A la veille du 5 juillet, la chaîne d'Etat française, France 24, a diffusé un entretien qu'a bien voulu accorder le président Abdelmadjid Tebboune. L'occasion pour la chaîne de faire amende honorable après les déclarations, le 30 mars dernier, particulièrement venimeuses, du politique Francis Ghilès dans le cadre de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19. Deux autres documentaires sur le Hirak diffusés en avril, l'un par la chaîne parlementaire LCP et l'autre par la 5 avaient fini par mettre le feu aux poudres. Suffisant pour que cela soit pris comme une attaque en règle «contre l'Algérie et ses institutions». La réaction d'Alger est immédiate : rappel de l'ambassadeur à Paris. Cela rajoute aux tensions récurrentes dans les rapports algéro-français. Le Président algérien choisit donc la date anniversaire de l'indépendance nationale pour exposer à son interviewer la réalité d'une situation que tentent d'empoisonner des relations pourtant séculaires entre deux grands pays de la Méditerranée. Il y a d'abord, le travail de mémoire, problème qu'aborde Abdelmadjid Tebboune avec beaucoup de clarté et de lucidité à l'endroit des décideurs français. Même s'il dit reconnaître une avancée sous la forme de «demi-excuses», il réclamera des «excuses complètes» dans un pas supplémentaire dans la reconnaissance des crimes commis par la colonisation française. Cela permettra d'ouvrir la voie à un apaisement dans les rapports entre les deux pays : «Avec Macron, nous pouvons aller loin dans le règlement du problème de la mémoire». De ce fait, l'invité de France 24 se montre en phase avec Emmanuel Macron — «honnête» — Ce dernier, faut-il le rappeler, avait qualifié, avant son élection, la colonisation de crime contre l'humanité, et cela lui vaudra une sacré volée de bois vert de la part du sérail politique français. Abdelmadjid Tebboune, laisse clairement entendre dans cet entretien à France 24 que les horizons dans les relations entre l'Algérie et la France sont promis à de meilleurs jours, mettant en avant les nombreuses opportunités de coopération économique et culturelle. Il ira jusqu'à mettre en avant la présence de la diaspora algérienne (6 millions) à prendre comme un atout pour les deux pays. A l'intérêt exprimé par le chef de l'Etat sur l'importance du rapatriement des restes mortuaires des résistants algériens semble répondre en écho l'Elysée qui, dans un communiqué, déclare qu'il «s'agit d'un geste d'amitié et de lucidité sur toutes les blessures de l'histoire». Il précisera également que ce travail «engagé par le président français sera poursuivi». Voilà qui est dit. Un autre sujet sur lequel le chef de l'Etat a eu à revenir car s'y étant déjà exprimé récemment, est l'ouverture des frontières avec le Maroc. Il rappellera, une fois de plus, que la responsabilité totale et entière incombe aux dirigeants marocains qui avaient pris la décision «humiliante» d'instaurer le visa pour les Algériens et d'accuser l'Algérie d'être derrière les attentats terroristes sur le sol marocain. Au demeurant, toutes les enquêtes démentiront par la suite ces élucubrations. Abdelmadjid Tebboune, dira à propos du Maroc : «Nous n'avons aucun problème avec les Marocains» mais «il semble que ce soit les Marocains qui ont un problème» et «nous constatons que les Marocains passent de l'escalade verbale à une autre forme», sous-entendu, la construction d'une base militaire à 30 km de la frontière ouest de l'Algérie. Il veut, toutefois, garder ouvertes les portes du dialogue. «Maintenant, si eux pensent qu'il faut prendre une initiative, elle sera la bienvenue.» Il faut que s'arrête cette escalade, dira-t-il. Cette démarche dans l'instauration d'un climat d'apaisement est la même au plan politique interne en direction des détenus du Hirak au moment où nombre d'entre eux ont été remis en liberté. Il n'exclut pas d'autres mesures d'élargissement, tout en fustigeant ceux qui profitent des marches populaires pour semer l'anarchie, selon lui. Par ailleurs, le Président a été interpellé sur la crise sanitaire à l'heure où l'on note une recrudescence de la pandémie. Il a souligné l'importance de rester vigilants et que pour toute décision, il s'en remet à la commission technique médicale y compris pour la réouverture des frontières et la reprise des vols d'Air Algérie. Brahim Touchichet