À l'instar d'autres pays musulmans, la fête de la naissance du Prophète (QSSSL) est célébrée aussi chez nous. Elle intervient en revanche dans un contexte particulier marqué par la recrudescence des cas de Covid. Henné, bougies, plats traditionnels, les ingrédients étaient tous réunis pour fêter l'événement mais loin d'une ambiance joyeuse regroupant les familles autour d'un dîner convivial, comme le veut la tradition. Cette année, rechta, couscous ou chekhchoukha sont dégustés dans un cercle des plus restreints. Yasmine : «Circoncision de mon fils avec mes seuls youyous» La plupart des familles algériennes procèdent durant la nuit du Mawlid Ennabaoui à la circoncision de leurs garçons. Ces derniers sont vêtus des tenues traditionnelles avec la rituelle cérémonie du henné aux parfums de bougies. Et toute la famille est réunie pour célébrer cet évènement. Sauf pour cette année ! «La plupart du temps, cela se fait durant le mois de Ramadhan. Et comme cette année, cela n'a pas été également évident durant le mois de carême, je l'ai retardé pour le Mawlid Ennaboui. Mais je ne peux pas attendre plus longtemps que cela. Mon fils grandit. Alors, avec mon mari nous avons fait le choix de le faire en comité restreint. Il n'y aura que nous deux ! Je serai seule pour le henné et pour les youyous. Je préfère cela du fait qu'au sein de ma famille, il y a eu récemment des cas de Covid et je ne voudrais prendre aucun risque», confie Yasmine, maman d'un petit garçon de 3 ans. Souad, femme au foyer : «Pas de contact avec les voisins» Fête populaire par excellence, la célébration de la naissance du Prophète garde encore et toujours son cachet festif. Familles et voisins se rencontrent pour s'amuser et échanger les plats et les diverses sucreries. Pas pour cette année, note Souad. «Durant les différentes fêtes, il y a une ambiance très festive et chaleureuse dans notre bâtiment et dans la cité. Ce sont surtout les enfants qui s'en donnent à cœur joie. Par exemple, mes filles ont l'habitude de se regrouper avec leurs copines au bas de l'immeuble pour chanter les chansons dédiées à cette circonstance Le son de la derbouka résonne et les enfants chantent des chansons de circonstance : tala3a el badr, haya ounzourou , bine mekka wel madina, zade ennabi.... Mais, pour cette année, il n'en est pas question. Il y a eu des suspicions de cas de Covid et en plus, l'ambiance n'y est vraiment pas. Nous avons célébré cet évènement mais entre nous sans faire beaucoup de tapage. Et pour vous dire, cette année, je n'ai pas acheté de pétards, à part les bougies et le henné. J'ai préparé de la chekhchoukha et nous avons regardé bien sûr le film Errissala.» Tassadit, grand-mère : «Il y a toujours un grand vide» Tassadit est très nostalgique des évènements célébrés les années passées. «Je me rends compte que nous avions beaucoup de chance de pouvoir nous rencontrer. Il y avait des fois où je me plaignais d'avoir beaucoup de travail pour préparer les plats. Par exemple, pour le Mawlid Ennabaoui, durant toute la journée, je me mettais à confectionner des quantités énormes de rechta pour que cela suffise pour tous les membres de ma famille. En tout, il fallait compter plus d'une vingtaine de personnes. Ce n'est plus le cas maintenant à cause du Covid. Mes enfants ont tellement peur pour moi qu'ils ne m'ont pas rendue visite. Je n'ai même pas ces fameuses pâtes. Je me suis contentée de la tamina et d'un bon verre de thé. Je fais plus de prières pour que ce virus maudit disparaisse.» Elle continue : «Même dans la rue, il n'y avait pas vraiment l'ambiance de la fête. Le cœur n'y était pas pour beaucoup surtout qu'il y a une recrudescence des cas.» Malik, cadre : «Au moins, le danger des produits pyrotechniques a diminué» Malik est plutôt content que cette fête soit sous le signe du silence. «Depuis quelques dizaines d'années, la célébration du Mawlid Ennabaoui se traduit par la vente de produits pyrotechniques. D'habitude, à une semaine de la fête, les explosions et la vente de pétards sont légion. Cette année, il y en a moins, soit c'est une prise de conscience ou une indisponibilité des produits. J'espère franchement, Covid ou pas, que c'est la fin de cette tradition en Algérie. L'année dernière, un mois avant la fête, les villes et quartiers du pays se transformaient en champs de bataille par les jeux dangereux des enfants, adolescents, jeunes et moins jeunes. Et c'est pire durant la soirée du Mouloud. Il ne faut pas oublier les vidéos faisant état de scènes de guerre durant cette soirée. Pour cette année, je pense que nous n'allons pas subir cette violence. Le corona est plus dissuasif pour passer outre cette tradition. Je me suis toujours posé la question de savoir comment les parents pouvaient se permettre de faire de telles dépenses pour ce genre de produits. En tout cas, je profite de l'occasion pour souhaiter à tous les malades un prompt rétablissement et une bonne fête du Mawlid Ennaboui.» Sarah Raymouche