L'Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP), dont la création, l'installation et le changement de tutelle ont suscité énormément de réactions, est-elle outillée pour aborder enfin sa mission de régulation du marché du médicament en Algérie malgré le manque criant de tout ce qui fait d'elle une agence de souveraineté nationale ? Le Pr Kamel Mansouri, directeur général de l'ANPP, n'a pas manqué de préciser, lors de son passage hier à l'émission « l'Invité de la rédaction » de la Radio Chaîne 3, que l'agence n'est, réellement, opérationnelle que depuis juillet 2020. Selon lui, sa principale mission est de contribuer en matière d'enregistrement et d'homologation des produits pharmaceutiques et de tout ce qui relève de la pharmaceutique en général. Elle veillera également à mettre une politique nationale du médicament avec pour objectif la réduction de la facture des importations médicamenteuses. « Et pour réduire la balance importation-exportation, l'on se doit de respecter le rapport qualité de production selon les standards internationaux », précise le Pr Mansouri qui rappellera que le secteur pharmaceutique est fortement « réglementé » et que son agence est là pour assurer « la mise sur le marché des médicaments répondant aux standards internationaux en matière de qualité, d'efficacité et de sécurité ». L'invité de la radio reviendra, par la suite, sur la mise en place de sa structure après plusieurs années de léthargie et c'est ce qui constitue un réel challenge de restructuration, de réadaptation et d'acquisition effectuées suite aux dernières orientations du président de la République, estimant que l'agence est maintenant opérationnelle et effective bien qu'il reste beaucoup de choses à faire pour son développement, de l'avis de son directeur qui expliquera qu'il « reste encore des procédés à mettre en route pour son développement dont les axes de formation, sa restructuration, des compétences à pourvoir, des niveaux d'expertise à acquérir ». Et d'enchaîner : « Du point de vue logistique, l'agence est maintenant de plein statut spécifique, comme notifié dans les textes — donc elle n'est plus une EPA – le personnel qui était celui de l'ex-Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP) a été affecté et son budget a été alloué. La réduction de la facture de l'importation, un impératif La mission principale de l'ANPP étant de réduire la facture du médicament de 400 mille dollars à l'horizon de décembre 2020, un objectif à atteindre impérativement selon les échéances imposées par les pouvoirs publics et pour cela, le Pr Mansouri est conscient de la difficulté de la tâche. Dans ses explications, il soulignera que « la sphère du médicament a connu des révolutions à l'échelle mondiale, notre challenge est de passer du médicament chimique au médicament bio-thérapeutique ». L'orientation principale serait donc d'aller sur l'évaluation sur cette catégorie de médicaments, son contrôle et la promotion de sa production nationale. Sachant que cette catégorie de bio-médicaments est indiquée par exemple en hématologie, en oncologie, les maladies orphelines, les dérivés sanguins, les anticoagulants qui coûtent le plus au budget de l'Etat, de l'avis de l'expert. En matière de régulation, il faudrait qu'on bascule de plus en plus vers la production des bio-similaires au niveau national pour réduire la facture de l'importation. Les médicaments les plus chers sont ceux à usage hospitalier, importés par la PCH et l'option des bio-similaires se fera en encourageant les opérateurs nationaux privés installés en Algérie pour la production effective de ces catégories de médicaments. Ainsi, selon le Pr Mansouri, « les opérateurs nationaux auront la charge de réduire cette facture et permettent d'honorer les besoins de la Pharmacie centrale algérienne (PCA), chargée, à son tour, d'approvisionner les centres hospitaliers et établissements hospitaliers universitaires (EHU) ». Mettre sur le marché des médicaments réellement nécessaires Les commissions d'experts cliniciens qui existent déjà au niveau de la Direction de la pharmacie du ministère de la Santé à travers le comité d'experts et la commission de la nomenclature, donnaient leurs avis sur la molécule et le médicament. « Actuellement à travers les textes de l'ANPP, il y aura des experts cliniciens qui seront créés auprès de l'agence », souligne l'invité et d'ajouter, une fois ce volet d'expertise acquis, « on aura sur le marché des médicaments réellement nécessaires à la santé publique ». La prescription doit également obéir à des standards. « Il faudrait qu'on aille vers les consensus pathologiques », a noté le DG de l'ANPP et en matière de production nationale, il dira : « Au lieu d'aller vers les produits les moins coûteux (les formes sèches et les sirops), il y a une orientation vers les injectables et les molécules manquantes », en somme orienter les producteurs vers les besoins réels du marché. Répondant à une question relative aux besoins essentiels en médicaments, le Pr Mansouri, qui indiquera que l'enregistrement de tout produit est « actuellement volontaire », précisera, par la même occasion, qu'il faudrait aller vers une liste des médicaments essentiels. Donnant l'exemple en oncologie de médicaments essentiels et médicaments dits de confort, « il faut établir des priorités en termes de régulation et en termes de prix », assure-t-il. Des centaines de produits débloqués à l'enregistrement Pour ce qui est des dossiers bloqués à l'enregistrement, l'agence a hérité, malheureusement, d'un lourd passif avec le blocage de 2 000 dossiers sans oublier les quelque 700 produits en attente d'autorisation à la Direction de la pharmacie et les 1 000 dossiers en attente d'étude des prix et l'homologation des dispositifs pharmaceutiques. Sans entrer dans les détails, le Pr Mansouri assurera : « Nous avons déjà débloqué des centaines de produits et il y en a certains qui sont à l'origine ou liés directement aux pénuries récurrentes », assure-t-il. Dans la stratégie de l'agence, plus de mesures incitatives pour les producteurs nationaux, seule solution pour maîtriser les coûts et encourager l'exportation. « Nous allons appliquer une stratégie d'encouragement au profit des producteurs nationaux en vue de satisfaire les besoins nationaux et passer vers l'exportation », a précisé l'invité de la radio, tout en assurant au passage la qualité du médicament produit localement. L'occasion a été propice pour aborder le sujet de l'efficacité thérapeutique du générique. « Tout ce qui est importé est plus apprécié, on n'a pas confiance dans nos produits nationaux », regrette l'expert qui assure que « le médicament générique est victime de la contre-promotion et de la réticence des prescripteurs » mais, la question de l'efficacité du générique ne se pose plus avec acuité ces dernières années et si on continue à « étiqueter le générique, c'est en raison du manque de communication », estime le DG de l'ANPP, insistant sur l'impératif de développer la gamme des produits algériens ainsi que la recherche clinique. Ilhem Tir