De Tunis, Mohamed Kattou L'affaire remonte à presque une dizaine d'années. L'accusé n'est autre que Sami Fehri, propriétaire de la chaîne de télévision Al Hiwar ettounsi , actuellement en détention provisoire. Il est accusé de malversations financières. Ancien journaliste à la radio nationale (en français), il est entré dans le business des médias sous le règne de feu Ben Ali. En étroite collaboration avec Belhassan Trabelsi (frère de la puissante Leïla Ben Ali), il a profité de l'impunité que lui assurait Belhassan pour entrer dans la production à travers une société qui fonctionnait dans l'illégalité. Ses frasques n'étaient un secret pour personne mais qui osait parler ? Ce serait s'exposer à l'épée brandie par Belhassan Trabelsi , grand gagnant de cette association qui permettait à l'entreprise créée par ce duo de faire la pluie et le beau temps à la télévision nationale. La plage horaire réservée aux feuilletons produits par Sami Fehri était imposée aux divers directeurs de la télévision sans attendre leur consentement. Pire encore, les sommes récoltées de la publicité allaient dans les poches de Sami Fehri et Belhassan Trabelsi, qui avaient trouvé en Abdelwahab Abdallah un soutien indéfectible. Celui-ci avait sous la main toute la presse nationale tunisienne et nul, parmi les responsables des médias, n'osait s'opposer à ses instructions. Voilà qui explique la comparution devant la justice de cinq anciens directeurs de la télévision et de l'ancien ministre Abdelwahab Abdallah. Cependant, l'examen de cette affaire a été renvoyé au mois prochain. La raison était le manque d'un document important dans le dossier, à savoir le certificat du décès de Ben Ali qui faisait partie des accusés. Mais Sami Fehri traîne une autre affaire pour laquelle il a été retenu en détention provisoire pour les besoins de l'enquête. Il s'agit d'une affaire de blanchiment d'argent et de détournement de fonds publics. Entre-temps, tous ses biens ainsi que ceux de son épouse ont été gelés. Il a traîné avec lui en prison l'administratrice judiciaire de la société Cactus Prod et le mandataire légal de sa chaîne de télévision. Ce qui paraît, ailleurs, comme une affaire courante est, en Tunisie, une affaire qui défraye la chronique. Ses fans reprochent aux autorités la rapidité avec laquelle elles ont déterré cette affaire et, à l'opposé, ses détracteurs se réjouissent de le voir, enfin, entre les mains de la justice. Le jour de son incarcération (mardi), une descente de la police chez lui , à la recherche de documents, a permis de mettre la main sur une somme colossale : 500 000 dinars (150 000 dollars). Questionnée à ce sujet, sa femme a répondu : « C'est pour nos dépenses quotidiennes.» Cela en dit long sur le train de vie du couple. M. K.