La France va rendre légalement dans les prochains mois un sabre historique au Sénégal et 26 objets du patrimoine au Bénin, dans le cadre de sa décision de restituer des œuvres culturelles prises pendant la colonisation en Afrique. Le gouvernement a examiné, mercredi, le premier projet de loi permettant le transfert d'œuvres culturelles vers leurs pays d'origine, que le Président Emmanuel Macron avait initié dans son discours de Ouagadougou, le 28 novembre 2017, sur une refondation du partenariat culturel entre la France et l'Afrique. Cette restitution «correspond à un engagement très fort pris par le président de la République pour que la jeunesse africaine ait la possibilité d'accéder à son patrimoine, à son histoire, en Afrique», a expliqué le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal à l'issue du Conseil des ministres. Elle est «l'un des enjeux essentiels pour une relation d'amitié nouvelle entre la France et l'Afrique», selon lui. Pour cela, le projet de loi autorise, «par une dérogation limitée au principe essentiel d'inaliénabilité applicable aux collections publiques françaises», le transfert au Bénin de la propriété de 26 objets pillés lors du sac du palais des rois d'Abomey par des troupes coloniales françaises en 1892. Ces totems et spectres, actuellement conservés au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris, seront exposés dans un lieu public au Bénin. Au Sénégal, la France restitue formellement un sabre que l'ex-Premier ministre français, Edouard Philippe, avait symboliquement remis en novembre dernier au Président Macky Sall. Cette arme est historiquement significative puisqu'elle a appartenu à El-Hadj Oumar Tall, un chef de guerre et érudit musulman qui a conquis au XIXe siècle un immense territoire à cheval sur ce qui est aujourd'hui le Sénégal, la Guinée et le Mali, et a lutté contre l'armée coloniale française. «Dans les deux cas, le projet de loi prévoit un délai maximal d'une année pour la remise, par les autorités françaises, de ces œuvres», précise le gouvernement, qui n'a pas indiqué si de nouvelles œuvres allaient être restituées à d'autres pays, comme la Côte d'Ivoire. Emmanuel Macron avait annoncé ces décisions fin 2018 sur la base d'un rapport des universitaires Bénédicte Savoy, du Collège de France, et Felwine Sarr, de l'Université de Saint-Louis au Sénégal, qui ont recensé 90 000 œuvres africaines dans des musées français. Leurs travaux ont été contestés par d'autres spécialistes et des musées comme le Quai Branly, qui dispose de la plus importante collection d'arts premiers. Ils se sont inquiétés d'une politisation du débat et d'arguments selon lesquels toutes les œuvres en dépôt chez eux depuis la colonisation ont été malhonnêtement acquises ou pillées et doivent être rendues. Ils privilégient la «circulation» des œuvres entre la France et l'Afrique, plutôt que des restitutions, sauf quand, comme c'est le cas pour les statues du palais royal d'Abomey, le pillage par des soldats français a été flagrant.