On ne choisit jamais sa destination. Ce leitmotiv est juste pour qui veut prendre un taxi � Alger ou ailleurs. Il est difficile en effet de trouver un taxi, au centre-ville, en banlieue, parfois � certaines heures de la journ�e. Mais il est encore plus difficile de trouver un taxieur qui �accepte� de vous mener l� o� vous voulez aller, dans de bonnes conditions. Une situation v�cue par le narrateur � plusieurs reprises. Vous attendez un taxi au 1er-Mai, � c�te de l�entr�e du parking de l�Etusa et vous devez vous rendre � la rue Didouche-Mourad. Un taxi individuel vide s�approche et s�arr�te � quelques m�tres de vous. Vous l�informez de votre destination. �Ce n�est pas mon chemin� ! Et la r�ponse du taxieur est cat�gorique : �Non. Mon trajet est la rue Hassiba� ! Une r�ponse devenue la r�gle, qu�aucune r�glementation n�autorise pourtant. D�pit�, vous prenez votre mal en patience et vous attendez un autre. Une voiture s�arr�te. La r�ponse est, cette fois, diff�rente. �Coursa, khouya�, dira le conducteur, qui vous �proposera� un prix exorbitant alors qu�il n�exerce pas clandestinement. Tent� d�accepter, vous rejetez pourtant la proposition. Vous avez alors le choix, � pied ou attendre un taxi � c�t� de l�acc�s v�hicules de l�h�pital Mustapha Pacha. Et le calvaire se r�p�te. Rares sont les taxis, � compteur ou non, qui vous y emm�nent. Les conducteurs ont pour but les quartiers des hauteurs d�Alger, El-Biar et le Golf en g�n�ral. Ce qui vous oblige, si vous �tes valide, � vous rendre � pied � votre destination. Autre situation, vous �tes au 1er-Mai et vous voulez aller � Ben Aknoun. Vous serez chanceux si vous trouvez une place � la station de taxis. Sinon, vous serez oblig� de vous rabattre sur les clandestins, aux aguets, aux trousseaux de cl�s cliquetants. Et l�, c�est votre portefeuille qui sera sollicit�, la place co�tant des sommes parfois inimaginables pour des trajets relativement courts. Une question de chance Changement de d�cor. Vous attendez un taxi � la place Maurice- Audin, � c�t� de l�agence d�Air Alg�rie. Les conducteurs de taxis reproduisent le m�me sch�ma. �Ce n�est pas mon chemin�, r�p�te-t-on � l�envi, quand votre but diff�re du leur. Ou alors, fuse gentiment un �je te rapproche�, si ce n�est pas vous qui le lui demandez. Et m�me si le v�hicule est vide ou quand il n�y a pas de policier dans les environs. Vous serez tent� alors de faire du stop ou d�attendre votre tour � la station de taxis collectifs. Et l�, l�attente peut durer des heures, surtout en fin de journ�e. La chance est aux chanceux, � ceux qui savent jouer du coude ou qui peuvent supporter d��tre �mserri� avec d�autres passagers. Savoir trouver sa place Mais trouver un taxi s�av�re impossible, si le v�hicule est d�j� pris par un couple ou une femme, la �horma� interdisant la promiscuit� h�t�rosexuelle. Il arrive souvent que le taxieur demande � la femme, en hidjab ou pas, de s�asseoir devant et de laisser les places arri�re aux hommes. Il arrive �galement, et fr�quemment, aux jeunes femmes qui arr�tent un taxi d��tre mal re�ues, accueillies par des yeux m�les furibonds. Voire, des conducteurs de taxi ne s�arr�tent que devant des femmes, en g�n�ral jeunes, par courtoisie ou par concupiscence, le degr� de religiosit�, de pilosit� du conducteur n��tant pas un �l�ment restrictif. Et quand le taxieur ne vous impose pas un trajet pr�cis, diff�rent de celui que vous pr�voyez, ou vous impose des passagers � sa guise. Le taxieur et l�agent de police Il est compliqu� aussi de prendre un taxi si vous vous postez devant un policier en faction. Par crainte de recevoir une contravention, ou se voir retirer leurs �papiers�, les taxieurs refusent de s�arr�ter, si ce n�est sur injonction de l�agent. Sans parler de l�exc�s de z�le de policiers qui �arr�tent� des taxis, leur intimant l�ordre de conduire telle ou telle personne � destination, m�me diff�rente de celle du transporteur. Ce qui ne doit pas se produire si le transport par taxi ob�issait aux r�gles en vigueur ailleurs dans le monde. Une qu�te impossible en banlieue Il est aussi difficile de trouver un taxi dans la plupart des quartiers p�riph�riques d�Alger, mal desservis en moyens de transport. Pour aller du centre-ville d�Alger � Draria, Ch�raga ou ailleurs, ou en sens inverse, c�est la croix et la banni�re. Unique solution pour les non-v�hicul�s, le taxi clandestin ou l�ami taxieur. Ou diviser le trajet projet� en plusieurs �tapes, et prendre son temps. Trouver un taxi dans les quelques stations routi�res de la banlieue rel�ve aussi de l�impossible. Certes, un emplacement est pr�vu pour les taxis. Mais vous devez attendre votre tour. Et si vous arrivez en dernier, que les usagers qui vous pr�c�dent trouvent leurs places et que les premiers taxis se remplissent et partent. Trouver un taxi est aussi compliqu� durant la nuit, ou dispendieux entre le centre-ville et l�a�roport, le trajet co�tant les 1 000 DA, si ce n�est plus. A bord du taxi, ce n�est pas une sin�cure Prendre un taxi n�est pas une sin�cure � Alger o� des centaines de stations de taxis sont � l�abandon, en situation de clochardisation, et o� le d�ficit en taxis s�accentue m�me si l�on y compte quelque 12 000 v�hicules en activit�. Et alors que la norme pr�voit des bornes d�arr�t tous les 150 � 200 m�tres. Mais il est encore difficile de bien se d�placer en taxi, quand on l�a trouv�. Et si l�on n�est pas charg� de bagages ou d�objets que le conducteur vous obligera � d�poser dans la malle. Mont� � bord du taxi, l�ambiance peut devenir parfois cauchemardesque. Des si�ges inconfortables, souvent crasseux. Parfois, des taxieurs � la mine renfrogn�e ou glac�e, ou pour certains trop expansifs qui engagent des discussions dont vous n�avez cure. Ou bien vous �tes oblig�s de �subir� la musique fusant du poste radio, du ra� ou d�autres styles que vous n�appr�ciez pas. Vos tympans seront agress�s soit par des d�cibels trop �lev�s ou par le contenu oiseux, parfois intime, des discussions que tiennent d�autres passagers ou sur mobile, ou les pleurs des b�b�s et j�r�miades lassantes de petits enfants. Ou bien vous �couterez du Coran, alors que vous l�appr�ciez en solo, dans la qui�tude. Ou bien vous devrez supporter, � la naus�e presque, les effluves de sueur ou les parfums forts de tout ce monde. Des d�sagr�ments que le narrateur a plusieurs fois �prouv�s. Une corporation en situation catastrophique Et des d�sagr�ments dont la corporation des taxieurs alg�riens est consciente. En assumant les errements de la profession mais en invoquant �galement la part de responsabilit� des pouvoirs publics. Et m�me si des sanctions sont prises en cas d�infraction (notamment des mises en fourri�re pour des dur�es plus ou moins prolong�es), quoique en nombre restreint. A ce propos, le pr�sident de la f�d�ration des taxis, au niveau de l�Union g�n�rale des commer�ants et artisans alg�riens (UGCCA), Hocine A�t-Brahem, a indiqu� qu�entre 10 � 30 sanctions sont prononc�es dans diverses wilayas du pays. Un chiffre minime par rapport au nombre de taxieurs � l��chelle nationale, de l�ordre de 140 000 conducteurs dont 60% op�rent en urbain pour 20% exer�ant en collectif. Une corporation en butte � la d�gradation de sa situation socioprofessionnelle, une situation �catastrophique�, selon M. A�t- Brahem. Citons notamment les difficult�s d�ordre fiscal et l�impossibilit� de trouver un terrain d�entente d�finitif � ce sujet, comme le pr�cise un responsable de l�Union nationale des chauffeurs de taxis (Unact), M. Azziouz. Outre le manque de licences de taxi sur le terrain, � Oran et Alger notamment. D�autant que le probl�me de la reconversion se pose en cas de d�c�s des anciens moudjahidine et de leurs ayants droit. Et que la sp�culation, le commerce florissant des licences, prennent de l�ampleur. Mais aussi l�inanit� des actions de revendications initi�es, l�absence de r�pondant des pouvoirs publics� Or, la commission technique nationale ne s�est pas r�unie depuis belle lurette, plus de dix ans selon le responsable de l�Unact. Et cela m�me si une r�union de cette commission est annonc�e imminente, dira M. Azziouz, anxieux d�une solution idoine.