Une affaire peut souvent en cacher une autre, ont appris, depuis fort longtemps, politiques et responsables d'Etat. Celle de Wassini Bouazza, désormais ex-patron de la DSI, a très vite mis l'opinion sur des pistes au centre desquelles figure un autre nom qui alimente depuis quelques heures rumeurs et confusion : Belkacem Zeghmati. Abla Chérif - Alger (Le Soir)- L'aura du garde des Sceaux, sa réputation de farouche justicier victime de Chakib Khelil et de son clan, s'en trouve, de ce fait, étouffée par des nuages sombres que beaucoup attribuent à une triste alliance avec l'ancien responsable de la Direction de la sécurité intérieure (DSI). L'obtention d'informations totalement fiables sur le sort qui a été réservé à ce dernier relève toutefois du défi aujourd'hui. Elles se résument à un communiqué du ministère de la Défense annonçant son remplacement par le général Abdelghani Rachedi et une bousculade d'informations et contre-informations circulant hors circuit officiel. Dans le premier cas, des passages du texte publié par le MDN renseignent largement sur la gravité de l'affaire Bouazza. Lors de l'installation du nouveau chef de la DSI, le général-major Changriha a donné aux cadres et officiers de ce département ordre d'obéir à leur nouveau responsable. Dans le second volet relatif à cette affaire, l'opinion s'est retrouvée noyée sous une somme de données, parfois contradictoires, livrées à flots. Wassini Bouazza a d'abord été donné en fuite, puis arrêté avec d'autres officiers qui composaient son équipe de confiance. Puis d'heure en heure, il a été progressivement établi que ce dernier avait été, en fait, pris de court et arrêté, au moment où il ne s'y attendait pas, par une équipe du CPMI (Centre principal militaire d'investigation), qui l'a ensuite conduit dans des locaux des services de sécurité pour l'interroger avant qu'il ne soit mis aux arrêts. Nous apprenons, par ailleurs, qu'il a été officiellement mis sous mandat de dépôt. Aucun communiqué officiel n'est, cependant, venu confirmer ou infirmer ce qui se dit autour de cette affaire. Auprès de l'opinion, le mis en cause est soupçonné d'être un homme d'intrigues, auteur de dossiers falsifiés à l'encontre de personnalités politiques, de l'emprisonnement des détenus d'opinion, l'homme qui susurrait à l'oreille du défunt Gaïd Salah l'amenant à prendre des décisions radicales… Il jouissait de sa confiance, dit-on, et de pleins pouvoirs qu'il ne pouvait naturellement parachever qu'en s'appuyant sur l'appareil judiciaire. C'est là qu'apparaît le nom de Belkacem Zeghmati. Sa nomination à la tête du ministère de la Justice intervient au moment où une grande vague de contestations, d'exigences de changement et de justice secoue le pays. Zeghmati a le profil idoine pour remplir cette mission. Evincé par Abdelaziz Bouteflika pour avoir osé croiser le fer avec Chakib Khelil, auteur d'un mandat d'arrêt à l'encontre du protégé de l'ancien président de la République, il jouit d'une popularité et d'une estime particulières tant au sein de sa corporation qu'auprès de l'opinion. Très vite, des doutes se mettent en place. La vague d'emprisonnements des manifestants du Hirak, des porteurs du drapeau amazigh, les anomalies constatées dans la gestion de certains dossiers sensibles inversent le sentiment. A plusieurs reprises, le Syndicat national des magistrats, mais aussi des avocats, dénonce publiquement «le travail des officines secrètes qui interviennent dans le travail de la justice». Zeghmati ne symbolise plus seulement la lutte anti-corruption qui bat son plein dans le pays. Le 1er novembre 2019, Gaïd Salah lui adresse un message qui accentue les doutes. Lors de la cérémonie célébrant l'évènement, le ministre de la Justice fait une accolade au chef d'état-major qui le félicite et lui demande, face aux caméras, de «poursuivre jusqu'au bout». Une marque de confiance indiscutable, la même dont jouissait l'ex-patron de la DSI. Il n'a donc pas fallu longtemps pour que le nom de Zeghmati surgisse dans l'affaire Wassini Bouazza. Depuis l'arrestation de ce dernier, il est au centre de très nombreuses rumeurs. Pour certains, ce dernier est frappé d'ISTN (interdiction de sortie du territoire national) depuis 24 heures, d'autres laissent entendre que des mesures immédiates seront prises à son encontre. Des dossiers d'une grande sensibilité dans lesquels il aurait trempé sont mis en circulation sur les réseaux sociaux. D'autres encore avancent même le nom de son probable remplaçant, Mestiri, ancien procureur du tribunal civil de Blida… Les jours de Zeghmati sont-ils comptés ? A. C.