Le procureur général affirme que la justice algérienne n'a subi aucune pression et que l'enquête n'est qu'à ses débuts dans le scandale Sonatrach. Chakib Khelil, son épouse et ses deux fils sont inculpés dans l'affaire Sonatrach 2 et des mandats d'arrêt internationaux ont été délivrés par la justice algérienne à leur encontre, il y a deux semaines. C'est le procureur général près la cour d'Alger, Belkacem Zoghmati, qui l'a annoncé, hier, lors d'une conférence de presse. En tout, ce sont 22 personnes, dont deux morales (Saipem et Orascom Industries) qui ont été inculpées. Même si le procureur général n'a pas voulu divulguer le reste des noms, il a confirmé, par contre, l'inculpation de Farid Bedjaoui et le mandat d'arrêt international émis à son encontre. Les chefs d'inculpation retenus contre ces personnes concernent la corruption, le blanchiment d'argent, la conclusion de contrats contraires à la réglementation, abus de pouvoir et constitution de bandes criminelles organisées. "C'est une véritable pieuvre qui a ses tentacules partout", commentera Belkacem Zeghmati. Selon le procureur général, Chakib Khelil a été destinataire d'une convocation de la part du juge d'instruction chargé de l'affaire. Chakib Khelil confirmera la réception de cette convocation par le biais d'une lettre manuscrite parvenue au parquet en date du 13 mai dernier où il affirme être aux USA, qu'il était malade et que son médecin lui avait prescrit un repos de deux mois. Il joint un certificat médical à sa lettre. Mais, depuis, trois mois sont passés et l'ancien ministre de l'Energie et des Mines ne s'est pas présenté, d'où son inculpation et le mandat d'arrêt international émis à son encontre. Le procureur confirme également que les domiciles de l'ex-ministre, à Alger et à Oran, avaient été perquisitionnés, mais à cette époque, précise-t-il, Chakib Khelil n'était pas encore inculpé. Les pots-de-vin parvenus à travers des opérations bancaires très complexes "Aujourd'hui, l'enquête judiciaire a permis d'établir l'existence d'un réseau international chargé de recevoir des pots-de-vin en contrepartie de contrats avec Sonatrach. Des sommes colossales ont été perçues par des intermédiaires, qui sont responsables au ministère de l'Energie ou de Sonatrach. Ces sommes leur parvenaient à travers des opérations bancaires très complexes, à travers plusieurs pays, dans les quatre coins du monde. Ces commissions étaient offertes, soit directement aux personnes incriminées, soit aux membres de leur famille, soit à leurs anciennes connaissances", selon le procureur général. Et d'ajouter : "Les enquêtes ont révélé qu'une partie de cet argent a été investi dans des opérations immobilières, notamment en Europe. Ces commissions atteignaient parfois des sommes dépassant les 157 millions d'euros." La justice algérienne a pris un certain nombre de mesures, en attendant la suite de l'enquête, à travers le gel des avoirs des personnes inculpées, la saisie de leurs biens et la mise sous scellés de leurs biens immobiliers. Tout en saluant "la coopération absolue" des justices italienne, française et suisse dans ce dossier, le procureur général s'est félicité du fait que la justice suisse, par exemple, a accepté de geler et de saisir les avoirs d'un inculpé algérien dans le cadre de la procédure de récupération, par l'Algérie, de ces avoirs issus de la corruption. Nous attendons les résultats des commissions rogatoires des pays du Golfe et des Emirats Mais pour Belkacem Zoghmati, "l'enquête n'est qu'à ses débuts et se poursuit à un rythme soutenu. Les résultats des commissions rogatoires ont permis d'accélérer l'enquête et d'élargir le champ d'investigations". Et il se pourrait que de nouveaux rebondissements surgissent une fois les commissions rogatoires transmises aux pays asiatiques (notamment pour les avoirs placés à Singapour, à Hong Kong et à Dubaï) apportent leurs premières réponses. "Nous attendons encore les résultats des commissions rogatoires, notamment en ce qui concerne les pays du Golfe et le Moyen-Orient (Liban), mais surtout les Emirats arabes unis", dira M. Zeghmati. Pour le procureur général, la justice algérienne ne subit aucune pression et travaille dans la sérénité. "Doucement, mais sûrement", car, estime-t-il, "l'ennemi de la justice c'est la précipitation". Dans le cadre de l'affaire Sonatrach 2, le PG réfutera les accusations selon lesquelles la justice algérienne n'aurait réagi qu'après la publication d'articles de presse faisant état de révélations des juridictions étrangères, notamment italienne. Tout en affirmant, au contraire, agir dans le respect au "droit du citoyen à l'information" et les engagements du ministre de la Justice de tenir l'opinion publique informée "en temps voulu" de tous les développements de cette affaire, M. Zoghmati retracera la genèse de l'affaire Sonatrach 2, en commençant par la publication des actes d'accusation du 14 octobre 2012 à l'encontre de dix personnes, dont une personne morale (Saipem). Plusieurs commissions rogatoires ont été émises, ce qui a permis d'inculper douze personnes supplémentaires, dont une personne morale (Orascom Industries). Actuellement, deux personnes se trouvent en détention préventive et deux autres sous contrôle judiciaire, en plus de neuf mandats d'arrêt internationaux. "Beaucoup essayent de faire croire que la justice algérienne n'a bougé qu'après l'action de la justice italienne. C'est faux, totalement faux. Dans mon premier communiqué, j'ai dit que l'affaire Sonatrach 2 n'était que le prolongement de l'affaire Sonatrach 1(...) Je persiste à dire que les autorités judiciaires algériennes n'ont pas attendu que les juridictions étrangères agissent pour qu'elles bougent". L'ancien ministre a porté préjudice à l'Etat algérien Il reste à savoir si, un jour, ces inculpés, se trouvant à l'étranger, notamment Chakib Khelil qui dispose de la nationalité américaine, puissent être extradés pour être jugés en Algérie. À ce propos, le procureur général se montre optimiste et confiant. "Il est inculpé pour des faits commis en Algérie, en tant que responsable algérien. Pour nous, Chakib Khelil est algérien. Il a porté préjudice à l'Etat algérien. Il a agi en Algérie. Il est aux USA, mais il se peut qu'il se retrouve ailleurs", dira-t-il. Une façon de rappeler que le mandat d'arrêt international émis à son encontre le poursuivra dans tous les aéroports du monde. Enfin, pour ce qui est de la récupération des sommes perçues par les mis en cause désormais poursuivis, le procureur général rappellera que la convention onusienne concernant la lutte contre la corruption précise les modalités de rapatriement des avoirs détournés. Tout en concluant que l'enquête n'était qu'à ses débuts, Belkacem Zeghmati affirmera que ces rappariements ne pourraient se faire qu'une fois la décision de la justice est rendue définitive. C'est-à-dire, une fois que le procès se tiendra. A. B Nom Adresse email