Le juge en charge du dossier de Kamel Chikhi et de six autres co-accusés a renvoyé le procès au 26 février prochain pour ce qui s'apparente à un défaut de procédure d'extraction des prisonniers. En clair : ces derniers n'ont pas été amenés au tribunal. Récit d'un évènement peu ordinaire au tribunal de Sidi-M'hamed. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Il est 9 h 30, la salle devant abriter un important procès est déjà pleine. Témoins, avocats, journalistes sont sur les lieux depuis un moment, attendant l'ouverture d'une audience qui devrait en principe s'ouvrir d'un moment à l'autre. En règle générale, l'entame des jugements ne dépasse pas les dix heures du matin. Les prisonniers extraits, là aussi, généralement très tôt des pénitenciers, sont amenés en début de matinée au tribunal. Hier matin, la porte par laquelle le juge et le procureur font leur entrée resta très longtemps fermée. Aucun changement n'intervient dans l'heure qui suit. Dans la salle, les avocats qui font les cent pas n'en savent pas plus que le reste des présents. Nul n'est en mesure d'expliquer ce retard. A 10h30, des membres de la défense protestent et expriment leur désaccord avec la lenteur enregistrée. Ils s'informent auprès des éléments de sécurité présents sur les lieux et apprennent que les prisonniers n'ont pas encore été acheminés. Etonnement. En tout, sept prévenus doivent comparaître aujourd'hui. Il y a d'abord Kamel Chikhi, surnommé Kamel El-Bouchi, principal accusé dans l'affaire de la cocaïne mais également poursuivi dans un dossier de corruption et trafic dans l'immobilier. Mais doivent aussi comparaître dans ce même dossier six autres accusés : le fils de l'ancien wali de Relizane, l'ex-maire de Ben-Aknoun, le chauffeur de Abdelghani Hamel, ancien patron de la DGSN, l'ex-procureur de Boudouaou et son adjoint ainsi que le fils du président de la République. Ils sont poursuivis, entre autres, pour avoir aidé de manière directe ou indirecte Kamel Chikhi à promouvoir ses affaires dans l'immobilier. Bizarrement, les concernés ne sont donc pas présents ce matin pour leur procès. «Nous les avons vus hier soir, on s'est encore entretenu avec eux, on les a rassurés», s'étonne Me Amrouche, avocat de Benzahra, ex-chauffeur de Hamel. A onze heures, le juge et le procureur font enfin leur entrée. Ils appellent les témoins à la barre et constatent l'absence de certains. Très rapidement, il annonce le report du procès au 26 février prochain pour non présence des détenus. La salle se lève alors comme un seul homme. Saisis d'étonnement, les présents n'ont qu'une seule question sur les lèvres : pourquoi ? Une explication est fournie par les avocats : la procédure d'extraction des prisonniers n'a pas été respectée. Sur les lieux, une information se confirme : le principal accusé, détenu à la prison d'El-Harrach, a été amené au tribunal. Il n'apparaît cependant pas dans la salle d'audience. Les six autres accusés, détenus à la prison de Koléa, ne viendront cependant pas ce dimanche. «C'est le procès du parquet», ironise Me Amrouche qui rappelle que cette procédure (demande d'extraction des détenus de leur prison) incombe au parquet. Erreur, défaut de procédure ? Nul n'est à ce moment en mesure de fournir une explication. Surpris, le collectif de défense s'étonne de ne pas avoir eu au moins le temps d'introduire une demande de mise en liberté provisoire comme le veut la procédure. «Le 26, c'est loin, soutiennent plusieurs avocats, c'est une durée de temps interminable pour des personnes emprisonnées, le juge aurait dû prononcer un renvoi d'une semaine», s'insurgent les avocats. Ces derniers se disaient soulagés de voir le procès enfin programmé «pour mettre fin à un dossier vide». Les mêmes sources insistent sur toutes les irrégularités constatées dans le dossier qui a conduit à l'inculpation des mis en cause. Elles rappellent que le premier juge chargé d'instruire le dossier a été écarté et figure parmi les personnes ciblées par des enquêtes dans le cadre du dossier portant sur les réseaux de Tayeb Louh. «Il n'y a pratiquement pas d'instruction pour les six détenus», soutient l'avocat de l'ex-chauffeur de Hamel. Des avocats insistent également sur ce qu'ils considèrent comme étant un élément de taille : l'officier chargé de l'enquête judiciaire a fait lui aussi l'objet d'une enquête et se trouverait actuellement en détention. «Ceci introduit le doute. Comment peut-on donc accuser des personnes arrêtées dans de telles conditions de formation d'une bande de malfaiteurs ?» nous dit-on. Il y a près de deux semaines, la Cour suprême avait débouté le ministère public qui pesait en faveur de la criminalisation des faits reprochés aux concernés. Raison a été donnée au juge qui avait introduit un recours pour requalifier les actes et les classer dans les affaires pénales. A. C.