Le dialogue auquel appelle, depuis son intronisation, le président de la République, enregistre une ruée des divers partis de la mouvance islamiste dans une démarche qui sent bien le souci de reprendre une place temporairement laissée vacante au sein de la périphérie du pouvoir, le temps d'un accompagnement tactique du mouvement populaire. M. Kebci - Alger (Le Soir) - Enième changement de camp chez les islamistes qui, progressivement, sont en train d'opérer un revirement dans leur attitude à l'égard du pouvoir, à la périphérie duquel ils ont toujours aimé évoluer, loin des contraintes et des aléas que requiert l'exercice dans l'opposition. Un repositionnement qui a commencé avec l'intronisation comme président de l'Assemblée populaire nationale, le 10 juillet 2019, de Slimane Chenine, député issu du parti el Binaa. Une «élection» au nez et à la barbe de la majorité parlementaire du duo FLN-RND et de leurs petits alliés périphériques qui sonnait, d'ores et déjà, l'entame d'un changement d'attitude de la mouvance verte à l'égard du pouvoir resté sans caution islamiste depuis le divorce avec le MSP, au début de l'année 2012. Seulement, cet énième revirement sera sérieusement contrarié par la persistance du mouvement du 22 février dernier qui contraindra tout le monde à la discrétion. Ce que firent les partis de la mouvance qui ont fait mine d'accompagner cette dynamique citoyenne dont ils épouseront tous les mots d'ordre, renonçant à contrecœur, pour certains d'entre eux, à la course présidentielle du 18 avril et du 4 juillet 2019 avortées et celle du 12 décembre à laquelle le président de ce micro-parti qu'est el Binaa a pris part, créant même la surprise au bout dudit scrutin en se classant second derrière le Président élu. Mais une fois cette élection passée et le Président élu ayant pris ses fonctions, ces mêmes acteurs de la mouvance islamiste lance alors une opération de rapprochement en douceur dans une démarche synchronisée qui sent, par ailleurs, le souci de chacun d'eux de ne pas se faire dépasser par l'autre. C'est ainsi que les présidents du MSP et du FJD, les plus emblématiques de la mouvance de par leurs poids respectifs, ont commencé une «campagne de charme» à l'endroit du pouvoir, multipliant les sorties publiques à travers lesquelles ils déclinaient ce qui constituait dans les faits des «offres de service», accueillant avec ferveur le dialogue auquel appelle le président de la République, tout en n'omettant pas d'égratigner le mouvement populaire dont la poursuite semble les gêner dans leur stratégie de renouer avec le pouvoir. Un dialogue auquel le président du MSP a pris part, en répondant, mercredi dernier, à l'invitation que lui a faite le chef de l'Etat. Abdelmadjid Tebboune a reçu, dans ce sens, le président du MSP, Abderrezak Makri, qui était accompagné de deux cadres du mouvement. Une entrevue à l'issue de laquelle Abderrezak Makri affirme partager avec le chef de l'Etat la vision autour de nombre de dossiers, aussi bien au niveau local qu'à l'international et régional. Dont, notamment, la nécessité de réformes politiques pour aller vers des élections législatives et locales libres et transparentes, une fois le projet de révision de la Constitution finalisé et la loi portant régime électoral amendée. Il a également insisté sur l'impérative poursuite des mesures d'apaisement et la libération des détenus du Hirak. Il s'est agi, également, lors de cette rencontre, de la question économique avec les dangers qui guettent le pays dans ce domaine. Pour Makri, la réussite des réformes politiques et le regain de la confiance du citoyen passent par une réussite économique à même de garantir la prospérité et le développement et permettre ainsi au pays de devenir fort et influent. Ce qui passe, selon le président du MSP, par une bonne gouvernance, une stabilité politique et sociale. Pour y arriver, poursuit Makri, il faudra un dialogue, un consensus, une légitimité et une légalité des institutions. Et de soutenir avoir senti chez le président de la République une nette volonté d'aller de l'avant dans ce cadre. Autre point sur lequel le président du MSP a insisté auprès du chef de l'Etat, la poursuite sans relâche de la lutte contre la corruption, la récupération des deniers publics dilapidés, la création d'un climat d'affaires loin de toute corruption basé sur la transparence, la justice et l'égalité des chances, etc. Après Makri, le tour est à Abdallah Djaballah qui, après avoir exprimé sa disponibilité au dialogue entamé par le président de la République, traite même du sujet de la révision de la Constitution, plaidant pour «une révision intégrale de la Constitution». Une première loi dont le préambule doit être revu de fond en comble, selon le président du FJD (Front pour la justice et le développement) «truffé», selon lui, «d'anomalies qui doivent être examinées». Ceci, non sans critiquer le comité d'experts chargé de cette question qui «manque de diversité politique». Pour Djaballah, qui se dit «prêt à rencontrer Tebboune», «le Hirak a réalisé de nombreuses choses positives pour ce qui est de la lutte contre la corruption et l'injustice». Une insurrection citoyenne en cours dans le pays à laquelle Djaballah reproche un changement significatif dans les slogans entonnés, notamment son adoption du fameux «Etat civil et non pas militaire», cher à feu Abane Ramdane et qui, de l'avis du chef islamiste, est à connotation «laïque française». M. K.