«A quelque chose malheur est bon», dit le proverbe. Et la fable de La Fontaine «Le berger et le roi» s'adapte parfaitement à ce nouveau monde où, encore une fois, les plus forts imposent leur vision, leur diktat, sur les petites gens. En football, comme dans l'ensemble des sports, force à l'argent. Les lobbies sont autant plus dominants que ceux versés dans l'économie, finances ou le commerce. Les puissants sont à chercher en Occident, certainement en Europe, où le lobby du G 14 fondé en 2000 et qui deviendra ensuite Association européenne des clubs (au nombre 18) a le fin mot sur tout ce que se fait sur la planète football. C'est cette Association qui a imposé le report de l'Euro-2020 que l'UEFA comptait disputer, à leur initiative et avec leur bénédiction bien sûr, cet été dans 12 pays du Vieux-Continent. Et c'est elle aussi qui a inspiré le Suisse Gianni Infantino, président de la Fifa, de lancer, dès l'été 2021, en Chine, le Mondial des clubs à 24 équipes, imposant à l'Afrique (surtout) de revoir son calendrier pour l'édition de la CAN au Cameroun. Une injustice que les dignitaires de la CAF ont acceptée, avançant que les conditions climatiques au pays de Paul Biya seraient derrière la décision de revenir à une phase finale en hiver, comme depuis les débuts de cette épreuve continentale. Une entourloupe qui a fini par s'écraser devant les motivations réelles invoquées par la suite par des structures qui n'avaient rien à voir avec la gestion du football, à l'exemple des magnats et autres sponsors qui ont communiqué sur les possibles gains d'une CAN pendant l'hiver, loin de la concurrence des manifestations majeures dans le football mondial comme l'Euro et la Copa América, invitant la Confédération d'Ahmad Ahmad à bien réfléchir sur la décision portant organisation d'une phase finale chaque 4 ans au lieu de deux années, comme il est de rigueur depuis 1968 (deux éditions, celles de 1962 et de 1965 avaient une marge de deux ans sur celles qui les ont précédées alors que celle de 1963 est intervenue un an après celle de 1962). Les mêmes motifs (avantages financiers, ndlr) ont été mis en avant pour faire tourner la tête aux membres du CE/CAF et faire changer d'avis leurs alliés. Avec la nouvelle donne induite par la crise médicale du coronavirus, l'Afrique va également suivre les «conseils» des maîtres de la «baballe». Le G14 va «aimer» En effet, le retard causé aux différents championnats des pays européens notamment les cinq plus grands (France, Italie, Angleterre, Allemagne et Espagne) impactera la fin de toutes les compétitions. Beaucoup envisagent un tomber de rideau vers la fin juin, soit plus d'un mois après les délais initialement fixés. Cette fin de saison exclut pour le moment de son agenda celle des deux épreuves interclubs (Ligue des champions et Europa League) qui ont connu un coup d'arrêt à une étape médiane (huitièmes de finale «aller»). De nombreuses sources affirmaient mardi, juste après l'annonce du report de l'Euro, que les dates réservées initialement au Championnat d'Europe seront exploitées pour faire jouer le reste des tours de ces deux challenges, mais rien d'officiel n'a filtré auprès de l'instance du football européen. Si c'est le cas, le G14 devant avoir son droit de regard, voire plus, il faudrait s'attendre à ce que le début de la saison 2020-2021 soit décalé vers septembre-octobre. Une option qui globalement, va pénaliser le football africain qui, de juin à octobre prochain, doit boucler les éliminatoires de la CAN avant de se lancer dans celles au Mondial-2022. A moins de voir les sélections africaines évoluer sans leurs expatriés, comme souhaité par les clubs européens qui, déjà à l'annonce d'une CAN entre janvier et février 2021, faisaient un boucan médiatique sans précédent. Là encore, si l'intervention de la Fifa, qui, la semaine dernière, a donné instruction aux fédérations nationales de ne pas solliciter leurs internationaux évoluant en Europe, est souhaitable, il faudrait aussi que l'instance d'Ahmad Ahmad frappe sur la table en exigeant plus de respect de la part des «puissants». La négociation, si négociation il y aura, portera non seulement sur la disponibilité de l'élite africaine qui fait le spectacle dans les grands championnats européens, mais surtout sur l'éventualité de re-transposer la CAN-2021 à sa date initiale. Cette proposition fera un bon chemin et le G14, d'habitude peu enclin à négocier avec ses «sujets», peut offrir cette «fleur» aux Africains, d'autant plus que cela va dans le sens de ses intérêts. Une CAN en été voudrait dire que tous les joueurs internationaux (africains, sud-américains et européens) qui émargent dans les grands Championnats d'Europe seront présents lorsque leurs clubs joueront leur avenir sur le plan local et régional. La période hivernale constitue, en effet, une occasion propice pour faire le break dans la course au titre sinon pour éviter les (mauvais) calculs de fin de saison. Seulement, cette perspective (faire jouer trois tournois continentaux à la même période de l'année) ne sera pas sans conséquences sur l'aspect financier de chaque compétition (Euro, CAN et Copa América). Là aussi, l'attractivité et le lobbying vont faire une victime et ce sera l'Afrique, comme d'habitude. M. B.