quelques pièces charitables. Filmé à hauteur d'enfant, avec un simple téléphone portable, le court-métrage nous plonge sans misérabilisme dans le quotidien type d'un de ces centaines de gosses mendiant leur pain quotidien et faisant parfois face à l'indifférence, voire la méchanceté de certains passants. Simple et efficace, Birds traduit un langage cinématographique épuré, renforcé par la justesse et la précision de la démarche, laquelle n'est jamais dépourvue d'émotion. Notre consœur Amel Blidi va, quant à elle, à la rencontre des sourds-muets de la célèbre cafétéria de la rue Charras : à travers des plans rapprochés et une immersion totale dans leur univers, la réalisatrice interroge l'exclusion des personnes atteintes de handicap tout en célébrant avec pudeur la dignité, la bienveillance et la solidarité de ses personnages. Virgin de Ghilas Aïchouche est une fiction qui métaphorise, en six minutes, le poids des conventions sociales et du moralisme pesant qui conditionne la vie dans l'espace public : ses personnages sortent chaque jour avec une pancarte vierge accrochée à leur dos avant que d'autres passants ne viennent les barbouiller à coups de feutres noirs. Sorry mom ! de Alia Louisa Belamri est un portrait d'un jeune tatoueur algérois dont la mère, une femme pieuse animant des « halaqate » religieuses, ne cautionne pas l'activité. Disputé entre sa passion pour son métier et la désapprobation de l'être le plus cher à ses yeux, ainsi que les jugements de son environnement social, Amine réussit à profiter pleinement de la vie et clame son besoin de transcender les barrières. Sensible et dépouillé, le film ne manquera pas de provoquer un débat houleux, empreint de moralisme, frôlant parfois le sermon religieux au sein d'une partie du public. Enfin, Bermuda de Mohamed Ben Abdallah, une fiction dystopique qui promettait beaucoup de belles surprises durant les quinze premières minutes, n'a pu être visionnée jusqu'au bout, la projection ayant été tout simplement suspendue à cause de la mauvaise qualité de la copie. S. H.