L'arrêt du service des taxis et bus interwilayas a pénalisé plus d'un. Les usagers de ces modes de transport ont été fortement impactés durant plusieurs mois. Le recours aux taxis clandestins s'est vite imposé à eux, au moment de la reprise de leurs activités. Un plan B qui est financièrement très lourd à supporter. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - En arrêt depuis le 22 mars dernier, au début du confinement sanitaire de la population en Algérie, les transports interwilayas n'ont toujours pas été autorisés à reprendre leur activité. Ni les taxis qui desservent les différentes wilayas ni les bus qui assurent les liaisons inter-wilayas n'ont repris du service. Pourtant, la vie sociale et économique a été relancée depuis plusieurs semaines. Cette situation qui a pénalisé nombre d'usagers continue de leur causer des désagréments. Les exemples sont nombreux et diversifiés. Des patients ayant des rendez-vous médicaux dans les CHU des grandes villes, des étudiants devant reprendre les travaux de leurs recherches ou finaliser leur mémoire de fin d'année, des travailleurs qui doivent rejoindre leur poste au quotidien, et des personnes qui souhaitent rendre visite à leurs proches. N'ayant plus le choix, toutes ces personnes et plein d'autres se rabattent, aujourd'hui, sur les moyens de déplacement alternatifs. Le recours aux taxis clandestins reste la première des solutions. Un plan qui s'avère très coûteux pour beaucoup d'entre elles. Ces transporteurs illégaux ont saisi cette opportunité pour doubler, tripler voire quadrupler leurs tarifs. Même les taxis conventionnels se sont convertis en clandestins. Travaillant à Alger depuis quelques années, Samir rentre chez lui à Sétif tous les week-ends. Un rituel chamboulé ces derniers mois par l'arrêt des transports interwilayas. Ce père de famille a dû réduire le nombre de ses visites. Sa femme et ses trois filles ne le verront plus chaque semaine, mais plutôt toutes les deux semaines. Pour ce faire, Samir a opté pour les taxis clandestins. La navette entre Alger et Sétif lui revient à présent à 2 000 dinars au lieu de 800 dinars en temps normal. Pourtant, précise-t-il, «ce sont des taxis qui se sont convertis en clandestins. Ils ont enlevé le compteur et dissimulé le numéro inscrit sur les portières de leur véhicule et travaillent en cachette. Ils ne chargent plus les six ou sept places disponibles, mais se contentent de trois à quatre personnes». Même si ces «taxis» ont réduit le nombre de passagers à transporter, ils demeurent tout de même gagnants. «Un jour, en juin dernier, j'ai payé 8 000 dinars pour rentrer à Alger. J'étais le seul passager et j'ai dû payer les autres places vides pour que le chauffeur clandestin démarre afin que je puisse arriver à temps au travail», témoigne Samir tout dépité. Des tarifs exagérés justifiés par l'absence de la navette retour. «À la moindre réclamation quant au prix exercé, les chauffeurs de ces taxis clandestins expliquent qu'ils effectuent le retour à vide», ajoute-t-il. Place à la débrouille ! Depuis l'entrée en vigueur de la mesure d'interdiction des transports interwilayas, la plupart des taxis chôment. Seuls les débrouillards échappent à cette situation. Alors que certains se sont convertis en taxis clandestins, d'autres ont carrément changé de véhicule. Samir raconte l'histoire d'un chauffeur de taxi à Sétif, qui n'a pas hésité à acquérir un véhicule touristique immatriculé dans la wilaya d'Alger et ne portant pas la couleur jaune exigée par la règlementation. Son taxi jaune, il l'a par contre «confiné» dans son garage jusqu'à la reprise officielle des transports interwilayas. «Depuis la mésaventure qu'il a vécue à Alger suite à un déplacement où on lui a retiré les papiers du véhicule, ce taxieur a choisi de prendre une voiture immatriculée 16 pour travailler sur la ligne Sétif-Alger , « sans qu'il ne soit ennuyé par les forces de l'ordre», rapporte-t-il. Les chauffeurs de taxi les moins futés, notamment les nouveaux, eux, sont à l'arrêt depuis plus de six mois. «J'ai un voisin et son fils qui sont taxieurs et n'ont pas travaillé depuis l'interdiction des transports en mars dernier», assure le Sétifien. Des rabatteurs à la rescousse Mohamed, la cinquantaine, lui aussi se rabat sur les taxis clandestins pour rentre visite à sa vieille mère au bled en Grande Kabylie. Tous les week-ends, il se rend avec sa femme et ses deux enfants à la gare routière de Caroubier à l'est d'Alger, pour dénicher un taxi clandestin assez compréhensif. Ce père de famille entame une négociation avec le chauffeur. Il avait pour habitude de payer 400 dinars pour le trajet Alger-Tizi Ouzou avant l'avènement de la pandémie de Covid-19. Aujourd'hui, ce tarif a plus que doublé. Il est passé à 1 000 dinars. Ces nombreux déplacements commencent à peser lourd sur Mohamed. Cette revalorisation des tarifs de taxi impacte énormément son budget. «C'est devenu trop cher , d'autant que je voyage souvent en famille», déplore-t-il. Garés à proximité de la gare routière, ces taxis clandestins ne démarrent pas avant que les quatre places ne soient toutes occupées. Ils utilisent d'ailleurs les services d'un rabatteur pour diriger les éventuels clients vers leurs véhicules. Des rabatteurs payés au nombre de clients qu'ils ont persuadé de prendre place à bord de ces taxis clandestins. Ry. N.