Un « faux haut fonctionnaire » à la présidence de la République a été récemment arrêté pour escroqueries diverses et usurpation de fonction. En l'occurrence, l'actualité nationale n'a jamais été à sec. Cela fait longtemps qu'elle nous livre régulièrement des faits du genre, au point où ça ne fait plus l'événement, tellement c'est intégré dans la vie « ordinaire » des Algériens. C'est que le procédé n'est même plus astucieux, l'innovation en la matière étant parvenue à un très haut niveau de performance. Pour les escrocs, il faut toujours être à la page et faire preuve d'imagination sous peine de tomber dans la ringardise, quand ce n'est pas dans la désuétude. Dans le créneau, il y en a même qui ont mis la clé sous le paillasson d'avoir été incapable d'accrocher les techniques d'avant-garde. Pour rester compétitif dans le domaine, il faut explorer tous les procédés et en affiner l'exécution. Sinon on reste le petit escroc de dernière zone, avant de disparaître, la compétition étant impitoyable. Cependant, il reste un procédé qui marche à tous les coups. Sa rentabilité varie selon la roublardise, l'audace et l'éloquence de chacun mais ça rapporte toujours quelque chose : se faire passer pour un haut fonctionnaire au bras long, un haut gradé de l'armée à qui on ne refuse rien, un divisionnaire de la police à qui toutes les portes sont ouvertes, un chef de cabinet de wali qui peut se servir là où il veut dans sa région, un collaborateur de ministre dont les coups de fil sont des ordres ou un cadre de la présidence qui peut faire la pluie et le beau temps selon ses envies, ça fait longtemps que c'est intégré dans la normalité. Et puisqu'il est de notoriété publique qu'il y a des « vrais » dans toutes ces catégories, pourquoi il n'y aurait pas des « faux » ? On peut même substituer l'affirmation à la question : c'est parce qu'il y a des vrais qu'il y a des faux ! Ce sont donc les premiers qui ont inspiré les seconds ; ils sont pour ainsi dire des... créateurs de vocations. Et à ce niveau-là de responsabilité, les champs d'investissement sont aussi étendus que sûrs. Les «vrais», et à leur suite les « faux » peuvent tout promettre et ils sont sûrs de trouver des clients intéressés, désespérés ou cupides. Alors on leur propose des logements, des promotions, des emplois, l'aboutissement de leurs « dossiers », le « règlement » de leurs affaires de justice, des visas et des accès à tous les privilèges. Et quand ils sont arrêtés, on ne sait plus si on leur reproche leurs escroqueries ou leur... usurpation de fonction. Dans la foulée, on ne sait même pas si leurs clients sont aussi inquiétés en partant du principe que le corrompu comme le corrupteur doivent être sanctionnés. Mais n'est-ce pas intégré que le fait de solliciter un « bras long » relève de la... normalité, comme être un... vrai haut fonctionnaire ripoux ? S. L.