À l'annonce du changement de tutelle pour l'Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP), qui devrait être placée sous la coupe du ministère de l'Industrie pharmaceutique dirigé par Lotfi Benbahmed au lieu de son statut actuel la plaçant sous l'égide du département de la santé, le Syndicat national des pharmaciens d'officine (Snapo) dénonce cette décision par le biais d'une lettre ouverte adressée au président de la République. «Il n'y a rien qui justifie la prise d'une pareille décision dans l'urgence. Rien ne justifie de réviser une question fondamentale et déterminante pareille, consacrée par une loi sanitaire, la loi 18-11, qui a nécessité plus de 33 ans de concertation, de débats et de préparation pour se voir aboutir », lit-on dans cette lettre dont nous détenons une copie. Le Snapo ajoutera : «Toutes les forces actives et compétentes de notre pays et toutes les institutions du secteur de la santé ont participé à l'élaboration et à la construction de cette loi durant des décennies.» Et d'ajouter : «l'Agence nationale des produits pharmaceutiques est mise, selon la loi 18-11 (articles 223, 224, et 225), sous la tutelle du ministère chargé de la Santé. Cette agence se voit naturellement investie d'une mission de santé publique » et par conséquent, « il appartient au ministère de la Santé de tracer les stratégies de santé publique et de veiller à la réalisation de leurs objectifs. Le secteur pharmaceutique est un secteur indissociable des missions et attributions du ministère de la Santé.» Dans de nombreux pays pour ne pas dire la plus grande majorité, de telles agences sanitaires sont totalement indépendantes afin de les garder à l'abri de toute influence des laboratoires ou firmes pharmaceutiques. « Aux Etats-Unis et en France, pour ne citer que ces deux pays en exemple, les agences respectives du médicament, le FDA et l'ANSM, sont placées sous la tutelle directe du ministère chargé de la Santé. Ces deux pays disposent anciennement de réglementations et d'industries fortes », estime le Snapo dans sa lettre ouverte. Avant de s'interroger : « Pourquoi l'Algérie devrait- elle faire exception aux recommandations de l'OMS ? Pourquoi l'Algérie devrait-elle déroger à une règle fondamentale universelle ? Pourquoi l'Algérie devrait-elle déroger à sa propre réglementation, la loi sanitaire 18-11, qui place l'Agence sous la tutelle du ministère chargé de la Santé ?» Estimant que par cette décision, l'on assiste « à un coup de manœuvre extrêmement dangereux, visant à essayer de mettre cette agence sous la tutelle de l'industrie, au lieu de celui de la santé. C'est une tentative de passage en force dangereuse, qui suscite de nombreuses interrogations sur les véritables enjeux et motivations de cette manœuvre», lit-on encore avant d'expliquer que « mettre une agence sanitaire sous la tutelle d'un secteur industriel entraînera inévitablement des situations de conflit d'intérêts», car «une agence sanitaire doit disposer d'une autonomie de décision sur le plan technique». Le Syndicat des pharmaciens souligne que l'Agence «doit disposer de toute sa souveraineté sur le plan fonctionnel et technique. Elle doit naturellement, et en toute logique, rester sous la tutelle du secteur de la santé, et marquer son indépendance par rapport au secteur industriel et aux firmes pharmaceutiques ». De son côté, le président du Snapo a expliqué que la mise de l'Agence du médicament sous la tutelle de l'industrie voudrait dire que « le ministère de la Santé devra désormais demander à l'industrie l'autorisation d'utiliser les médicaments, et que l'industrie pharmaceutique attestera elle-même la validité et la conformité de ses propres produits». Il ajoutera : «Peut -être que, désormais, après avoir reçu toutes sortes de contrôleurs dans nos officines et les structures pharmaceutiques, nous recevrons également les contrôleurs du génie industriel.» Ilhem Tir