Faut-il conclure à une reprise du Hirak après les marches de lundi dernier et celle de mardi pour les étudiants ? Certes, la mobilisation populaire a été exceptionnelle. C'était inattendu. Cela faisait un an que l'on n'avait pas vu de telles images. Le Hirak a touché pas moins de 30 wilayas et a pris de court même les plus avertis. Les revendications sont les mêmes qu'il y a deux ans, ce qui signifie qu'un grand nombre d'Algériens ne s'est pas satisfait du seul départ de Bouteflika. Aussi, ceux qui ont cru que le confinement sur fond de rétrécissement des libertés aurait eu raison du Hirak, au point de se demander ce qu'il restait de ce mouvement, se sont trompés. La mobilisation de lundi dernier a de nouveau rebattu les cartes et remis les pendules à l'heure. Mais tous les observateurs ne sont pas sur la même ligne. Il y a ceux qui vont passer au crible le nombre de manifestants, minimiser la mobilisation, moins forte à leurs yeux que les mobilisations massives du printemps 2019. Et affirmer que l'on est loin du compte. A l'inverse, il y a ceux pour qui le fait même que les Algériens soient sortis en masse lundi dernier constitue en soi une victoire, surtout avec tout ce qui s'est passé pendant l'arrêt du Hirak, période sur laquelle il est inutile de s'étendre. Abdelmadjid Tebboune, qui était attendu après son retour d'Allemagne, a donné le sentiment de vouloir désamorcer la crise et de tourner la page. Pourtant, ses annonces – dissolution de l'APN, cap sur les élections, libération de détenus du Hirak, remaniement restreint du gouvernement – n'ont pas eu l'effet escompté. Aux yeux des Algériens sortis en masse lundi dernier, l'offre politique était en deçà de leurs attentes. Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'après le référendum constitutionnel du 1er novembre dernier qui a enregistré moins de 24% de participation électorale, et après ce lundi 22 février 2021 de forte mobilisation, convaincre les Algériens d'aller aux urnes en juin prochain si les élections ont lieu à cette date-là, paraît plus compliqué qu'on ne le pense ! Le pouvoir politique va-t-il dès lors modifier en conséquence sa feuille de route axée prioritairement sur la convocation des élections législatives ou dispose-t-il d'un plan B ? Côté Hirak, et sans préjuger de la suite, pour nombre de ses acteurs, le mouvement populaire ne peut plus se confiner à un face-à-face sans perspective autre que le tout ou rien, jeter le bébé avec l'eau du bain. Le « tous pourris » prôné par certains courants mène vers l'impasse. Aussi le besoin de doter le Hirak d'un horizon politique est-il posé par de nombreux acteurs de la société civile et politique comme en atteste ce nombre d'analyses, d'écrits, de propositions parus dans la presse et les réseaux sociaux, et insuffisamment débattus. Avant le confinement, il y a même eu un début de convergence autour de diverses propositions portées par une myriade d'acteurs et de collectifs que le Hirak a fait surgir, et de premières clarifications sur fond d'un début de décantation politique. Car il ne s'agit pas d'un mouvement politiquement homogène. Il offre l'image d'un éventail atomisé en une multitude d'acteurs allant du PAD (Forces pour l'alternative démocratique) aux islamistes de Rachad qui cherchent à se faire une place et à rassembler les déçus de l'islam politique, en passant par cette myriade de courants d'expression, organisés ou non, nés dans le feu de la dynamique populaire. Certains, qui sont déjà dans la négociation avec le pouvoir politique, seront tentés par un dialogue avec les autorités dans la perspective des élections législatives ; d'autres, à l'image de Nida 22, tenteront d'agréger les divers courants en un large front incluant les islamistes ; enfin, il y a ces courants – le Nouveau courant national (NCN), Massar el Djadid... - qui se situent dans une logique participationniste et qu'encourage en sous-main le pouvoir politique... Et à l'arrière-plan, il y a ces personnalités qui ont accompagné le Hirak et qui ont leur mot à dire et ces partis politiques, à l'instar des islamistes du MSP et d'El-Binaa, connus pour leur proximité avec l'ancien régime et qui monnaient aujourd'hui leur place auprès d'un pouvoir politique lui-même en quête d'une base sociopolitique crédible. A suivre et à jeudi. H. Z.