Plusieurs médecins spécialistes du Centre hospitalo-universitaire Saâdna-Mohamed-Abdenour de Sétif, et notamment les Pr El Hachemi Seddik, chef de service de la chirurgie générale, et le Pr Nabil Mosbah, chef de service de réanimation, n'ont cessé de contester et de dénoncer la mauvaise gestion de l'épidémie de coronavirus par l'administration du CHU de Sétif ainsi que de nombreuses entraves administratives et bureaucratiques. Ainsi, à travers une lettre adressée au directeur de la santé et de la population de la wilaya de Sétif et dont une copie nous est parvenue, le Pr Seddik, chef de service de la chirurgie générale, dénonce «une gestion absurde et scandaleuse» du coronavirus par le CHU ainsi que le non-respect et la non-application de l'instruction ministérielle n°12 relative à la mise en place du dispositif de prise en charge d'un patient Covid-19 et qui stipule clairement que l'hospitalisation de tous les cas suspects ou confirmés d'infections liées au coronavirus doit se faire dans les services d'infectiologie, de pneumologie et de médecine interne. «Malheureusement, toutes ces directives sont carrément ignorées au CHU de Sétif. Parmi les services désignés implicitement et sans ambiguïté dans ce dispositif, certains font l'impasse sur l'application de cette note. Ces services n'ont réservé que 50% de leurs capacités d'hospitalisation pour les patients de coronavirus. La cellule Covid-19 du CHU de Sétif s'est montrée non seulement impuissante de faire appliquer les directives de la tutelle mais trouve plutôt la parade de réquisitionner le service de chirurgie générale pour hospitaliser des patients suspects y compris des sujets très âgés, comme si le CHU ne disposait pas d'autres services de médecine plus adéquats pour prendre en charge ces patients», dénonce le praticien dans sa correspondance. Ce dernier ajoute : «Au lieu de cerner le risque de contagion au niveau d'une seule structure médicale en regroupant l'ensemble des patients suspects et en mobilisant les moyens humains et matériels, on assiste à l'éparpillement des patients entre les services dédiés exclusivement à la prise en charge où le taux d'occupation des lits ne dépasse guère les 50% et le service de chirurgie générale où le taux d'occupation est de 100%.» Le Pr Seddik affirme également que lors des gardes du 10 et du 11 avril 2020, les équipes chirurgicales (assistants et résidents) ont été réquisitionnées pour la pratique de prélèvements naso-pharyngés. «En plus de la charge de travail au niveau du pavillon des urgences, on les somme de pratiquer un examen qu'elles ne maîtrisent pas sans oublier le risque de diffusion de l'infection pour le personnel, les opérés et les consultants des urgences. Où sont passées les équipes de garde de médecine des services concernés, en l'occurrence l'infectiologie, la pneumologie et la médecine interne ?» s'interroge le médecin. Le Pr Seddik se dit disposé ainsi que le personnel médical et paramédical du service de chirurgie générale à prêter main-forte et à unir les efforts avec l'ensemble des intervenants pour venir à bout de cette crise sanitaire dans le strict respect des directives édictées par l'instruction ministérielle. «Mais au niveau du CHU de Sétif, la réalité est tout autre et la cellule Covid-19 est en train non pas de gérer une épidémie mais plutôt les humeurs de personnes (allusion faite à certains responsables, ndlr)», conclut le professeur Seddik. Pour sa part, le professeur Nabil Mosbah, chef de service de réanimation, a dénoncé, dans des posts publiés sur Facebook, la bureaucratie qui prévaut au niveau du CHU de Sétif notamment durant cette crise sanitaire. En effet, le Pr Mosbah a fait état, dans un post, des entraves bureaucratiques enregistrées dans l'exercice de ses fonctions. «La plupart des patients de coronavirus ont un grave déficit rénal qui nécessite des séances d'hémodialyse. Afin d'éviter leur transfert au service de néphrologie, un bienfaiteur avait fait don au service de réanimation d'un équipement d'hémodialyse. Sauf que pour sa mise en service, il faut un technicien confirmé. Contacté, le technicien en question, qui habite Alger, s'est dit disponible à se déplacer à Sétif mais qu'on devrait lui envoyer une autorisation de circulation à cause du confinement sanitaire. J'ai aussitôt pris attache avec la direction du CHU pour établir l'autorisation de circulation mais à ma grande surprise, on m'a répondu d'une façon laconique qu'une simple attestation de ma part permettrait à ce technicien d'obtenir l'autorisation. C'est le travail de l'administration et non pas du médecin», avait écrit le praticien. Il a également affirmé que depuis le début de l'épidémie, aucun responsable du CHU de Sétif, par crainte de contamination, n'est venu au service de réanimation pour s'enquérir de la situation et de constater dans quelles conditions travaille le personnel soignant. Imed Sellami