Les banques primaires peinent à collecter les ressources financières et à contribuer plus efficacement au f nancement de l'économie. Le niveau général des liquidités des banques de la place locale repart de nouveau à la baisse en 2019, après la forte croissance qu'il a enregistrée deux années auparavant, grâce surtout au dispositif du financement non conventionnel, mis par la suite en veille à partir de juin dernier. En effet, selon les données annexées au document du plan d'action du gouvernement, adopté récemment par le Parlement, les liquidités bancaires à fin 2019 sont de l'ordre de 1 101 milliards de dinars, alors que les statistiques disponibles de la Banque d'Algérie (BA) les situaient à plus de 1 557 milliards de dinars, une année plus tôt. En forte contraction en 2015 et 2016 sous l'effet de la crise pétrolière et financière, les liquidités des banques, faut-il le rappeler, ont enregistré dès fin 2017 un bond spectaculaire de plus de 68%, "après la mise en œuvre du financement non conventionnel", comme le précisent les rapports de conjoncture de la Banque centrale. Les liquidités bancaires, tout comme le taux de croissance des crédits à l'économie, ont effectivement amorcé une nouvelle courbe descendante ces derniers mois, mais restent jusqu'ici à des "niveaux satisfaisants", dans la mesure où les réserves obligatoires des banques sont maintenues à des niveaux importants, nous expliquent des sources proches de la BA. Le taux de réserves obligatoires, c'est-à-dire le niveau des avoirs que les établissements bancaires et financiers sont tenus de garder en compte auprès de la Banque centrale, est fixé actuellement à 10%, ce qui offre une certaine marge de manœuvre aux banques dans leur activité d'octroi de crédits à l'économie. Après avoir évolué à 12% sur plusieurs mois, ce taux n'a d'ailleurs été ramené à 10% que depuis décembre écoulé, en réaction sans doute au tassement constaté du niveau global des liquidités bancaires. Et comme celles-ci sont encore appelées à baisser, il est d'ores et déjà attendu de probables nouvelles révisions à la baisse du taux de réserves obligatoires, en guise de mesure d'ajustement, indiquent en définitive les mêmes sources. "Les liquidités bancaires sont assez basses, et il faut s'attendre à ce que la Banque d'Algérie réduise à nouveau le taux de réserves obligatoires pour le ramener sans doute à 8%", anticipe dans le même sens le professeur d'économie et finances Nour Meddahi. Au-delà cependant de ces mesures réglementaires découlant d'instruments de politique monétaire que module habituellement la Banque centrale en fonction des conjonctures, le recul des liquidités bancaires, après l'arrêt du "dispositif de la planche à billets", remet à nouveau à l'ordre du jour le problème de l'inefficience structurelle des banques à capter des ressources et à canaliser l'épargne vers les circuits officiels. "Quelque 32% de la masse monétaire circulent hors circuits bancaires, contre des niveaux ne dépassant pas les 5% dans les pays développés", avancent à ce propos des responsables au sein de la sphère bancaire locale. Un constat de défaillance des banques dans leur fonction de collecte des ressources en somme, alors qu'elles sont aujourd'hui plus que jamais appelées à prendre le relais du budget fragile de l'Etat pour participer plus efficacement au financement de l'économie. Lors de sa première réunion avec les dirigeants des établissements bancaires et financiers de la place au début du mois en cours, le nouveau gouverneur de la Banque d'Algérie, Aïmène Benabderrahmane, n'a d'ailleurs pas hésité à recadrer et à interpeller les banques sur leurs faibles performances dans la collecte de l'épargne, le non-respect, dans certains cas, des normes de liquidités, mais aussi la sous-bancarisation de la population en comparaison avec d'autres pays de la région. La mobilisation et l'utilisation de l'épargne, avait-il ainsi lancé à l'adresse des responsables des banques primaires, "nous interpellent au plus haut niveau, considérant les faibles performances du secteur en la matière, dues certainement à des facteurs exogènes, mais aussi à des pratiques internes, imprégnées de certains réflexes bureaucratiques". Dans cet ordre d'idées, le premier responsable de l'institution en charge de la régulation du secteur bancaire a également mis en exergue la faiblesse du réseau d'agences des banques en activité, révélant à ce propos que le taux de bancarisation de la population est à peine d'une agence pour 27 587 habitants, alors que la norme doit être d'une agence pour 5 000 habitants. S'ajoute à ces insuffisances structurelles, selon le constat du gouverneur de la BA, le non-respect par certaines banques des normes réglementaires de liquidités, ce qui ne manque pas d'impacter la qualité de leurs portefeuilles et leur efficacité en matière de gestion des risques.