Des milliers de membres de la communauté nationale établie en France et en Europe ont battu le pavé, dimanche dernier, à Paris, à l'appel de 27 organisations et collectifs encadrant le Hirak de la diaspora pour revendiquer « la libération de tous les détenus politiques et d'opinion », « le départ effectif du système » et « l'instauration d'un processus constituant démocratique ». À la même occasion, d'autres actions de mobilisation d'ampleur ont été annoncées pour marquer les événements du 5 octobre 1988 et du 17 octobre 1961 ainsi que pour célébrer le 1er novembre 1954, date du déclenchement de la Guerre de libération nationale, qui coïncidera cette année avec la tenue du référendum autour du projet de la nouvelle Constitution porté par le président Abdelmadjid Tebboune. Initialement prévue entre les places République et Concorde, la marche a finalement suivi un autre itinéraire. En effet, après des prises de parole plurielles par différents hirakistes au niveau de la place de la République, le cortège s'est ébranlé vers la place de la Bastille. Et pour cause, selon les organisateurs, « la préfecture de Paris a opposé un refus catégorique et systématique à nos trois demandes pour l'itinéraire initial pour nous recommander les places de la Bastille, la Nation ou de Stalingrad ». Les représentants des structures militantes ayant initié cette énième mobilisation de masse dans la capitale française, en soutien à la révolution du 22 février en Algérie, ont fini par opter pour Bastille afin de maintenir la légalité de la marche. « Cette initiative pour dynamiser et consolider le processus révolutionnaire a reçu un éclatant succès par le nombre et la diversité des organisations qui ont adopté l'appel à la marche », se réjouissaient-ils. Dans ce sillage, il est à noter que le tracé de la marche a été au centre d'un bras de fer entre plusieurs membres influents au sein du Hirak parisien, en somme un prétexte laissant paraître au grand jour un malaise qui secouait déjà le mouvement au niveau interne, au moins depuis la reprise de ses actions post-confinement. Et ce, en raison de la résurgence de certaines dissensions dites idéologiques qui se sont accentuées ces dernières semaines. D'ailleurs, quelques acteurs individuels et collectifs prenant part habituellement à la co-organisation des actions du Hirak dans la diaspora, dont notamment le Mouvement Rachad, ont décidé d'annuler leur appel à marcher après la validation du nouvel itinéraire. Quoi qu'il en soit, la marche s'est déroulée dans une ambiance festive comme à l'accoutumée, en respectant la marque de fabrique du Hirak : le drapeau national algérien s'entremêlant avec l'emblème culturel amazigh ; les portraits de martyrs et d'anciens dirigeants du mouvement national cédant un peu de leur place de prestige aux photos de détenus politiques et d'opinion ; les chants révolutionnaires se succédant avec des chansons contestataires désormais cultes (« Liberté » (Soolking), « Pouvoir assassin » (Oulahlou), etc.) ; et pour couronner le tout, l'hymne national Kassaman a reboosté la ferveur des manifestants à maintes reprises tout au long du trajet. De nombreux carrés ont été constitués, portant chacun sa propre armada de slogans et de banderoles exprimant leurs propres aspirations en participant au Hirak populaire : « Etat civil et non militaire », « Pour une assemblée constituante », « Liberté pour tous les détenus », « Egalité hommes-femmes » ou simplement « Le peuple », pancarte qui a fait sensation autant pour sa simplicité que pour son message profond. En queue du défilé, un nouveau slogan a fait également son entrée par la voie du collectif « Double rupture », récemment créé, dont les membres disent militer « Pour une double rupture : ni militaire ni islamiste ». Paris, De notre bureau.