Des réserves de change qui n'en finissent pas de s'effilocher, la valeur du dinar au creux et, pour boucler la boucle, entre autres indicateurs, une augmentation de 12,93% de la masse monétaire qui circule dans l'informel en une année, entre 2019 et fin 2020. Même, si au fil des années, ça prend les allures d'une rengaine : l'économie algérienne, en attente de réformes structurelles qui ne viennent décidément pas, va mal. Les chiffres rendus publics par la Banque d'Algérie, le 28 février dernier, résonnent encore aux oreilles des analystes des questions financières. Cela renseigne, si besoin est encore, de tout l'espace qu'occupe l'activité économique parallèle. La conjugaison des effets induits par la situation politique interne et la crise sanitaire mondiale a eu comme incidence un rétrécissement encore plus conséquent des liquidités bancaires, lourdement impactées déjà par la crise pétrolière de fin 2014. Un état de fait qui a mis dos au mur notamment les préposés à la gestion des affaires financières du pays qui, entre autres solutions qu'ils ont préconisées, s'en sont allés à la récupération de l'argent enfoui dans les arcanes de l'économie parallèle en espérant l'orienter vers le circuit bancaire «légal» en promettant une inclusion financière attrayante. C'est-à-dire une offre de services financiers et bancaires à des coûts intéressants et des tracasseries bureaucratiques en moins lorsque les détenteurs de capitaux se présentent devant les banques. Rien n'y fit puisqu'en une année, la masse monétaire hors circuit bancaire est passée de 5 437 milliards de dinars en 2019 à 6 140 milliards de dinars à fin décembre dernier. Ce qui représente 34,73% de la masse monétaire à fin 2020, proportion qui était de 32,94% une année auparavant. Cette hausse de la quantité de dinars ayant circulé hors banques jusqu'à la fin de l'année dernière est, selon l'expert financier Salim Meddah, justifiée, dans une certaine mesure, par les effets des actes relationnistes de plusieurs agents économiques, des ménages et des autres acteurs économiques qui, pendant les périodes de confinement et de gel de certains secteurs et branches d'activité, ont opté pour la solution de la thésaurisation de leurs avoirs dans des circuits non financiers et autres statiques, afin d'en disposer facilement en cas de besoin. «Ce fait a entre-temps causé d'autres effets annexes, notamment sur les mouvements des masses en M1 (billets et pièces en circulation), qui se sont éloignés du circuit bancaire classique, causant au passage un assèchement temporaire des quantités en monnaie fiduciaire, sans avoir un effet direct sur les revenus ou sur les droits des personnes», explique encore M. Meddah. Ceci alors que les dépôts à vue, c'est-à-dire les sommes d'argent déposées dans une banque ou un autre établissement financier que le déposant peut retirer à sa discrétion, ont rétréci de 3% comparés à l'année 2019, induisant ainsi une baisse des liquidités à la disposition des banques, ce dont a fait état la Banque d'Algérie qui a indiqué que la liquidité bancaire est passée de 1 100 milliards de dinars à la fin de l'année 2019 à l'inquiétant montant de 461 milliards de dinars à la fin du troisième trimestre de l'année dernière. « Lorsque la liquidité est en diminution, cela explique de facto, d'une part, que l'activité économique a déjà subi une baisse en emplois sur ressources, et d'autre part, qu'elle n'arrive pas à donner plus de ressources pour d'autres volumes d'emplois futurs », selon l'éclairage de Salim Meddah qui augure que cette situation va probablement causer encore plus de contraintes financières pour faire face aux besoins de reprendre la voie progressive de la croissance économique. Situation qui, entre autres solutions, requiert une politique monétaire dynamique pour garantir des accumulation de ressources disponibles ou en crédits à titre compensatoire pour le compte de tous les agents économiques dans la perspective de rééquilibrer le rythme des activités factuelles, des revenus divers et des échanges marchands, recommande M. Meddah. Quoi qu'il en soit, tant que les gouvernants ne s'attellent pas, dans les meilleurs délais, à la mise en place des réformes structurelles requises, le marché informel, avec tout le «bazar» qu'il induit, aura encore de beaux jours devant lui. Azedine Maktour