Si les transports en commun urbains publics et privés ont repris du service, hier vendredi, après une seconde suspension qui aura duré trois week-ends, les usagers du transport interurbain continuent à prendre leur mal en patience depuis l'interdiction de circulation des taxis et des autocars, qui remonte au mois de mars dernier. Abdelhalim Benyellès - Alger (Le Soir) - En effet, le trafic interwilayas est officiellement suspendu et les gares routières de toutes les wilayas du pays fermées depuis 9 mois suite aux mesures restrictives prises par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus. Pour le cas de la capitale comme pour toutes les villes du pays, d'ailleurs, les usagers de la route usent de tous les moyens pour se déplacer. C'est le cas des travailleurs, ceux en déplacement pour rendez-vous médicaux ou pour toutes autres urgences et visites familiales. À Alger, les deux gares routières du Caroubier sont hermétiquement fermées depuis de longs mois, mais à proximité, l'animation ne manque pas. Là les voyageurs sont à la quête de taxis banalisés ou de clandestins. Au fil des mois, c'est la station d'essence Naftal qui est devenue le point de rencontres. Au milieu de groupes éparpillés, les noms des villes de l'Est comme de l'Ouest ou même celles du Sud fusent. C'est la manière de faire des taxis, à l'affut des policiers, pour draguer les voyageurs en quête d'une place pour gagner leurs foyers généralement. On y rencontre, en majorité, des ouvriers, des malades ayant accompli une consultation, des personnes de retour de visite familiale mais aussi les week-ends des travailleurs en partance vers leurs villes d'origine. Chez certains, le mal atteint son paroxysme. Comme c'est le cas de ce sexagénaire qui a dû reporter à maintes reprises son rendez-vous médical à Alger par manque de moyens de transport. «J'ai été obligé de reporter mes rendez-vous en raison de l'absence de taxis et de bus mais en fin de compte, j'ai dû opter pour une date», déclare-t-il. Mais une place payée chèrement entre Khenchela et Alger. Renseignement pris, les prix ont triplé du côté des taxis reconvertis en clandestins par la force des choses tout autant ceux des clandestins. Et ces derniers sont nombreux, car profitant de la rareté des taxis de place. Du côté des taxis forcés à l'arrêt durant de longs mois, place à la débrouille. « J'ai été obligé de masquer les indications fixées sur la portière et de démonter le logo afin d'éviter toutes les tracasseries », déclare un chauffeur de taxi de Constantine. Pour un autre de la même corporation mais de la ville de Sétif, sous le coup de la sanction alors qu'il circulait dans les rues de la capitale, il avoue qu'il a mis à l'arrêt son taxi et s'est procuré une 806 immatriculée à Alger afin d'échapper à tout contrôle. Et voilà qu'il exerce durant de longs mois en attendant la reprise officielle. «J'ai une famille à nourrir, je dois bien me débrouiller», nous confie-t-il. Et la prime de 30 000 DA promise par les autorités publiques ? «C'est un leurre !» réplique, sans ambages, un propriétaire de taxi venu de l'ouest du pays, garé à proximité de la station d'essence du Caroubier, à l'affut des rondes de la police. Il s'avère, selon son témoignage et celui d'autres, que l'allocation destinée aux métiers qui ont subi un chômage forcé en raison du confinement sanitaire de la population décidée le 26 juillet dernier, qui touche aussi bien les chauffeurs, n'est jamais arrivée à ses bénéficiaires. Mais c'est dans la conjoncture qui marque la rentrée universitaire 2020-2021 que le problème atteint une dimension inquiétante. Les étudiants en provenance des autres wilayas ont du mal à gagner les universités d'Alger. Un étudiant avoue qu'il est hors de question de rejoindre son université dans de pareilles conditions. « Franchement, je ne peux pas me permettre le prix du taxi dans les circonstances actuelles», avoue-t-il clairement. Et même si les responsables de la SNTF ont annoncé dernièrement les préparatifs pour la reprise du train, ce même étudiant n'y croit même pas. «Ce qui a été dit à propos du retour du train est peut-être faisable pour le train de banlieue d'Alger, mais pas pour le train de grande distance», lâche-t-il, tout convaincu. Pour un groupe d'étudiants venus de l'est du pays s'inscrire à l'Université de Bab Ezzouar, ils mesurent bien l'ampleur du problème et vont jusqu'à perdre espoir car ils craignent que le problème du transport interurbain perdure encore. «Dans ces conditions, l'année universitaire risque bien d'être hypothéquée», dit clairement l'un des étudiants. A. B.