De Paris Omar Haddadou Après l'avoir taillé pamphlets et libellés, jeté en pâture à la vindicte des bourreaux de l'excellence, Karim Benzema fait preuve de résilience et paraphe les plus belles pages de son livre d'or par une performance au Real Madrid à clouer le caquet de ses détracteurs ! Excusez-le d'être accompli et merveilleux ! Avant le fait d'armes, il était l'homme à abattre. La machine à broyer les talents avait, irrémissiblement, validé le nom Benzema comme valeur inéligible sur sa carte mémoire. C'en était fini pour l'attaquant de l'équipe de France. La compromission en haut lieu ne jurait que par un acte solennel : le punir avant de lui « faire la peau » définitivement ! La mise à mort du meilleur attaquant s'inscrivait dans la logique omnipotente et de l'infâme conspiration au sein de la corporation footballistique. Quand Cristiano Ronaldo et Lionel Messi se font épingler pour leurs travers intenables, l'absolution et le non-lieu triomphent commodément dans le prétoire. Karim, lui, sera marqué au fer rouge par une excommunication avilissante. Sentence vindicative accueillie de gaieté de cœur par le coach des Bleus, Didier Deschamps, nullement en odeur de sainteté avec la coqueluche des Merengues. Son sort scellé, par l'once d'une intercession conciliante, de cri de haro pour sauver le génie aux prises avec les instigateurs de l'abus et de l'humiliation. L'information judiciaire et le déni feront de lui un paria notoire du ballon rond en Hexagone, un voyou à élaguer de la sélection française. L'édit rédigé, il ne manquait plus que le scalp du damné ! Disposé à expier l'audace de ses saillies vitriolées pour battre en brèche le statut d'un humilié, l'ancien Lyonnais n'hésite pas à le faire comprendre à ses contempteurs, dont l'entraîneur portugais, José Mourinho, auteur d'une métaphore blessante à l'endroit de l'attaquant madrilène, fraîchement sorti d'une période d'adaptation : «Si tu n'as pas de chien pour aller chasser, mais que tu as un chat, alors tu prends le chat, non ? Parce que tu ne peux pas y aller seul». Un message implicite virulent sur la contre-performance et le déficit d'efficacité de l'international. Prenant son courage à deux mains, Karim Benzema ira frapper à la porte de son coach afin de lui réclamer des explications «Je lui ai dit ce que j'avais à lui dire. Ça a pris une heure, se souvient-il. Je suis un joueur de foot. T'es mon entraîneur, je te respecte. Respecte-moi en tant que joueur. Et à partir de ce moment-là, il n'y a plus eu de chat, de chien ou je ne sais pas quoi (...) Je suis timide mais si tu te moques de moi, je vais te voir direct», déclare-t-il à la presse. Conscient des préjudices infligés plus tard à son protégé, Zinedine Zidane le prend sous son aile. Une relation fusionnelle et un combat sur fond de dignité lient les deux Algériens expatriés. A ceux qui se bornaient à lui coller le bonnet d'âne, l'attaquant promet de leur en mettre plein les yeux. Benzema, le proscrit et son maître avaient une revanche éclatante à prendre. Pas par la petite phrase enfiellée, mais un cortège d'exploits et d'inspirations toujours renouvelées dans la Casa espagnole : «Quand il marque, je suis content parce qu'il ferme des bouches», s'extasiait l'ancien stratège des Bleus. Son poulain est plus que jamais l'élément catalyseur à faire briller la formation merengue en Ligua. Claquant un doublé historique contre Valence, puis un but décisif sur la pelouse de la Real Sociedad, dimanche dernier, Benzema s'est montré décisif et étonnamment créatif, dimanche face à l'Espanyol Barcelone. Sa fabuleuse talonnade a permis à son coéquipier Casemiro d'inscrire le seul but de la rencontre et aux Madrilènes de reprendre la tête du Championnat. Prenant une option avec 4 points d'avance, le Real aura l'opportunité de faire un pas supplémentaire vers le trône. Une consécration gratifiante que Benzema, violemment touché dans son amour-propre, accueillera avec délectation comme droit de réponse à ses fossoyeurs. Lui, qui au zénith de sa performance, n'a pas fini d'abattre les cartes de sa virtuosité sportive, sans verser dans l'invective. O. H.