De nouvelles données stratégiques sont appelées à modifier sous peu les rapports de force aux portes de l'Algérie. Le pays déjà cerné par des poudrières doit faire face à une situation exceptionnelle. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - L'élément essentiel a été dévoilé ce vendredi au monde par le Président sortant Donald Trump qui a annoncé la reconnaissance, par les Etats-Unis, de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental, après que Rabat eut reconnu l'existence d'Israël. Cette dernière donnée est capitale, la condition sine qua non de la décision américaine clairement définie dans le tweet de Trump. « Une autre avancée HISTORIQUE aujourd'hui, écrit-il, Nos deux GRANDS amis, Israël et le royaume du Maroc, ont accepté de normaliser complètement leurs relations diplomatiques – un grand pas en avant pour la paix au Moyen-Orient ! (...) Les Etats-Unis affirment, comme l'ont déclaré les administrations précédentes, leur soutien à la proposition d'autonomie comme seule base pour une solution juste et durable du différend sur le territoire du Sahara Occidental. Les Etats-Unis estiment qu'un Etat sahraoui indépendant n'est pas une option réaliste pour résoudre le conflit et qu'une véritable autonomie sous souveraineté marocaine est la seule solution possible .» Cette déclaration a naturellement fait l'effet d'une bombe. Elle intervient à un moment très précis surtout, celui de la reprise des combats entre forces armées sahraouies et marocaines et à l'heure donc où étaient attendues des propositions internationales pour une sortie de crise inscrite dans le cadre des lois internationales régissant le dossier sahraoui. La position de Trump bouleverse tout l'ordre établi, conforte, bien entendu, le Maroc où un certain décalage entre les propos du Président américain et ceux de Mohammed VI est cependant enregistré. Le premier est affirmatif dans ses propos au sujet de la reconnaissance d'Israël alors que le second s'engage à « reprendre les contacts officiels et les relations diplomatiques dans les meilleurs délais », selon les termes contenus dans un communiqué du palais royal. Rien ne change dans le fond, quelle que soit la formule, la nouvelle a été célébrée par la communauté juive marocaine et saluée par le Premier ministre israélien, Benyamin Natanyahou, qui la qualifie d'accord « historique », et évoque la mise en place, sous peu, de « vols directs » entre les deux pays. Les Nations-Unies évoquent une position inchangée Le devenir du plan de paix onusien dans le dossier sahraoui est l'une des premières grandes questions qui s'est posée. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a tenu à y répondre dans les heures qui ont suivi le tweet de Trump par la voix de son porte-parole. Ce dernier a tenu à rassurer en affirmant que la position des Nations-Unies demeurait « inchangée ». Il ajoute que Antonio Guterres « pense que la solution à cette question peut toujours être trouvée sur la base des résolutions du Conseil de sécurité ». Le secrétaire général des Nations-Unies appelle, en outre, les deux parties en conflit à « éviter toute action qui pourrait aggraver la situation déjà tendue ». C'est la seule réaction de ce genre qui ait été enregistrée jusqu'à l'heure. Dans la soirée de vendredi, l'Espagne, ancienne puissance coloniale au Sahara Occidental, a salué, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, la normalisation des relations entre le Maroc et Israël indiquant qu'il restait toutefois « à résoudre le problème de la paix entre les Israéliens et les Palestiniens et résoudre la position sur le Sahara Occidental ». Dans la région, l'Egypte, liée par un traité de paix avec Israël, a tenu à être le premier pays à faire entendre sa voix sur le sujet. Al-Sissi a salué l'annonce de Trump évoquant un «pas important vers davantage de stabilité et de coopération régionale» au Moyen-Orient. Les appréhensions d'Alger confirmées Alger s'est, par contre, abstenu de réagir pour l'instant. Les événements en cours sont, toutefois, une confirmation des appréhensions dont les officiels font part depuis un long moment. Tout laisse aussi et surtout entrevoir que les cercles dirigeants du pays étaient au fait de la manière dont allait évoluer la situation. Le fait de rompre la sacro-sainte règle interdisant aux troupes de l'ANP d'opérer hors des frontières du pays a déjà été perçu comme étant un signe alertant sur l'existence d'une situation qui a contraint le pays à prendre cette décision. Son annonce a d'ailleurs été suivie par l'annonce de l'ouverture d'un consulat émirati dans les territoires sahraouis occupés. Abou Dhabi venait tout juste d'annoncer la normalisation de ses relations avec Israël, le premier pays arabe à le faire avant d'être suivi par trois autres Etats dans les semaines qui ont suivi. L'Algérie, qui avait déjà été considérée comme étant en situation délicate à ce moment, voit le danger se préciser. Et l'on comprend mieux dès lors les nombreux appels lancés par l'ANP pour la « consolidation du front interne » pour faire face à toutes les éventualités pouvant découler des nouveaux rapports de force qui se mettent en place dans la région. Dans sa dernière édition, la revue El-Djeïch a même fait très fort en appelant les Algériens à se mobiliser, « à se tenir prêts » pour « faire face » à la « menace que font peser certaines parties ennemies sur la sécurité de la région ces derniers temps. Ces menaces, même indirectes, nous concernent et nous devons nous tenir prêts à y faire face ». Ceinturée par des territoires au bord du chaos (la Libye, le Nord-Mali, le Sahel en proie aux groupes terroristes), le pays doit à présent se préparer à faire face à d'autres problèmes plus importants, plus graves. Les territoires du Sahara Occidental, enjeu relevant avant tout de la géostratégie, pourraient se retrouver sous peu sous la coupe de parties hostiles aux intérêts de l'Algérie, qui continue à refuser toute idée de normalisation avec Israël. Dans les milieux officiels on ne cache pas que cette position a déjà valu au pays des campagnes « médiatiques pernicieuses » et des « tentatives de déstabilisation qui passent par l'activation de lobbys au sein d'institutions internationales qui n'avaient jamais manifesté autant d'animosité auparavant ». Le plus gros pourrait venir. Dans son tweet, Donald Trump a d'ailleurs tenu à faire savoir que « les Etats-Unis allaient encourager le développement économique et social au Maroc y compris dans le territoire du Sahara Occidental, à Dakhla, afin de promouvoir les opportunités économiques et commerciales dans la région ». Les termes sont très explicites et ne laissent aucun doute sur les desseins projetés. A. C.