Les deux anciens Premiers ministres ont chargé lourdement l'ancien Président Abdelaziz Bouteflika hier à la cour d'Alger où ils comparaissaient lors du procès en appel de l'automobile. Abdelmalek Sellal n'a pas hésité à demander la présence de l'ex-chef d'Etat, défendant son «ami» Ahmed Ouyahia qui, comme lui, n'a fait, dit-il, qu'appliquer un programme officiel. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Sellal a répondu aux premières questions du juge en déclarant, donc, qu'il était chargé d'appliquer un programme gouvernemental adopté par le Parlement. «J'étais chargé de veiller à son application, dit-il. Le premier responsable, c'est Bouteflika, c'est lui qui devrait normalement être ici pour témoigner, il est vrai que le Président était malade, mais il supervisait absolument tout à travers son frère». «Chaque secteur a ses activités, moi j'étais chargé de superviser (…) Aujourd'hui, on m'accuse de corruption, j'aimerais mourir.» Sellal va plus loin dans ses déclarations, affirmant, cette fois, que Abdeslam Bouchouareb échappait à tout contrôle du gouvernement : «j'ai demandé, poursuit l'ancien Premier ministre, à ce qu'il soit isolé car je ne parvenais pas à le contrôler.» Question : «Qui a désigné Bouchouareb ?» Réponse de l'ancien Premier ministre : «Abdelaziz Bouteflika.» Lorsque le juge lui demande ensuite les raisons pour lesquelles il n'a pas démissionné dans une telle situation, Sellal répond : «Lorsqu'un haut responsable en fonction à l'époque a osé parler et dénoncer ce qui s'est passé, ils l'ont humilié, chassé de poste et emprisonné son fils, ce dernier a mangé des lentilles et des haricots avec nous en prison.» L'allusion à Abdelmadjid Tebboune et son fils est on ne peut plus claire. Lors de son procès, mercredi dernier, Khaled Tebboune avait affirmé avoir été emprisonné deux années durant pour avoir reçu deux bouteilles de parfum de Kamel Chikhi qui l'avait convié à visiter le nouveau siège de sa société. Ahmed Ouyahia s'est, lui aussi, défendu en affirmant que toutes les décisions émanaient de la présidence de la République. Aux différentes questions du juge, il répond : «J'ai été quatre fois Premier ministre, j'étais chargé d'appliquer un programme (…) ce n'est pas le chef du gouvernement qui offre des avantages mais les lois du pays.» L'ancien Premier ministre s'est également plaint qu'après «quarante ans de services, vous nous accusez de corruption et de blanchiment d'argent. Nous n'avons fait qu'appliquer un programme officiel.» «Mon épouse, poursuit-il, n'a pas de société, quant à mon fils, il a une société montée grâce à l'Ansej, où est le blanchiment d'argent là-dedans ?» Après une longue série de questions-réponses sur les modalités d'octroi des projets aux concessionnaires automobiles, il annonce avoir « demandé au Président Bouteflika d'établir une loi contre la corruption, il a refusé !» La journée d'hier a été également consacrée à l'audition de Youcef Yousfi. Ce dernier est allé, lui aussi, beaucoup plus loin dans ses déclarations que durant le premier procès où il s'est suffi, en quelque sorte, de répondre du mieux qu'il pouvait aux questions du juge de Sidi-M'hamed. L'ancien ministre de l'Industrie estime avoir été lésé, déshonoré lui et sa famille par un dossier dans lequel il se dit innocent. Il a évoqué des décisions émanant des plus hautes autorités du pays, il accuse également l'ancien ministre de l'Industrie d'avoir agi à sa guise pour mettre en place des mécanismes flous. «En prenant mes fonctions, poursuit Yousfi, je n'aurais jamais cru en arriver à une telle situation ni être accusé d'avoir porté atteinte aux intérêts de mon pays.» Nouvelle stratégie de défense ou révolte à l'égard de ce qu'ils considèrent comme étant une injustice face à l'impunité de l'ancien chef d'Etat qu'ils considèrent comme étant le premier responsable de tous les faits qui leur sont reprochés ? Hier, leurs propos étaient, en tous les cas, loin d'être passés inaperçus. Conduiront-ils pour autant à la convocation de Abdelaziz Bouteflika ? A. C.