Plus que les tentatives de division et les manœuvres du pouvoir, c'est la crainte de voir des acteurs du hirak mordre à l'appât du pouvoir qui constitue la hantise de beaucoup de militants. Quelques jours après la célébration du premier anniversaire du déclenchement du mouvement populaire, certains acteurs du hirak semblent montrer des signes d'impatience. Après une tentative d'organiser un congrès "unificateur" du mouvement populaire, initiée bizarrement la veille de la célébration du premier anniversaire de la révolte, un autre groupe de personnalités et de syndicalistes se réclamant du mouvement populaire a lancé une nouvelle initiative, sous le générique de "plateforme de la construction démocratique négociée". Le document, rendu public samedi dernier, est intrigant à plus d'un titre. Ses signataires, dont certains se recrutent parmi des animateurs connus du hirak à l'image du syndicaliste Lyès Merabet et l'universitaire Sofiane Sekhri, reprennent, dans la forme, l'essentiel de la littérature du mouvement citoyen et des partis de l'opposition qui réclament la libération des détenus et l'ouverture du champ médiatique et politique. Mais dans le fond, le document énonce des solutions qui ne sont pas loin du projet du pouvoir actuel. Certes, le texte rendu public explique que cette feuille de route sera achevée par une "élection présidentielle légitime" et évoque une élection législative avant l'amendement de la nouvelle Constitution. Mais dans les grandes lignes, les initiateurs de la plateforme estiment que leur proposition est à l'opposé du processus constituant. Une sorte de solution médiane entre la feuille de route du pouvoir et celle du Pacte pour l'alternative démocratique (PAD). Cette initiative est la seconde du genre en l'espace de quelques semaines. À la veille de la célébration du premier anniversaire du mouvement populaire, un groupe d'activistes avait tenté d'organiser un "congrès" du hirak. La rencontre n'a pas eu lieu faute d'autorisation administrative. Mais parmi les acteurs du mouvement et au sein des observateurs de la scène politique, des questions se sont imposées. Beaucoup n'ont pas compris le sens d'une telle initiative à la veille d'une date qui devait, en principe, célébrer l'unité du mouvement populaire. Plus que les tentatives de divisions et les manœuvres du pouvoir, c'est la crainte de voir des acteurs du hirak mordre à l'appât du pouvoir qui constitue la hantise de beaucoup de militants. Avant cela, des hommes politiques et des partis politiques qui ont pourtant accompagné la contestation populaire dès le début, ont accepté de participer à la dernière élection présidentielle sans se poser trop de questions. Et cela risque de se répéter à l'approche des échéances électorales à venir. Cette propension à suivre l'agenda du pouvoir commence à se faire sentir y compris dans les états-majors des partis politiques de l'opposition. On évoque déjà des positionnements en vue des prochaines élections législatives.