Je l'entends tousser du bout du couloir du journal. Il porte un masque, se frotte les mains avec le gel hydroalcoolique, vérifie si le personnel encore sur les lieux observe les gestes barrières imposés par la pandémie, avec son calme habituel. Il se dirige vers son bureau, s'installe, puis jette un coup d'œil vers la salle de rédaction, il fait sombre et un vide y règne depuis la mi-mars, depuis le confinement. Les journalistes font du télétravail. Seuls Nacer, Badredine, Kamel, Saïda, l'équipe technique de montage, la correction, réduite à son strict minimum, assurent la fabrication du canard. Malgré sa maladie, Fouad Boughanem est toujours là discret mais imposant. Il s'enferme dans son bureau lorsque la maladie le tiraille sans que l'on s'en aperçoive. Sa présence auprès de ses collègues est pour lui capitale. Pas question de les laisser seuls au front par ces temps de crise sanitaire. Il doit être là pour leur insuffler le courage qu'on lui connaît. Il ne quittera pas le siège avant de s'assurer que tout est bien huilé, et surtout que les employés ne prennent aucun risque pouvant altérer leur santé, sans sombrer dans la psychose. Malheureusement, Fouad Boughanem, le directeur de publication, n'est plus. Mais c'est comme si il y est. Un an déjà s'est écoulé après que la faucheuse fut passée. C'est sans lui, mais à travers ce qu'il a bâti, que son équipe poursuit sa mission. C'est sans lui que nous avons marqué nos trente années d'existence. Triste fut ce jour-là. Qui aurait imaginé que lui, le pilier du journal, manquerait à l'appel ? Le 8 Mars, c'est son successeur, Nacer Belhadjoudja qui nous accueillera dans son bureau pour nous souhaiter une bonne fête et nous offrir des présents, comme le faisait Fouad depuis plus de dix ans. Il tenait à nous faire plaisir, même par temps de crise. « Tout ce qu'a initié Fouad je le perpétuerai, rien ne changera », dira Nacer. Même si le temps estompe quelque peu les blessures, il n'efface en rien cette tristesse qui se cache au fond de tous ceux qui l'ont côtoyé, qui le croisaient chaque jour, qui reconnaissaient de loin sa toux sèche, son rire, ou lorsqu'il ôtait ses lunettes pour lire les pages du journal avant la publication. Ceux qui tapaient à sa porte pour lui exposer des querelles entre collègues, ou quelques soucis d'argent. Il savait toujours trouver les mots pour apaiser les uns et soulager les contrariétés des autres. En trente ans d'exercice, je l'ai vu peut-être deux fois hausser le ton pour mettre le holà à des esclandres dont il avait horreur. Il a réussi à faire de son équipe une famille, en sachant dissiper très vite le malaise quand il venait à s'installer. Une année depuis sa disparition et sa présence discrète nous interpelle. Nous l'évoquons dans nos discussions, nous pensons à son épouse, à sa fille, nous nous remémorons les derniers jours avant sa disparition lorsque nous le voyions de moins en moins, quand, fatigué, il se reposait dans son bureau sans que personne le sache. Il tenait par-dessus tout à rester discret jusqu'à la fin. Pourtant on aurait aimé lui témoigner notre sympathie, notre compassion, lui dire combien nous l'estimons, nous l'affectionnons. Mais nous avons respecté sa volonté. Nous avons de la peine à réaliser que le patron du journal est parti en nous laissant derrière lui. Aujourd'hui, nous continuons ce qu'il a commencé, il y a 30 ans en espérant être à la hauteur de la confiance qu'il avait en chacun de nous. Naïma Yachir
Une année après, toujours là Une année déjà depuis ton départ. Et pourtant, cette impression de n'avoir pas coupé le contact avec toi. J'ai continué à solliciter ton aide et conseil pour tout et rien. Juste pour provoquer une discussion et un débat passionné et passionnant. Rien n'a changé. Toujours égal à toi-même donnant aux choses compliquées une approche plus « banale » pour ouvrir ensuite des grilles de lecture plus accessibles. Une année après, ton projet de digitalisation du Soir commence à prendre forme. Au rythme que tu voulais. «Sans précipitation, mais le projet doit aboutir. Nous devons réapprendre à écrire, parler et partager avec la nouvelle génération de lecteurs.» Comme toujours, à petites doses, tu exprimais ta nouvelle passion pour les technologies du Net. Très vite tu comprendras qu'il faut métamorphoser d'abord le site du Soir. Lancer l'application portable et tablette et… cette satanée maladie qui t'a obligé à mettre entre parenthèses ton projet pour mener un autre combat. Et tu as su le faire avec courage et surtout dignité. J'ai beaucoup de choses à te dire encore mais on ne va pas épuiser tous les thèmes aujourd'hui. À toute, mon frère. Nacer Belhadjoudja Pensée à la mémoire de Mohamed-Fouad Boughanem Fouad, Il y a un an, nous t'avions dit adieu pour toujours. Nous ne te voyons plus. Pourtant, tu es toujours présent parmi nous. Nous ne t'oublions pas, tu as laissé une trace indélébile dans nos pensées et dans nos cœurs. Nous savons, et tes amis savent, qu'être Fouad Boughanem, ce n'est pas seulement le professionnalisme journalistique. C'est également la bonté envers les autres, l'empathie envers les plus faibles et l'humilité en toutes circonstances. Après ton départ, des témoignages nous sont parvenus de toutes parts, nous confirmant ce que nous savions déjà : tu étais une personne exceptionnelle. Pour nous, la vie n'a plus jamais été la même depuis ce 5 juin 2019 où nous avions été contraints d'admettre ton départ. Pourtant, même si tu as quitté ce monde, ta bonté et ta lumière continuent à nous inspirer et à nous éclairer. Nous n'espérons qu'une seule chose : c'est que tes qualités humaines t'aient permis de gagner ta place dans un monde meilleur. Puisses-tu reposer en paix parmi les justes. La famille Boughanem demande à tous ceux qui ont connu Fouad de ne pas l'oublier dans leurs prières. Rabbi yarahmou ou iwassaâ aâlih. Pensée Cela fait un an, jour pour jour, que notre cher et regretté Boughanem Mohamed-Fouad s'en est allé discrètement, comme il a toujours vécu. Pour nous, la vie n'a plus le même sens. Il était d'une intelligence, d'une bravoure, d'une générosité et d'une bonté sans égal. Sa mère, sa femme, sa fille, ses sœurs Oumhani, Leila et Samia, ses neveux, nièces et beaux-frères ne l'oublieront jamais. Il restera toujours dans nos cœurs. Les familles Boughanem, Meghiref, Deriche, Kader et Hadad vous demandent d'avoir une pieuse pensée pour lui. Allah yarahmou ou iwassaâ aâlih.