Les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), qui ont pris le pouvoir à Bamako, dans la nuit de mardi 18 à mercredi 19 août en renversant le président, Ibrahim Boubacar Keïta ont dévoilé jeudi les grandes lignes de leur feuille de route. Ils ont promis l'organisation, le plus tôt possible, d'une «transition politique civile» menant à des élections. Dirigé par le colonel Assimi Goïta, le CNSP est composé de militaires, pour la plupart des hauts gradés. La transition qui sera mise en place sera conduite par «un militaire ou un civil», a déclaré leur porte-parole du CNSP, le colonel-major Ismaël Wangué, ajoutant que le CNSP «est en contact avec la société civile, les partis d'opposition, la majorité, tout le monde, pour essayer mettre en place la transition». Un document qui circule dans les milieux politiques maliens expose la possible architecture de cette transition. Ce plan prévoit la mise en place d'un «collège transitoire composé de représentants des différentes forces vives de la nation». Composé de militaires et de civils, «issus des partis politiques, de la société civile, des organisations des femmes et des jeunes, du barreau malien, des organisations religieuses», ce comité serait chargé de mener une transition de neuf mois, de nommer un Premier ministre au profil de technocrate chargé de diriger un gouvernement restreint, le tout sous la direction d'un président de transition. «Des élections, indique le CNSP, pourraient être organisées en mars prochain.» Les menaces de la Cédéao La Cédéao, organisation qui regroupe les pays d'Afrique de l'Ouest et dont les membres étaient réunis en sommet, jeudi 20 août, a exigé pour sa part «le rétablissement du président Ibrahim Boubacar Keïta en tant que président de la République du Mali». «Nous demandons le rétablissement du président Ibrahim Boubacar Keita en tant que président de la République», a déclaré le chef de l'Etat nigérien, Mahamadou Issoufou, qui assure la présidence de la Cédéao. «Le Mali est dans une situation critique, avec des risques graves qu'un affaissement de l'Etat et des institutions n'entraîne des revers dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, avec toutes les conséquences pour l'ensemble de notre communauté. C'est dire que ce pays a plus que jamais besoin de notre solidarité», a poursuivi le président nigérien, rappelant aux putschistes «leur responsabilité sur la sûreté et la sécurité du président Ibrahim Boubacar Keita et des officiels arrêtés». La Cédéao va mener des discussions et «faire comprendre aux responsables de la junte militaire que les temps de prise de pouvoir par la force sont révolus dans notre sous-région», a ajouté le président Issoufou qui a demandé «la mise en œuvre immédiate d'un ensemble de sanctions contre tous les militaires putschistes et leur partenaires et collaborateurs». Les rappels à l'ordre de la Cédéao et de la communauté internationale – qui a unanimement condamné aussi le putsch et réclamé le retour à l'ordre constitutionnel – ne semblent avoir eu aucun impact sur le cours des événements à Bamako. Le soutien de l'opposition En tout cas, rien ne laissait présager hier que les putschistes allaient faire machine arrière et rentrer dans leurs casernes. Ils étaient décidés, au contraire, à tourner définitivement la page d'Ibrahim Boubacar Keïta, surtout qu'ils ont reçu le soutien d'une grande partie de l'opposition. Celle-ci s'est d'ailleurs «félicitée» du coup d'Etat militaire, estimant qu'il avait «parachevé» sa lutte pour obtenir le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta et se disant prête à élaborer avec la junte une transition politique. Quid maintenant du désormais ex-chef de l'Etat malien ? Selon certaines sources, il pourrait regagner les Emirats arabes unis, où il est suivi médicalement depuis plusieurs mois. Autre option étudiée : la Turquie. Son sort fait actuellement l'objet de «tractations serrées» avec les officiers putschistes. Au moins deux capitales de la sous-région seraient par ailleurs elles aussi sur le point de proposer d'accueillir l'ex-chef de l'Etat malien. Selon Africa Intelligence, le président Keita «souhaite aussi négocier le départ de son premier cercle familial». Des discussions, ajoute-t-on, qui pourraient trébucher sur le cas de son fils Karim Keïta, véritable catalyseur de la grogne populaire de ces dernières semaines. Le CNSP, d'après Africa Intelligence, «serait formellement opposé à tout départ du pays de l'ancien député de la majorité présidentielle, dont la diffusion de vidéos privées tournées dans un restaurant de plage en Espagne avait littéralement électrisé la contestation».