Par le Pr Baddari Kamel(*) Quel avenir pour notre système éducatif et qu'attend-il à court et moyen terme? Sera-t-il adapté à «l'ère numérique» ? Les transformations numériques du système éducatif seront-elles importantes pour notre société ? Quel type d'éducation recevront nos jeunes ? Quels sont les axes de développement à anticiper pour accompagner notre éducation vers une transformation numérique efficace et efficiente ? Quels avantages apporte le numérique dans notre système sociétal d'éducation ? Va-t-il rendre notre éducation plus efficace et plus égalitaire ? Autant de questions occupent aujourd'hui les esprits des acteurs du monde de l'éducation ; une chose est sûre, les écoles, les centres de formation, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur du monde moderne passent des méthodes traditionnelles à des méthodes plus interactives. L'ordinateur et internet sont deux outils et services que les technologies modernes offrent à l'éducation. Pris ensemble, ils cassent les codes de l'apprentissage et laissent place à la coéducation, au travail collaboratif, aux interactions connectées et au transfert intergénérationnel. Subséquemment, les livres et les cahiers en papier sont remplacés par des livres électroniques, des cahiers de texte numérique, et les tableaux noirs traditionnels cèdent la place aux tableaux numériques interactifs, aux bornes digitales et aux tablettes tactiles,... Enfin, l'apparition des nouvelles innovations inhérentes aux technologies de l'information et de la communication (TIC) s'est ostensiblement imposée dans les usages, les «habitus» des individus et les établissements d'éducation ne sont pas épargnés non plus. Les grands pays accélèrent le pas Comme l'écrivait Nicholas Carr dans son livre The Shallows : what the internet is doing to our brains ? : «L'avenir de la connaissance et de la culture n'est plus dans les livres... ni dans les enregistrements sonores ou les CD... Il est enfermé dans des fichiers numériques, se dispersant dans notre installation de communication mondiale à la vitesse de la lumière.» Les technologies numériques deviennent indispensables dans les systèmes éducatifs des grandes nations. Elles se sont avérées être l'une des garanties de la modernisation du processus éducatif, devenant un moyen puissant de l'auto-éducation, augmentant le contenu de l'information, et renforçant la formation. Pour cette culture disruptive, du partage et ouverte, le monde a déjà dépensé, selon diverses estimations, environ 200 milliards de dollars. Un ensemble de technologies numériques se développe rapidement et devient accessible à tous, dont certaines sapent, rendent insensées les méthodes et les structures traditionnelles du système éducatif, qui ont souvent pris forme au cours des XVIIe-XVIIIe siècles. Les principaux domaines de développement en Europe occidentale, USA, Inde, Chine, Japon, Corée du Sud, Singapour sont la création d'un environnement éducatif numérique, la révision du contenu de l'éducation, la création d'un système de gestion scolaire flexible et un processus éducatif personnalisé, l'introduction de nouvelles formes de pratiques, de méthodes et de technologies éducatives. La transformation numérique de l'école est un préalable au développement de l'espace éducatif national dans le contexte de la transition vers l'économie numérique. Aujourd'hui, l'informatisation de l'école américaine est globale. Les autorités font don d'ordinateurs personnels aux enseignants afin qu'ils puissent maîtriser les dernières technologies et devenir des instructeurs qualifiés pour les élèves. L'école est largement équipée en ordinateurs et programmes d'enseignement. Les cours d'informatique sont dispensés dès la première année primaire. Au début, les écoliers ne font que jouer, puis ils passent à résoudre des exercices de plus en plus difficiles et à utiliser des programmes plus complexes. Leur objectif est d'établir un lien entre jeu et réflexion et de s'acheminer vers la structure : lire, écrire, compter et programmer. Les élèves font leurs devoirs sur des ordinateurs portables personnels, qu'ils utilisent en toute confiance à partir de dix-douze ans. Le programme des mathématiques à l'école primaire implique l'apprentissage par l'élève des performances d'un programmeur. Par exemple, on lui pose une question : «Quelles sont les différences entre les nombres onze et six ?» L'élève a l'opportunité de donner une réponse multi-variée : «Onze est un chiffre plus grand que six», «six est plus petit que onze», «onze est égal à cinq plus six», et ainsi de suite. Du côté de l'Inde, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, le Singapour, la Finlande, et la Grande-Bretagne, on observe que l'enseignement de l'informatique depuis le milieu de l'école primaire jusqu'à la terminale est rendu obligatoire depuis longtemps. En Corée par exemple le ratio élèves et ordinateurs dans les écoles est de 2-3 : 1. La plupart des écoles ont des vitesses internet supérieure à 100 Mb/s. Le ratio d'élèves et d'appareils qu'ils utilisent est ramené à 1 : 1 au Singapour. Toutefois, la révolution scientifique et technologique des systèmes éducatifs en Occident ne se déroule pas sans risque. De nouveaux défis émergent. Les livres sont exclus de la vie des élèves et des étudiants. Il y a des signes d'utilisation excessive d'internet. Aucune réponse claire n'est donnée à la question de savoir si les derniers développements des TIC consolident le savoir, le savoir-faire, le savoir-être et que la motivation pédagogique soit renforcée lorsque l'on travaille sur un ordinateur. Il n'y a pas de réponse précise et définitive à la question de savoir si un jeu survient dans le but d'acquérir des compétences. La question de la santé mentale et de la santé des écoliers et des étudiants reste posée. Une maladie de dépendance informatique des étudiants est apparue, entraînant des troubles mentaux. On craint que les jeux informatiques ne soient une voie directe vers la dégradation des apprenants qui développent seuls les sections du cerveau responsables de la motricité, tandis que le reste des régions reste en état de stagnation. Quelle stratégie pour un Grenelle d'un système éducatif numérique en Algérie ? Le projet national d'éducation a pour références d'assurer, d'une part, la qualité de l'enseignement algérien et, d'autre part, une éducation des générations sur la base des valeurs spirituelles et morales et des traditions historiques et nationales et culturelles du peuple algérien. Les lois d'orientation du système éducatif algérien à tous les niveaux, consacrant le droit à une éducation, une formation et un apprentissage de qualité, visent la mise à jour de son contenu, la création de l'infrastructure moderne nécessaire, la formation du personnel pédagogique concerné, leur recyclage et leur formation avancée ainsi que la création des mécanismes les plus efficaces pour la gouvernance. Pour finaliser ces objectifs, il s'agit de transformer graduellement notre système éducatif et permettre aux écoles et aux enseignants d'utiliser les ressources numériques, de développer de nouvelles performances, stimuler l'innovation et utiliser au mieux la technologie numérique. Nous disons que nous préparons les étudiants de nos écoles et universités à une vie digitale où ils utiliseront ces ressources et leurs futures modifications. La mise en œuvre d'un tel projet de système national d'éducation numérique passe par la création de conditions de nature institutionnelle et infrastructurelle, l'élimination des obstacles et la création et le développement d'entreprises fonctionnant avec succès dans le domaine de la création de technologies numériques et de la fourniture de services. Ainsi, le Grenelle d'une éducation numérique peut comprendre quatre lignes directrices : investissement dans les ressources humaines pour une éducation numérique, investissement dans les infrastructures de numérisation de l'enseignement à tous les niveaux, création d'un système national d'information sur l'éducation (Snie), création d'un organe d'évaluation des pratiques numériques dans le système éducatif. Le déploiement des infrastructures techniques (tablettes et réseaux) et des manuels numériques peut se dérouler par étapes, en commençant par quelques dizaines d'écoles, de centres de formation et d'universités, puis s'étendre pour être généralisé à toutes les institutions éducatives d'ici la fin 2026. L'acquisition des compétences numériques doit commencer dès l'école primaire et se poursuivre tout au long de la vie. Un plan national d'éducation numérique facilite l'accès et l'utilisation des manuels numérisés, promouvoir l'apprentissage assisté par l'informatique, le développement professionnel des enseignants, l'utilisation des ressources du Cloud et d'autres activités. L'émergence d'une éducation numérique en Algérie ne signifie pas que les enseignants seront remplacés par une tablette ou un smartphone, et n'implique pas non plus la suppression des classes traditionnelles et des laboratoires. Nous signifions l'inclusion d'éléments d'apprentissage en ligne, des simulateurs, des classes virtuelles, etc., dans les programmes d'enseignement. Elle est basée sur le principe d'apprentissage mixte, les TIC permettent d'augmenter l'efficacité de l'enseignement grâce à une meilleure visibilité des ressources, et au développement des qualités personnelles des étudiants en motivation, capacité à planifier, autodiscipline et sens des responsabilités. Des difficultés d'accessibilité numérique ? La question de l'accessibilité aux ressources par les outils reste posée à différents niveaux et lieux. Pour qu'il y ait accès à la société numérique, le premier obstacle à rencontrer c'est bien l'interface de dialogue, c'est-à-dire l'ordinateur, la tablette ou le smartphone. Même si l'effort financier de l'Etat est important et s'est accru tout au long des dernières années, le nombre moyen d'élèves/étudiants par terminal de travail individuel reste élevé. Les établissements situés dans les zones rurales, les zones défavorisées et dans les petites villes sont à la traîne. Outre les problèmes de support technique, tels que le manque de plateformes numériques nationales, la faible et instable vitesse de connexion internet et une couverture faible et partielle wifi aux établissements, les enseignants attirent l'attention sur le manque de formateurs qualifiés dans les TIC appliquées aux pratiques pédagogiques, la qualité des ressources sur les plates-formes, ainsi que des manuels adaptés pour les enfants/étudiants handicapés. Dans certains établissements, les enseignants d'informatique enseignent internet en théorie. Pour organiser le processus éducatif, le déploiement du haut et du très haut débit pour favoriser l'intégration sociale et la compétitivité est exigé. Faire entrer notre système éducatif dans l'ère du numérique intègre responsabilisé et conviction qui incombent désormais aux éléments constitutifs de l'acte pédagogique, aux services de l'Etat, aux opérateurs téléphoniques, aux fournisseurs de services internet et aux institutions du numérique. Et pour ne pas conclure La construction d'un système éducatif numérique en Algérie ne peut être saisissable qu'à travers un sensemaking organisationnel dans une démarche bottum-up, lequel entraîne les acteurs dans une dynamique de réformes cohérentes, de planification stratégique, de concentration sur l'enseignement et l'apprentissage, d'investissement dans les infrastructures numériques, de modernisation des règles sur les droits d'auteur, de recherche fondamentale dans les sciences cognitives et de réponse rapide aux changements technologiques. Il faudrait, de plus, mobiliser la société vers une transformation numérique, à condition, toutefois, de répondre à la fracture numérique, avec l'ambition de renforcer sa résilience et de tirer le meilleur d'un monde hyperconnecté. B. K. (*) Professeur des universités. Expert en stratégie de l'ESRS et conduite de changement, Université de M'sila.