De la somme de réformes tous azimuts que l'Etat veut initier, rien, absolument rien ne pourra se faire si l'on ne vient pas à bout de la bureaucratie, érigée en véritable système. Un système entretenu depuis trop longtemps à dessein et dont la corruption n'est qu'une des conséquences apparentes. La corruption et, bien entendu, la longue panne économique qui, en fait, constitue la source de tous les maux auxquels fait face le pays, à commencer par l'explosion sociale «promise» depuis des années. Le double impact subi par l'économie nationale, entre les longs effets induits par la crise pétrolière de 2014 et celle qu'endure depuis près d'une année maintenant le monde entier sur le plan sanitaire, ne laisse plus aux pouvoirs publics d'autre alternative que d'en finir avec les constats et, enfin, aller au fond des choses pour mettre de l'ordre, en commençant donc par mettre au point toute une série de mesures consignées dans un document élaboré par le département que dirige Mohamed Chérif Belmihoub, le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Prospective. Un document dont nous avons pu obtenir une copie et qui s'inspire des recommandations des différentes conférences et rencontres notamment tenues au plus haut niveau, telles celles regroupant le gouvernement et les walis, les tripartites ou encore la Conférence pour la relance économique. Les contributions des ministères et d'organisations patronales sont venues enrichir les propositions, tout autant que d'autres sources tel le Conseil national économique et social (Cnes), auteur du rapport national relatif au climat des affaires et compétitivité de l'économie nationale, ou encore les documents élaborés par le groupe de pilotage du «plan national de simplification et d'amélioration des procédures» présidé par le directeur général de la Fonction publique. Dix mesures à mettre en œuvre immédiatement Ainsi, pour en finir avec les exigences administratives parfois d'une extrême lourdeur, des programmes d'action en matière de facilitation ont été adoptés par les différents secteurs. Le document émis par le ministère délégué à la Prospective présente 10 propositions phares à court terme (de type transversal) que le gouvernement pourrait mettre en œuvre puis suivre à une échelle suprasectorielle. Ces actions phares permettront de bonifier et d'accélérer la mise en œuvre des mesures de facilitation et de simplification en cours, et d'améliorer sensiblement la perception et les conditions de maturation, de lancement et d'exercice des activités économiques des entrepreneurs et des entreprises. À commencer par la «consécration d'une loi transversale, opposable et contraignante pour les facilitations, la simplification et les droits des opérateurs économiques (accusé de réception, délais de réponse, principe du silence vaut acceptation ...)». Puis, viennent les mesures consistant en «l'accélération de l'interopérabilité des plateformes, particulièrement celle du CNRC (sécurité sociale, impôts et ONS) et de l'administration des douanes, la mise en place d'un portail spécifique aux primo-investisseurs et start-up pour l'enregistrement et les facilitations et consécration du principe de séparation des phases d'enregistrement (maturation — création de l'entreprise) et sa mise en activité (ministères des Start-up – microentreprises – MPTIC — ministère du Commerce) ; l'accélération de l'adoption des décrets relatifs aux nouveaux métiers (ministère du Travail), et aux activités agréées (ministère du Commerce); la mise en place de programmes permanents d'audit interne des dispositifs de facilitation pour s'assurer de leur effectivité à tous les échelons ; la réforme et relance de l'observatoire national du service public en le chargeant de la promotion de l'évaluation partagée et indépendante (ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales) ; la redynamisation des cadres institutionnels existants de gouvernance des facilitations : doing business (Cnes), comité de pilotage, simplification de la Direction générale de la Fonction publique, observatoire national du service public auprès du ministère de l'Intérieur ; l'adoption et mise en œuvre de la charte d'accueil des usagers du service public ; l'élaboration et mise en œuvre de la charte d'éthique de l'agent public ; et enfin la dynamisation de la communication institutionnelle concernant les mesures de facilitation. Un plan antibureaucratie sans précédent Une œuvre haletante, d'une ampleur sans précédent, rendue inévitable du fait de ce que les pouvoirs publics appellent «la bureaucratisation et l'inefficacité de l'écosystème administratif, accompagnant le développement de l'entreprenariat et des entreprises économiques en Algérie». Un fait considéré «structurel, quasi généralisé et cumulatif (sur le plan historique), amplifié par les difficultés d'adaptation du fonctionnement des organisations publiques et des comportements inappropriés des agents et agences publiques face à l'ampleur des transformations sociales et économiques (croissance démographique, hyperurbanisation, libéralisation économique et intégration aux chaînes de valeurs internationales, informalisation de l'économie...)». À court terme (2020 – 2021), les mesures destinées à mettre fin à la bureaucratie ambiante concernent principalement les différentes opérations retenues par les ministères du Commerce, de l'Agriculture et du Développement rural, de l'Energie, de l'Environnement, du Tourisme, de l'Artisanat et du Travail familial, de l'Industrie pharmaceutique, de la Pêche et des Productions halieutiques, de l'Economie de la connaissance et des Start-up. Ceci dit, le gouvernement se montre, plus que jamais peut-être, conscient que la revue et la consolidation des actions proposées à une double échelle, sectorielle et transversale, montrent bien que la réussite, la durabilité et l'effectivité à court et moyen terme du processus et des mesures de facilitation restent subordonnées à l'implémentation, à tous les niveaux, des principes fondamentaux que sont : l'intensification des efforts, leur permanence et l'effet cumulatif ; la gouvernance supra-sectorielle, la qualité et la cohérence du pilotage ; l'incrémentation des systèmes d'évaluation internes et indépendants et l'effectivité et l'adaptation permanente des réformes ; l'accompagnement qualitatif et quantitatif du changement (simplification, formation, normes, moyens dédiés, numérisation) pour la mise en place de nouveaux comportements des agents publics ; et la déconcentration et la décentralisation des missions. Ce sont donc 10 mesures à mettre en pratique à très court terme, en plus des dispositions prises au niveau de chaque ministère, pour enfin mettre un terme à une bureaucratie généralisée qui a mis le pays à genoux, et dont on n'a pas fini de payer le prix jusqu'au point où le simple citoyen éprouve du mal à croire que l'Algérie parviendra à un moment ou un autre à mettre fin à ce qui est considéré comme une seconde nature de son administration à tous les niveaux. L'œuvre est, cette fois, apparemment, définitivement lancée. Azedine Maktour