Deux manifestants ont été tués et une trentaine blessés samedi à Mandalay, dans le centre de la Birmanie, par des tirs des forces de l'ordre lors d'un rassemblement anti-junte, les violences les plus sévères depuis le coup d'Etat du 1er février. Plusieurs centaines de policiers ont été déployés dans l'après-midi sur un chantier naval de la deuxième ville du pays, faisant craindre des arrestations d'employés mobilisés contre le coup d'Etat. Des manifestants ont tapé sur des casseroles pour tenter d'empêcher les interpellations, certains jetant des projectiles sur la police qui a ensuite tiré. Deux personnes sont mortes, dont un mineur qui a reçu une balle dans la tête, ont indiqué les secouristes, faisant état d'une trentaine de blessés. «La moitié des victimes ont été visées par des tirs à balles réelles.» La junte au pouvoir depuis le coup d'Etat ne cesse d'accentuer la pression sur le mouvement de contestation. Malgré cela, plusieurs milliers de contestataires, dont des représentants des nombreuses minorités ethniques en costume traditionnel, sont de nouveau descendus hier samedi dans les rues de Rangoun, la capitale économique, pour réclamer le retour du gouvernement civil, la libération des détenus et l'abolition de la Constitution très favorable aux militaires. Près de la célèbre pagode Shwedagon, dans le centre-ville, une couronne mortuaire a été déposée en hommage à Mya Thwate Thwate Khaing tuée. «La balle qui l'a transpercée a touché toutes nos têtes», a déclaré un contestataire. «Tu es notre martyre», a écrit un autre, en déposant une rose blanche au pied de son portrait. Un service funéraire doit avoir lieu aujourd'hui dimanche. Près de trois semaines après le putsch qui a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi et mis fin à une fragile transition démocratique de 10 ans, le concert de protestations internationales et l'annonce de nouvelles sanctions n'infléchissent pas les généraux. La peur des représailles est très forte en Birmanie qui a déjà vécu sous le joug des militaires pendant plus de 50 ans depuis son indépendance en 1948. A ce jour, les Etats-Unis, qui ont condamné «toute violence envers le peuple de Birmanie», n'ont annoncé que des sanctions ciblées contre certains généraux, tout comme le Royaume-Uni, l'ancienne puissance coloniale, et le Canada. Pékin et Moscou, alliés traditionnels de l'armée birmane, aux Nations-Unies, considèrent la crise comme «une affaire intérieure» au pays. Les militaires ont justifié leur coup d'Etat par des allégations de fraudes massives aux élections de novembre, largement remportées par le parti de la prix Nobel de la paix 1991. R. I.