L'audition des principaux prévenus dans l'affaire Sovac a pris fin, jeudi, sur une note qui laisse aux concernés peu d'espoir de voir leur première peine allégée en première instance. Le ministère public, représenté en la personne du procureur général a, en effet, requis quinze ans de prison à l'encontre de Ahmed Ouyahia qui avait écopé de douze ans en première instance, assortis d'une amende d'un million de DA. Même chose pour Mourad Eulmi contre lequel il a requis quinze ans de prison après avoir été condamné à dix ans de prison par le tribunal de Sidi-M'hamed. Le montant de l'amende à verser a été également revu à la hausse par le procureur qui demande deux millions de DA, alors qu'il avait été fixé à un million de centimes à l'issue du premier procès. Douze ans de prison ont été également requis à l'encontre de Khider Eulmi, frère de l'ex-patron de Sovac, dix ans à l'encontre de l'ancien ministre de l'Industrie Youcef Yousfi, ainsi que la confiscation de tous leurs biens. Une peine de trois années de prison a enfin été requise à l'encontre de l'ex-P-dg du CPA Omar Boudiab. Le prêt bancaire accordé par le CPA s'élève à 350 milliards de centimes, mais la banque «a pu générer des profits de 400 milliards de centimes», a déclaré Mourad Eulmi durant son audition. Il a nié l'existence de toute relation personnelle avec l'ex-P-dg du CPA, soutenant que ces liens étaient «purement professionnels». L'homme d'affaires poursuivi pour obtention d'indus avantages, trafic d'influence et blanchiment d'argent a également nié toute intervention de Ahmed Ouyahia et de Abdeslam Bouchouareb pour l'expansion de ses affaires. Il le présente au contraire comme un adversaire ayant tenté de s'opposer au lancement de Sovac dans le montage automobile. «C'est grâce à l'intervention du gouvernement allemand que j'ai pu commencer l'activité de montage de voitures», a-t-il affirmé à la cour, avant d'insister sur le fait que ses propriétés en France n'avaient aucun lien avec les affaires qu'il gérait en Algérie. «Je réside en France depuis 1990. J'ai obtenu la nationalité française par la suite et j'ai épousé une Française», dit-il. Ce procès en appel a été aussi marqué par les déclarations de Youcef Yousfi qui a affirmé au juge ignorer les raisons pour lesquelles il se trouve depuis de longs mois en prison alors que, dit-il, «j'ai œuvré pour sauver le secteur et le pays de la faillite». «Il fallait démissionner», répond alors le magistrat. Ouyahia a soutenu à son tour avoir tenté de sauver le pays de la faillite. L'ancien chef de gouvernement répondait aux questions à partir de la prison de Abadla, à Béchar. «Eulmi, dit-il, a obtenu le projet comme n'importe quel citoyen voulant investir. Le dossier se trouvait au niveau du ministère de l'Industrie et il ne nécessitait aucune intervention du Premier ministère. Il a été rejeté une première fois car il était incomplet, mais il a suivi ensuite un processus normal.» Le prévenu nie avoir adressé une lettre demandant à Yousfi d'intervenir en faveur de Eulmi. «À l'époque, ajoute-t-il, les conditions économiques du pays étaient désastreuses. Il allait s'écrouler. Le Trésor public était ruiné. Il fallait nécessairement des solutions d'urgence, il fallait sauver les entreprises et les emplois des travailleurs.» Le juge l'interroge pour lui demander les raisons du transfert du bureau technique du CNI, Conseil national de l'investissement, aux services du Premier ministère. Ouyahia répond qu'il ne s'agissait pas d'une décision individuelle mais qu'elle concernait 11 ministres, le président du CNI et Saïd Bouteflika. «Les hommes d'affaires qui ont obtenu ces projets ne sont ni mes amis, ni mes connaissances. Je n'avais pas la prérogative d'accepter ou de refuser un quelconque dossier», soutient enfin ce dernier. Me Sellini victime d'un malaise Le procès Sovac a cependant failli tourner au drame. Le bâtonnier du barreau d'Alger s'est écroulé en plein tribunal à la suite d'une rude bataille engagée contre ce dernier pour l'obtention d'un report des plaidoiries. Me Sellini a justifié cette demande par l'état d'épuisement dans lequel ce dernier et ses collègues se trouvent en raison de la grande pression et les conditions dans lesquelles se déroulent ces jugements. La demande de report a été refusée par le juge, et l'accrochage verbal qui s'en est suivi a valu au bâtonnier un malaise. Il a été évacué d'urgence à l'hôpital. A. C.