L'incendie qui a frappé récemment l'entreprise Tonic Industrie de Bou Ismaïl a détruit une dizaine de tonnes de papier au moment de leur transfert de l'unité de stockage vers celle destinée à la transformation en papier sanitaire. Selon nos sources, aucune perte humaine n'est à déplorer dans cet incendie. Il convient, cependant, de rappeler que dans le courant du mois d'avril 2016, un incendie similaire avait affecté ce fleuron de l'industrie papetière nationale et africaine en détruisant 1 500 tonnes de papier de récupération, stockées dans l'unité Ouarsenis, située sur la route de Chaïba, près de Koléa. Rappelons, par ailleurs, que l'entreprise Tonic Industrie de Bou Ismaïl est une entreprise qui prévoyait d'employer à l'origine plus de 4000 travailleurs. Cependant, des sources internes à cette entreprise révèlent que ce méga-complexe papetier souffrait «d'un grand problème de protection matérielle qui s'était posé, notamment lors de la lutte contre plusieurs foyers d'incendie qui ont failli dévaster, il y a plusieurs années de cela, les sociétés de ce complexe», nous a indiqué cette source interne. Ce fut avec tristesse et nostalgie teinte de mélancolie que des travailleurs se remémorent «le prestigieux devenir et la gestion de ce complexe dont la réalisation fut lancée en 1998 et qui était composé de 11 sociétés (Sarl), et dont l'activité n'avait réellement été effective qu'en 2005. Son ancien P-dg sera toutefois interpellé par la justice en 2006 pour des problèmes de surendettement et d'incapacité à rembourser des emprunts contractés auprès de la BADR», ajoutent nos sources. «Les milliers de travailleurs de ce complexe gardent toujours en mémoire l'année 2005, où Tonic prévoyait d'employer 4 000 travailleurs et qui affichait une capacité de production de 300 000 tonnes par an de produits finis», nous confie M. Ali M., qui ajoute en substance : «En cette période, le chiffre d'affaires de Tonic affichait 12 milliards de dinars et à la suite de la désignation successive de deux responsables du séquestre en 2007, par la justice, ce chiffre d'affaires a été réduit à seulement 2 milliards de dinars, suivi d'une mise en faillite de Tonic et de ses 10 sociétés, prononcée le 22 décembre 2009.» Nonobstant ce passif douloureux, certains observateurs avisés s'interrogent : est-ce que ce complexe, qui avait souffert des séquelles et des anomalies de sa gestion, des dégâts subis par ses outils de production, ainsi que des accusations portées par les anciens propriétaires relatives à la dilapidation des équipements, puisse résister à de nouvelles turbulences et à de nouveaux sinistres ? Le doigt de ces observateurs reste toujours pointé sur l'avènement de ces responsables désignés lors du séquestre, en affirmant, à tort ou à raison : «Depuis la désignation de ces derniers, la production a chuté de 5 000 tonnes par mois en 2006 et de 1 000 tonnes par mois durant les années suivantes.» Des propos graves considérés par beaucoup comme «une fuite en avant pour justifier une véritable gabegie». Un quinquagénaire, appelé affectueusement Da Al, employé dans cette société depuis sa création, évoque tristement le démarrage de ce fleuron de l'industrie papetière, qui faisait la fierté de Bou Ismaïl et de l'Algérie, à la lumière des immenses investissements opérés par Tonic : «Tonic devait recycler 500 tonnes/jour de déchets de papier collectés, créer des milliers d'emplois indirects, et employer plus de 4 000 travailleurs permanents. Mais cette immense société vient d'affronter le pire. Pour preuve, il y a la situation d'une usine de dessalement de l'eau de mer, destinée à la consommation industrielle de Tonic. A un certain moment, Tonic utilisait près d'un million de litres d'eau par jour, amenés de loin par des citernes à des prix effarants, à partir de forages destinés aux fellahs. La responsabilité de ceux qui ont occulté l'investissement d'une usine de dessalement, payée en devises fortes, fut dramatique.» La réaction de cet interlocuteur n'est pas un cas isolé. Certains observateurs estiment, pour leur part, que «la cascade des événements qui a affecté Tonic n'est pas due uniquement à son surendettement», soutenant, dans ce cadre, que «Tonic peut atteindre un chiffre d'affaires annuel de 15 milliards de dinars et peut assurer l'autosuffisance de l'Algérie en emballage et papier et, probablement, assurer une exportation vers les marchés étrangers, qui sont autant de motifs pour provoquer des convoitises nationales et internationales ». Plusieurs sources estiment à ce titre que «pour sauvegarder Tonic Industrie, il est nécessaire de miser sur un partenariat avec le privé algérien ». Dans ce cadre, des experts financiers sont formels. Ils affirment que «s'il est vrai que malgré l'aveu des anciens propriétaires de Tonic, qui avaient reconnu que : «le profil du personnel n' était pas celui indiqué pour la maîtrise d'usines constituées d'équipements de haute technologie », la chute brutale et la mise en faillite de Tonic «étaient dues aussi à l'usage inconsidéré du capital financier disponible». On indique à ce propos que la dette de Tonic lors de sa mise en faillite a été évaluée à 6 300 milliards de centimes. Pour revenir à l'incendie qui a dévasté une partie des stocks papiers de Tonic, le lieutenant M. Mechalikh, de la Protection civile de Tipasa, affirme que l'incendie s'est déclaré dans un hangar de l'unité Ouarsenis de Tonic, située sur le chemin de wilaya 128, reliant Bou-Ismaïl à Chaïba. Des agents de Tonic révèlent que cet incendie a pris naissance dans les stocks de déchets de papiers en prenant feu instantanément, à la suite, probablement, d'un court-circuit. Selon les pompiers en place, «ce ne fut qu'au bout d'une incessante lutte contre le sinistre et l'intervention de plusieurs pompiers et de camions anti-incendie que nous avons pu, enfin, venir à bout des dangereuses flammes qui menaçaient l'ensemble du site». Les pompiers ont mis en place un important dispositif sécuritaire qui avait permis de circonscrire l'incendie et éviter le pire. Un cadre de Tonic se désole que ce sinistre ait pris une telle ampleur, malgré l'existence d'un plan interne anti-incendie et l'existence d'une unité anti-incendie moderne et performante au sein de ce complexe qui dispose d'équipements modernes pouvant faire face à ce type de sinistre. Quant à M. Mechalikh, l'officier des pompiers, il n'arrive pas à s'expliquer comment cela est survenu, bien que les effectifs sont constitués par de véritables professionnels. On nous révèle, par ailleurs, que le système de sécurité du complexe de Tonic, qui a été activé dès le déclenchement de l'incendie, a permis de protéger les unités de production du complexe de la propagation du feu attisé en outre par des vents violents. En effet, le complexe Ouarsenis de Tonic, situé dans la commune de Chaïba à Koléa, lieu du sinistre, dispose d'un dépôt à ciel ouvert, affecté au stockage du papier recyclable, et qui compte deux unités de production spécialisées dans la fabrication de papier hygiénique et du carton. Le site, qui emploie une grande partie des travailleurs de l'entreprise de Tonic Industrie, s'étend sur une superficie de 36 hectares. Des cadres de Tonic précisent, en outre, que l'activité du complexe papetier Tonic est affectée à la récupération et au recyclage de 95% des cartons et papiers divers qui se font grâce à des conventions signées avec 160 récupérateurs de déchets. Tonic Industrie travaille dans la transformation de papiers carton, en produisant de la caisse de carton ondulé, de la boîte pliante, des sacs de petite et moyenne contenance, du papier alvéole, des gobelets, des assiettes et divers pots en plastique. Ce complexe dispose, par ailleurs, de grandes capacités d'impression en héliogravure et offset et de découpe de papiers. Dans le cadre du programme d'exportations arrêté pour 2019, Tonic Industrie a effectué une opération d'exportation de 6 000 ballots d'alvéoles, soit 60 millions de plateaux d'œufs vers la Tunisie par voie routière et qui a mobilisé plusieurs camions semiremorques. Tonic Industrie ambitionne de poursuivre son programme sur le marché international, particulièrement les marchés africains, notamment avec le papier tissu et le papier sanitaire et domestique en bobines fabriquées à partir de fibres recyclées. On nous indique en outre que les sacs de petite et moyenne contenance (PMC), conçus pour la viennoiserie ainsi que les gobelets à usage alimentaire, comptent des milliers d'utilisateurs nationaux. Tonic Industrie, créée en 2011 sur les décombres des ex-Sarl de Tonic Emballage, ambitionne de relever le défi malgré la faiblesse des moyens financiers qui ont provoqué des mouvements de protestation des travailleurs. Houari Larbi