Le parti Jil Jadid se dit disposé à prendre part au dialogue auquel vient d'appeler le président de la République nouvellement élu non sans émettre, toutefois, des préalables, pour ce faire. Pour lui, il s'agira de «juger le pouvoir sur pièce». M. Kebci - Alger (Le Soir)- Pour le président du parti qui expliquait, hier mardi, lors d'une conférence de presse, cette démarche, «bien que massivement rejetée, l'élection présidentielle que vient de vivre le pays dans un climat de défiance généralisée, s'impose toutefois de fait comme un repère nouveau pour l'ensemble des protagonistes de la crise politique que vit le pays». Et d'ajouter que «si pour le pouvoir, cette élection lui donne une marge de manœuvre plus importante, elle n'est en rien un échec du Hirak». Tenant de prime abord à préciser que Jil Jadid est «aligné, sans ambiguïté, sur la volonté populaire, représentée par le Hirak dont il est partie intégrante depuis le 22 février au moins, Soufiane Djilali rappellera avoir, avec plusieurs autres personnalités nationales, pris l'initiative d'entamer les manifestations contre le pouvoir dès le mois d'août 2018 et ceci, après avoir boycotté les législatives, puis les locales de 2017. Et au président de Jil Jadid de préciser également qu'après 10 mois de manifestations, le Hirak a «imposé une nouvelle réalité politique». «Certes, il n'a pas pris le pouvoir, n'a pas désigné de zaïm et n'a pas formulé d'idéologie ni de programme politique. L'élection présidentielle a été organisée sans son assentiment. Et visiblement, les méthodes du système politique n'ont pas encore changé», fera-t-il remarquer dans la foulée, non sans mettre en relief le fait que «son influence sur le cours de l'histoire récente du pays aura été incommensurable». En résumé, ajoutera Soufiane Djilali, le Hirak aura «réussi à montrer au monde entier la nouvelle société algérienne», permettant le «démantèlement d'un des régimes des plus corrompus et des plus dangereux pour leur peuple qui puissent exister et ce, dans un pacifisme admirable» et «réussissant à former et à offrir au pays une conscience politique nouvelle, dont s'abreuveront des générations d'hommes et de femmes, maintenant engagées dans l'action citoyenne». Pour le président de Jil Jadid, la révolution du sourire a, au final, «imprimé une dynamique de changement exceptionnelle que ni le pouvoir, ni les vieux réflexes ne pourront en venir à bout» et «l'Histoire inscrira cet épisode national comme un nouveau mythe fondateur de l'Algérie nouvelle». Notant qu'en apparence, le pouvoir vient de remporter une manche, se donnant «formellement une légalité juridique avec cette élection», Soufiane Djilali affirmera «qu'en réalité, le régime politique s'est effondré», estimant que l'Algérie aura donc à en reconstruire un nouveau». Et de recommander un «changement très large du personnel politique et exécutif, et de faire évoluer significativement l'organisation de l'Etat et des règles de son fonctionnement». Pour lui, le pouvoir «devra donc accepter des changements fondamentaux, et dans le sens de la demande populaire», considérant «qu'il n'a plus le choix car le chaos guette le pays». Ceci en sus de «l'obligation de convaincre» les Algériens à travers des «concessions significatives pour ressouder le pays dont l'unité a été mise en danger par ses pratiques». Et de relever dans ce cadre des «signaux lourds envoyés à l'opinion publique» dont, selon lui, «le score rachitique de l'association FLN-RND, intentionnel, qui reflète la disgrâce de ce tandem, éternels instruments de l'escroquerie politique et morale de l'ancien régime». Il y a également le choix des candidats et la répartition des scores du scrutin «annonciateurs donc d'une reconfiguration générale du champ politique». Une reconfiguration qui se fera au détriment d'une classe politique, pour l'essentiel obsolète et inutile et pourquoi pas en faveur du Hirak, et des nouvelles générations qui s'en réclament ?», expliquera encore le président de Jil Jadid. Pour ce qui est du dialogue auquel le nouveau président de la République appelle et des changements constitutionnels qu'il promet, Soufiane Djilali dira «juger le pouvoir sur pièce». Ceci non sans rappeler que Jil Jadid «n'a pas soutenu l'élection présidentielle, ni aucun candidat d'ailleurs». Cependant, ajoutera-t-il, et «conscients de la complexité de la situation que traverse le pays, nous interagirons avec responsabilité avec le président de la République, qui l'est ainsi de fait». Et de soutenir «juger, au fur et à mesure des actes concrets que décideront les autorités en fonction des objectifs du mouvement populaire, soit la construction de l'Etat de droit, dans les faits et non pas dans les discours, et la démocratie». Et de réitérer, dans la foulée, la condition préalable relative à « des gestes forts de la part du Président, avec la libération immédiate des détenus d'opinion, la libération des champs médiatique et politique avant l'entame d'un dialogue inclusif, sincère et sérieux pour formaliser dans un accord global la volonté populaire». Rappelant avoir toujours défendu le principe du dialogue, Jil Jadid, par la voix de son président, affirme ne pas accepter de subterfuges ni de fausses solutions puisqu'il s'agira d'obtenir de vraies avancées pour le pays et en aucun cas, une négociation sur un quelconque partage de responsabilités». «C'est le sens profond de notre position de principe : aider le pouvoir à s'en aller et non pas à mieux rester », estimera Soufiane Djilali pour qui Jil Jadid «ne veut pas de postes politiques en dehors de ceux que pourraient lui attribuer des électeurs dans un cadre transparent». Expliquant davantage sa démarche participationniste au dialogue, le président de Jil Jadid soutiendra que le Hirak a trois issues possibles : celui du «refus catégorique et radical à tout dialogue, débouchant alors sur la désobéissance civile et la sédition ; l'abandon du terrain politique et le retour à la situation antérieure au 22 février ou, enfin, à la transformation de la conscience du Hirak en action politique organisée». Pour Soufiane Djilali, le Hirak «doit exister non pas seulement de vendredi en vendredi dans la rue, mais aussi et surtout entre les vendredis», estimant que «les marches hebdomadaires doivent donner naissance à un véritable travail et engagement le long de l'année. C'est le devoir d'agir», en appelant à une «action organisée qui doit se faire à travers des outils politiques et la structuration du Hirak qui doit se réaliser dans la pluralité et non pas dans la pensée unique». Pour lui, il faut passer de l'action isolée des individus, fragiles et facilement manipulables, à l'action collective, réfléchie et de longue portée. M. K.