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La start-up : un dispositif d'innovation irremplaçable
Publié dans Le Soir d'Algérie le 17 - 06 - 2020


Par Baddari Kamel(*)
La start-up ou «jeune pousse» promeut un potentiel d'innovation précieux et des perspectives de croissance importantes si bien que plusieurs pays lui donnent une place de choix dans leur politique de développement et de résorption du chômage. En Algérie, d'immenses espoirs sont placés en elle. Partant des limites objectives et des insuffisances du passé, les nouvelles autorités du pays ont opté pour une approche systémique de développement en faveur des jeunes créateurs et innovants.
Un ministère de la Microentreprise, des Start-up et de l'Economie de la connaissance, chargé d'accompagner toute activité génératrice de richesses et créatrice de valeur ajoutée, a été créé à cet égard. Les aspects de conception d'une start-up feront l'essentiel du contenu de cette publication.
L'incubateur, l'idée et son système
Derrière la construction d'une start-up, il y a toujours une idée qui a subi un processus de conceptualisation, de transformation et de maturation par une équipe fortement engagée.
Ce processus se déroule dans un incubateur où, autour d'une idée jugée innovatrice, des enseignants, des étudiants, des ingénieurs et des techniciens, des créateurs innovants... s'y associent pour transformer l'idée en «pousse». C'est à l'image de l'incubation d'un œuf en poussin, ou encore de la culture des serres d'où sortent les pousses (les jeunes plantes).
Les incubateurs peuvent être hébergés par différentes structures. En Algérie, à l'heure actuelle, ils sont localisés essentiellement dans des universités. Aux Etats-Unis, c'est la Silicon Valley, en Finlande c'est le Aalto University, en Chine ce sont les centres de Shenzhen et Zhongguancun notamment qui hébergent les principaux incubateurs. L'organisation de l'incubateur est la base du succès des projets qu'il incube. Elle doit être souple, débarrassée des lourdeurs bureaucratiques et devra s'accommoder avec l'esprit de la population qu'il accueille.
Les «pousses» n'en restent pas à l'état. Elles passeront de l'incubateur (ou serres) à la pépinière où elles seront alors qualifiées de «jeunes pousses» ou start-up dans l'attente d'un capital-risque qui leur permettra de faire leurs premières classes dans un marché incertain.
Pour devenir génératrice et innovatrice, et par-delà susciter l'intérêt des financiers, une «jeune pousse» ou startup doit répondre à des conditions parmi lesquelles avoir un fort potentiel de croissance, utiliser la nouvelle technologie, avoir la capacité d'exister dans un marché difficile à évaluer, être visible, posséder une équipe solidaire... Tous ces éléments doivent être minutieusement étudiés et déclinés en un business model.
L'incubation dans le milieu universitaire garantit à la start-up un ancrage scientifique tout en contribuant à l'édification d'une relation pérenne entre l'entreprise et l'université, condition sine qua non de la mutation d'une recherche théorique à une recherche développement. Elle permet aussi à l'étudiant, le futur créateur en fait, de se former à la création et au management de l'entreprise, à l'élaboration d'une stratégie d'entreprise efficiente, à l'utilisation des outils de gestion et de qualité, la formation aux techniques managériales car elles stimulent l'innovation et renforce l'esprit d'équipe.
La nécessité d'un climat favorable à l'innovation
La start-up est donc cette entité qui aspire à devenir une entreprise d'innovation. Qu'elle soit au stade d'une entreprise en démarrage ou en expansion, elle devra se préparer à subir de plein fouet les défis d'une petite et moyenne entreprise.
Un mot sur le tissu des petites et moyennes entreprises en Algérie. Ce tissu n'est ni dense ni créateur d'emplois au rythme de la cohorte annuelle de diplômés de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle. On dénombre jusqu'à la fin de l'année 2019 environ 1 200 000 petites et moyennes entreprises (bulletin du ministère de l'Industrie et des Mines, n°35 - novembre 2019). Il est essentiellement constitué, toujours selon le bulletin précité, de très petites entreprises à raison de (97%) couvrant seulement 17% d'industries manufacturières contre 54% de services (tourisme, hôtellerie...).
Ces entreprises sont concentrées dans les wilayas du nord du pays à raison de 70%, les wilayas des Hauts-Plateaux (21%) et les wilayas sud du pays (8%). Un simple comparatif avec des pays comme l'Espagne ou la France où le nombre des petites et moyennes entreprises se chiffre par plusieurs millions.
Une start-up n'évolue sereinement que dans un climat favorable à l'investissement, au travail et à l'innovation. Une politique prometteuse dans ce domaine s'intéressera de prime abord à la modernisation des secteurs qui ont constitué jusque-là ses véritables défis, qu'ils soient économique (création d'un environnement propice aux affaires, à l'invention, la promotion de la sous-traitance industrielle, le statut de l'auto-entrepreneur pour encourager l'entrepreneuriat, la charte d'investissement...) ou bancaire (assumer le véritable rôle de facilitation et d'accompagnement des entreprises).
Cette modernisation s'intéressera aussi aux aspects socioculturels (la culture de l'entreprise, le développement des relations avec l'université, la promotion du travail féminin) et de gouvernance (instruments et dispositifs de régulation, de contrôle et de suivi, benchmark, tableaux de bord avec des indicateurs de suivi et de performances, usage des TIC, formation aux techniques de management...).
Cet élan entrepreneurial de modernisation nécessite une solidarité entre les services de l'Etat et les acteurs-clés de la société civile, publics et privés, pour définir les instruments contractuels et partenariaux les plus efficaces qu'ils soient d'ordre juridique, financier, économique et environnemental.
Comment financer les start-up
Ce volet traite du financement d'une start-up (le projet ficelé qui attend un capital-risque). Il ne traite pas du financement d'un incubateur. Une start-up, comme toute entreprise aspirant à devenir opérationnelle et mature, a besoin de financement et d'accompagnement. Le fonds d'amorçage est l'instrument de financement utilisé à cet effet. C'est un apport en capital-risque pour assurer le démarrage de la startup. Ce fonds peut être recherché de diverses manières : le financement par des entreprises publiques ou privées, l'apport personnel, le business angel, la demande institutionnelle auprès d'organismes internationaux (Union africaine, Union arabe, Banque islamique mondiale...).
Dans cette perspective, le président de la République a «ordonné l'élaboration d'un ‘'programme urgent'' pour les start-up et les petites et moyennes entreprises, notamment par la création d'un fonds spécial ou d'une banque destinée à leur financement» (Conseil des ministres du 5 janvier 2020).
Si la gestion de ce fonds relève du ministère de la Micro-Entreprise, des Start-up et de l'Economie de la connaissance, ou un autre service de l'Etat, une entité de gestion de ce fonds y sera mise en place. La possibilité d'attacher l'accompagnement aux bureaux d'études spécialisés peut être envisagée. Cette entité de gestion s'attachera à répondre aux détails des questions suivantes : la sélection des bénéficiaires à l'aide de critères objectifs et transparents préalablement définis ? Les modes de partenariat sur les plans financier, juridique, environnemental et territorial essentiellement ? Les volumes des aides à accorder ? Les modalités d'accompagnement ? L'intérêt de la problématique en rapport avec les objectifs de développement du pays...
Les motifs pour qu'un projet dérive
Même s'il advenait que les défis et conditions de réussites précédemment évoquées soient minutieusement pris en compte dans la politique de développement de la start-up, il faut admettre qu'une nouvelle entité, inexpérimentée, dans un marché imprévisible et à fortes turbulences, peut connaître des mésaventures qui risqueraient de la conduire à sa perte.
Il n'est pas impertinent de s'inspirer des réflexions et d'expériences passées. En effet, une start-up est un projet, et comme tout projet, elle naît, se développe et se transforme ou disparaît.
Durant sa phase de mise en œuvre et de développement, le projet peut connaître des dérives qui, d'ailleurs, ont fait l'objet de publications dans différents ouvrages tels que l'Anthropologie de projets (collection PUF – Paris) qui cite les sept dérives possibles suivantes d'un projet : la désillusion (bâtir des projets irréalisables...), l'obsolescence (prolifération des projets à un rythme tel qu'on ne peut les réaliser ni les suivre), le mimétisme (la copie conforme), le narcissisme (le projet est élaboré sans souci de validation, ni consultation), la dérive procédurale (obsession techniciste : utilisation démesurée des tableaux, organigrammes...), la dérive totalitaire (refuser de considérer un écart entre la conception et la réalisation), la dérive utopique (l'élaboration se coupe de la réalisation).
Aucun projet n'est à l'abri d'une dérive. L'usage intensif et réaliste des mathématiques du hasard permettent de mesurer à l'avance l'ampleur des possibles menaces qui pourraient peser sur le projet, mais aussi d'entrevoir les réelles opportunités qui s'y présenteront.
Les facteurs-clés de succès de la start-up et ses perspectives
L'innovation est d'ordre économique. Elle est le produit de la recherche appliquée à la différence de l'invention qui est d'ordre technique, relevant de la recherche fondamentale. La recherche-développement répond aux besoins de la société par la transformation des résultats de la recherche appliquée.
Les facteurs-clés de succès d'une start-up dépendent de plusieurs paramètres tels que son secteur d'activité, son orientation, son environnement... Cependant et de manière générale, les clés de succès suivantes en donnent un aperçu : définition sans ambiguïté des enjeux et des objectifs en évitant de s'attacher aux seules tâches et activités à réaliser par le projet, l'adossement à la recherche appliquée pour assurer son ancrage au milieu du savoir tout en permettant à l'étudiant de mettre «les pieds à l'étrier», l'aptitude de percer et de s'installer dans un marché concurrentiel ainsi que la gestion de sa croissance dans la durée, la capacité d'attirer des investisseurs (la levée de fonds), la diversification des sources de financement, la capacité d'exister à l'international... Les perspectives d'une start-up devront s'accommoder aux priorités définies par le gouvernement. Parmi ces priorités, l'aménagement du territoire (seulement 8% des petites et moyennes entreprises sont installées dans le sud du pays !), le développement de la technologie (les métiers du futur, l'intelligence artificielle...).
Le taux de réussite ou d'échec est variable d'un pays à l'autre avec la certitude que le premier est moins important que le second ; mais ceci ne doit pas mener au découragement car «l'échec peut servir de tremplin à la réussite».
Conclusion
Les nouvelles autorités du pays font du développement de la start-up une priorité. Elle est jugée comme l'un des principaux vecteurs de «valorisation des idées et des initiatives innovantes».
Sa réussite dépend des conditions énumérées plus haut, mais aussi de sa capacité à évoluer rapidement, de sa préhension à ses atouts, de son idée créatrice, de la qualité de son équipe, des modalités de financement, de l'organisation de l'incubateur... mais aussi de sa capacité à saisir au bon moment les bonnes opportunités.
Le rôle du ministère de l'Enseignement et de la Formation professionnelle est précieux. À cet égard, le gouvernement a appelé les trois secteurs de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle à «parvenir à une plus grande complémentarité entre les trois secteurs et les microentreprises et start-up». (Conseil interministériel du 3 février 2020).
Le processus de construction d'une start-up comprend l'idée innovatrice, l'incubation et l'apparition des pousses se transformant par la suite en start-up.
La naissance de l'idée innovatrice n'y a pas été suffisamment mise en relief ; pourtant, elle est de loin la plus importante du processus. Comment naît l'idée chez l'humain ? C'est une question qui mérite tout un développement.
B. K.
(*) Professeur des universités et recteur de l'université de M'sila.


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