Le tribunal de Sidi-M'hamed est au cœur d'événements qui feront date. Des procès historiques s'y déroulent à la chaîne depuis deux semaines maintenant. Des vérités incroyables y sont déballées par d'anciens ministres et hommes d'affaires puissants, il est également le théâtre de très vifs propos assénés par des avocats à l'encontre des juges, et tous trempent à présent dans un deuil profond suite au décès du frère et défenseur d'Ahmed Ouyahia. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - La nature inédite de ces événements et leur pesanteur s'est d'ailleurs très bien fait ressentir hier puisque les magistrats chargés de juger une nouvelle grosse affaire, celle de Mahieddine Tahkout, ont patienté un bon moment avant l'arrivée des avocats. À quelques membres près, le collectif est identique à celui qui plaide depuis dix jours dans les dossiers Mourad Oulmi, Haddad et, à présent, Tahkout. Ces avocats étaient tous affairés à se regrouper pour accompagner Laïfa Ouyahia à sa dernière demeure. Le défenseur et frère de l'ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia a succombé à un malaise cardiaque, la veille dimanche. Il venait de quitter le tribunal où il venait de plaider de manière très énergique la cause de son frère. Jeudi au soir, il faisait également partie du groupe d'avocats qui se plaignaient de grande fatigue à la cour chargée de juger le dossier Oulmi. L'ambiance était très morose hier matin dans la salle d'audience où des avocats présents défilaient les uns après les autres pour témoigner des valeurs du défunt. Assis au banc des accusés, Mahieddine Tahkout, Abdelmalek Sellal, Abdelghani Zaâlane et d'autres accusés se confinent dans un silence religieux. Le procès Tahkout ne s'ouvrira pas à la date prévue. La cour a décidé son report au 1er juillet prochain, à la demande des avocats qui refusaient de plaider en l'absence d'une partie du dossier dans lequel sont contenues les charges. La complexité de l'affaire ainsi que le nombre de dossiers à traiter au niveau de ce tribunal ont retardé la finalisation de ce document. Comme le reste des hommes d'affaires, Tahkout est poursuivi pour avoir bénéficié d'indus avantages et blanchiment d'argent. Son ascension fulgurante dans le monde des affaires a été passée au crible lors des différentes enquêtes menées. Elles ont également abouti à la preuve que ses affaires se sont étendues grâce aux avantages qui lui ont été accordés par des membres du gouvernement jugés pour ces faits aujourd'hui. Ce mardi matin, le même tribunal devrait procéder à la poursuite du jugement de Ali Haddad. Le juge avait accordé une coupure d'une journée pour permettre à Ouyahia d'assister à l'inhumation de son frère. Certains avocats supposent qu'un autre renvoi sera demandé par la défense de l'ex-chef de gouvernement car il faudra remplacer Me Laïfa, laisser le temps à son successeur de se constituer et de prendre connaissance du dossier. Un nouvel ajournement est donc tout à fait probable, mais le juge pourrait décider la poursuite du jugement du moment que d'autres avocats peuvent se charger de la défense du prévenu. Dimanche, premier jour du procès, n'a pas vu Ouyahia défiler à la barre. Après une longue audition de Ali Haddad, c'est Abdelmalek Sellal qui a été auditionné. Le procureur a tenté de situer sa responsabilité dans le financement occulte de la campagne pour le cinquième mandat en lui demandant notamment si Abdelaziz Bouteflika était un candidat libre ou présidait un parti, mais l'ancien chef de gouvernement a évité le piège en affirmant qu'il ne présidait aucun parti. La nouvelle du décès de Me Laïfa Ouyahia, tombée à ce moment même, interrompt toute la procédure. Après un lundi relativement calme, ce tribunal rendra ce mercredi 24 juin son verdict dans l'affaire Mourad Oulmi. 15 ans de prison avaient été requis à l'encontre de ce dernier et d'Ouyahia lors d'un réquisitoire très dur qui a fait réagir des avocats qui n'ont pas mâché leurs mots durant leurs plaidoiries. A. C.