Moins d'une semaine après le coup d'Etat qui a déposé le Président Ibrahim Boubacar Keïta, le Mali est, une fois de plus, au cœur des préoccupations. Ce coup de force a pris de court les partis politiques et la société civile. Mais pas seulement. C'est le cas, également, pour les 15 pays membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) qui compte des poids lourds à l'exemple du Nigeria, dont l'ancien Président Goodluck Jonathan était aux avant-postes de la médiation IBK-opposition qui a échoué. Ecœurée par les interventions répétées des militaires dans la vie politique avec leurs résultats catastrophiques, l'opinion publique en général et africaine en particulier ne pouvait que condamner leurs auteurs. Le rejet du fait accompli est venu également par les pays de l'Union africaine (UA). À cet égard, le communiqué du département de Sabri Boukadoum est on ne peut plus clair. En effet, il rappelle que l'on ne peut revenir aux méthodes violentes de prise de pouvoir anté-réforme des statuts de l'organisation panafricaine, qui insistent sur la légalité constitutionnelle. L'usurpation du pouvoir, a fortiori par l'armée, allait donc susciter un tollé général. La Cedeao est très vite montée au créneau en appelant au retour à son poste d'Ibrahim Boubacar Keïta, tandis que l'opposition malienne, prise de court par l'événement, pavoise sur la place de Bamako. Devant tant d'émotions provoquées par son irruption soudaine sur la scène publique, les auteurs – l'élite de l'armée malienne — de ce quatrième coup d'Etat, en l'espace de quelques décennies, entreprennent vite de calmer le jeu et se montrent plutôt rassurants. Chose inhabituelle dans ce genre de circonstances aux conséquences généralement dramatiques, il n'y a pas eu d'effusion de sang. Bien plus, le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) veut se montrer dans les meilleures dispositions et il n'a pas tardé à le démontrer en recevant les médiateurs malheureux de la Cedeao qui ont pu rendre visite vendredi au Président déchu, son Premier ministre et d'autres détenus. Déclaration de la Cedeao : « Nous avons pu rencontrer Son Excellence le Président Keïta et nous l'avons trouvé en bonne santé .» Et de poursuivre : « Nous remercions la junte qui a facilité très rapidement cette rencontre. » S'il est vrai que IBK était à trois ans de la fin de son deuxième mandat après une élection chahutée par son principal rival Soumaïlia Cissé (qui fut son ministre), les manifestations anti-pouvoir qui ont déferlé dans les rues de Bamako la capitale, notamment, faisaient craindre un dérapage aux graves conséquences et, au mieux, l'impasse politique vu que chacun des protagonistes campait sur ses positions. Une fois de plus, la Cedeao remet sur le tapis le retour d'IBK à la tête de l'Etat malien. Mais ce qui était impossible hier (sa démission réclamée par l'opposition), le sera-t-il aujourd'hui, c'est-à-dire sa réhabilitation ? Le chef de la délégation de la Cedeao a-t-il jaugé de la détermination des révoltés du camp de Kali ? À la manœuvre, Goodluck (bonne chance en français !) Jonathan saura-t-il transcender les contingences et éviter la confrontation sous la forme d'exclusion des organes de son organisation ? Aux dernières nouvelles, les auteurs du coup d'Etat ne s'opposeraient pas à des pourparlers avec les membres de l'organisation pour une sortie de crise à travers une solution pacifique. Faut-il penser pour autant que la Cedeao imposera sa feuille de route au CNSP (Comité national pour le salut du peuple) ? Il est probable qu'elle mettra, en premier lieu, en veilleuse ses velléités de représailles au moment où il est possible d'entrevoir d'autres moyens de règlement de cette crise née d'un coup d'Etat qui a pris de court tout le monde. Les adeptes d'une solution africaine à cette situation par les Africains eux-mêmes pourraient se réjouir d'une telle éventualité. Pays enclavé entre sept autres pays, l'ancien Soudan occidental, qui n'a pas un accès à la mer, avait développé le commerce de caravanes qui le menaient jusqu'aux contrées les plus éloignées. Les routes traditionnelles qui faisaient sa prospérité (Tombouctou ayant été la plaque tournante) font partie de l'histoire. Aujourd'hui, il doit composer dans le cadre d'une économie régionale d'autant qu'il appartient à la zone franc et qu'il ne dispose pas réellement de ressources naturelles à faire valoir pour une population à nourrir de près de 20 millions d'habitants. Les défis à ce niveau sont énormes et rendus plus compliqués par le climat aride et une sécheresse endémique. L'Algérie, quant à elle, s'est toujours posée comme soutien au Mali dans ses difficultés, soutien illustré notamment par les accords d'Alger. Et pour des raisons historiques. C'est pourquoi elle suit avec «une très grande préoccupation la situation prévalant au Mali, pays frère et voisin», selon les termes du communiqué officiel du ministère des Affaires étrangères. Les ingérences étrangères, de la France notamment, permettront-elles aux Maliens de disposer par eux-mêmes du droit d'explorer les voies et moyens de s'en sortir ? Le colonel Assimi Goïta, chef du CNSP, avec ses compagnons, promet l'organisation prochaine des élections. Des contacts préliminaires sont envisagés avec le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques... Par ailleurs, compte tenu de l'ancienneté et de l'étroitesse des relations de bon voisinage entre les régimes successifs algériens et maliens, et les échanges économiques et sécuritaires entre les deux pays, le CNSP sait qu'il trouvera une oreille attentive à Alger pour une sortie de crise politique sans heurts. Brahim Taouchichet