James Baker et John Bolton ont une nouvelle fois critiqué la décision du Président Donald Trump de reconnaître la «marocanité» du Sahara Occidental. Des sorties publiques qui interviennent à quelques jours d'une réunion du Conseil de sécurité consacrée au dossier sahraoui. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Dans une tribune publiée jeudi dans le Washington Post, James Baker a une nouvelle fois condamné la signature par le Président américain sortant d'une proclamation reconnaissant la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental. « La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental par l'administration Trump est un revirement majeur et regrettable dans une politique américaine au long cours défendue aussi bien par les démocrates que par les républicains. Les Etats-Unis ont abandonné de manière imprudente leurs principes pour quelque chose qui ne changera rien à la position de la communauté internationale en ce qui concerne la résolution du conflit», a écrit l'ancien secrétaire d'Etat américain et ancien envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara Occidental. Selon lui, cette reconnaissante risque de provoquer une situation chaotique au Maghreb et au Sahel avec «la possibilité d'une montée des hostilités entre le Maroc et le Front Polisario redoutant qu'Al-Qaïda au Maghreb islamique et d'autres groupes terroristes puissent exploiter la situation». James Baker a appelé le Président élu Joe Biden à «annuler cette décision téméraire et cynique». Auparavant, Baker n'avait pas hésité à qualifier de «chantage absurde sur le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination». Selon lui, «l'administration américaine aurait pu se passer d'un tel marchandage et promouvoir un accord de normalisation entre Israël et le Maroc, similaire à celui signé avec les Emirats arabes et Bahreïn». «Minimiser les dommages» C'est également à travers une tribune que John Bolton, ancien conseiller à la Sécurité nationale du Président Donald Trump, a choisi de s'exprimer sur la question du dossier sahraoui. Dans ce long texte publié par Foreign Policy, il appelle lui aussi Joe Biden à ne pas prendre en considération la décision de son prédécesseur. «Du point de vue de la politique américaine, le meilleur résultat serait pour Biden, une fois inauguré, d'annuler l'acquiescement de Trump à la souveraineté marocaine. Ce ne sera pas facile, étant donné les attentes — si erronées soient-elles — déjà construites à Rabat et à Jérusalem. Si Biden veut faire un virage à 180 degrés, il doit le faire immédiatement lors de sa prise de fonction, ce qui minimiserait les dommages.» Il estime que la décision que prendra Biden n'aura pas de conséquences sur les intérêts des Etats de la région, y compris pour Israël. «Pour l'Algérie, la Mauritanie, Israël et les dirigeants européens, il n'y a pas grand-chose à perdre si Biden annule la décision malavisée de Trump. Ce sera un soulagement bienvenu que la perspective d'un conflit avec le Maroc ait au moins été reportée. Ces Etats devraient tous insister sur le fait que l'avenir du Sahara Occidental ne doit pas être mis de côté, un développement qui ne profite qu'au Maroc, étant donné son contrôle de facto sur la majeure partie du territoire. Bahreïn et les Emirats arabes unis ont déjà libéré Israël de l'isolement diplomatique formel auquel il était confronté depuis de nombreuses années. Tout ce que le Maroc fait en réponse à une nouvelle politique Biden qui réaffirme le statu quo du Sahara Occidental n'affectera que légèrement Israël», précise Bolton dans cette tribune. Forcing US Ces sorties médiatiques interviennent quelques jours avant la tenue d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU durant laquelle la question du Sahara Occidental sera débattue. Programmée lundi 21 décembre, cette réunion à huis clos a été convoquée à la demande de l'Allemagne, membre non-permanent du Conseil de sécurité. Cette rencontre sera importante dans le sens qu'elle permettra de confirmer la position des Etats-Unis, membre permanent de ce conseil, vis-à-vis du dossier du Sahara Occidental. Il est peu probable que l'administration Trump change de position puisque sa représentante à l'ONU, Kelly Craft, a soumis la proclamation de reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental au secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, et aux membres du Conseil de sécurité. Un acte perçu comme un forcing de la part de l'équipe du Président sortant, surtout que cette proclamation n'a pas de valeur juridique aux Etats-Unis puisqu'elle n'a pas été adoptée par les membres du Congrès. T. H.