Nous sommes jeudi mais aujourd'hui n'est pas vraiment important : demain si, puisqu'on sera vendredi. Le premier de l'an 2 et du printemps avant l'heure. Il y aura encore du monde, peut-être un peu moins, peut-être beaucoup plus que l'autre fois où il y avait déjà foule. Il y en a toujours eu, depuis les premiers froids du commencement. Puis, il y a eu la chaleur, la soif et la faim du jeûne, des voyages au bout du bonheur, des bouchons d'enfer et des rencontres au paradis. Il y a eu les sentiers pavés de mauvaises intentions et quelques tours de passe-passe. Il y a eu des clins d'œil qui n'arrivaient pas, des appels du pied qui ne touchaient jamais le talon et quelques coups de coude dérisoires. Demain, on ne sait pas s'il y aura encore du soleil mais on sait déjà qu'il fera beau, c'est vendredi. Hier, on était mercredi. Il y avait du soleil mais il n'a pas servi à grand-chose. Il n'y avait pas d'eau dans les robinets mais ce n'est pas grave, il y a toujours des nuages dans le ciel. Question existentielle : on veut de l'eau ou des nuages ? Réponse psychiatrique : pourvu qu'il y ait le sourire, le reste viendra tout seul, comme une grande fille. On dit « comme un grand garçon » ? Ça, c'était avant. Maintenant, on dit ce qu'on veut. Et puis, derrière chaque grande fille, il y a un grand garçon. Ils sont maintenant côte à côte et parfois sans faire attention à la distance respectable. Question vitale : est-ce que la distance respectable est… respectable ? Réponse de la bergère au berger : non. Il n'y n'a pas de bergères en Algérie ? Réponse de bon sens : ce n'est pas grave, il n'y a pas de bergers, non plus. Sinon on aurait eu du lait. Il paraît qu'on n'a rien compris à la « crise du lait » : nous avons la poudre parce que nous avons du pétrole mais nous n'avons pas d'eau pour le mélange. Nous avons le pétrole mais pas les idées. Lundi, on était le 24 février. Tout le monde a oublié ce que c'est mais il faut quand même en dire un mot. La nationalisation des hydrocarbures. Il paraît que c'est… Chakib Khelil qui a tout préparé aux Etats-Unis, ce qui nous donne au moins deux infos. La première est que Chakib Khelil existait déjà, s'occupait du pétrole et les Algériens ne crèvent pas encore de faim, 48 ans après. La deuxième est qu'il ne pense pas encore à El-Harrach, puisqu'il parle de Hassi Messaoud. Après tout, il a même pensé à El-Mouradia. Il fallait rappeler Chakib Khelil, sans lui, le 24 février n'avait plus de sens. Et Sidi Saïd, bien sûr. On a oublié ce qu'est le 24 février mais on s'est rappelé encore que c'est un « double anniversaire ». C'est lui qui a nationalisé l'UGTA. Ou privatisé, on ne sait plus. Il n'y a pas d'eau parce qu'il n'y a pas de pluie, donc pas d'eau. On avale la poudre de lait ? Ce n'est pas important, demain, c'est vendredi et il y a toujours de l'eau dans les canons. S. L.