Est-ce le retour des jerricans et de la corvée de l'eau pour les ménagères de plusieurs localités de la wilaya de Boumerdès ? Pour l'heure, on n'en est pas encore là mais la menace, à moyen terme, n'est pas totalement écartée, particulièrement en ce qui concerne les communes de Ouled Moussa, Khemis-el-Khechna, Larbaâtache, Keddara, Boudouaou, Boumerdès et Thénia. Le coupable : la sécheresse. Signalons d'emblée que la wilaya de Boumerdès, qui reçoit annuellement entre 800 et 900 millimètres d'eau de pluie n'a reçu, jusqu'à présent, que 300 millimètres. Le déficit est énorme. C'est la conséquence du changement climatique. De plus, son AEP (alimentation en eau potable) dépend, en partie, de la pluviométrie des wilayas de Tizi-Ouzou et de Bouira qui ne sont pas non plus épargnées par la sécheresse. Ce qui a mis en situation d'inquiétude les autorités de la wilaya de Boumerdès, lesquelles ont pris les devants. En effet, il y a quelques jours, le wali de Boumerdès a présidé une réunion restreinte consacrée exclusivement au problème de l'eau. Selon nos informations, plusieurs variantes ont été passées en revue pour faire face à la crise. On ne cache pas que la situation est assez grave. Elle le serait davantage si cette sècheresse devait persister. Des décisions ont été prises lors de cette réunion, et un programme urgent est d'ores et déjà en exécution. Première décision prise, retour vers l'utilisation massive des eaux souterraines. Pour Abbès Kamel, le nouveau DRE (directeur des ressources en eau) qui nous a reçus dans son bureau, la décision phare consiste à revenir vers les forages. 13 forages seront récupérés, 28 réhabilités et 25 nouveaux forés. Délai d'exécution, 2 mois, pas un jour de plus. Les autorités espèrent récupérer, avec ces 66 forages entre 60 et 80 000 m3/j. Coût de ce programme : 166 milliards de centimes. Une commission spéciale «forages» est installée. Elle comprend en plus de la DRE, la DSA (Direction des services agricoles), l'ADE (Algérienne des eaux) et la Sonelgaz. Elle veillera à ce que rien ne vienne entraver la réalisation de ce programme, surtout de la part de quelques individus en mal de célébrité qui s'opposent aux projets publics et ils sont nombreux dans cette wilaya. Il faudrait aussi que la justice et les services de sécurité soient moins laxistes, en la matière, lorsqu'il est question de projets au profit de la population Les sources tarissent et les pertes estimées à 30% Habituellement, la wilaya de Boumerdès dont la population dépasse maintenant le million d'âmes, est alimentée par plusieurs sources, pour alimenter à son tour la population et le secteur de l'industrie. Ce qui lui permettait une dotation à une moyenne de 150 litres /j par personne. La moyenne nationale étant, elle, de 180 l/j par personne. Selon la répartition qui nous a été communiquée par Abbès (simple homonyme avec l'ancien wali de Boumerdès Kamel Abbès), un quota de 55 000 m3 lui est réservé sur les 100 000 m3 produits par la station de dessalement de Cap-Djinet. Au passage de la conduite venant de la station de traitement de Taksebt (Tizi-Ouzou) en direction de l'unité ADE de Boudouaou chargée d'alimenter partiellement Alger, 85 000 m3/j sont réservés pour Boumerdès. Cette wilaya pompe de ses puits 25 000 m3/jour. Elle tire également 57 000 m3 de la station de Boudouaou, qui est alimentée à partir du barrage de Keddara dont la capacité est évaluée à 142 millions de m3. Le DRE ne voulait pas nous donner le chiffre exact sur la contenance actuelle de ce dernier barrage, mais nous savons par le biais d'autres canaux qu'il est à 10% de ses capacités. Autant dire qu'il est à sec. Pour rappel, le barrage de Keddara est alimenté par des lâchers d'eau sur Oued Issers à partir du barrage de Koudiat Asserdoune (Bouira). Une fois l'eau arrivée au petit barrage de Aït Amrane, elle est pompée vers Keddara. Nous avions insisté pour avoir plus d'informations de la part de l'Algérienne des eaux (ADE), notamment, qui est un acteur de premier ordre dans la gestion et la distribution de l'eau aux citoyens. Nous voulions en savoir plus sur cette crise qui se pointe à l'horizon, et particulièrement concernant les pertes estimées à 30%. Il est question de 90 000 m3/j, soit 90 millions de litres qui vont chaque jour dans la nature. De quoi alimenter les populations des 2 plus grandes agglomérations de Boumerdès. Nous nous sommes présentés au siège de la DG de l'ADE, le lendemain, nous avons pu discuter avec le DG par téléphone et nous l'avons ensuite relancé par SMS. Rien à faire, ce responsable n'a pas daigné prendre le temps d'informer ses clients inquiets. Dans cette crise de l'eau qui se profile à l'horizon, la capitale sera sans doute touchée aussi. Abachi L. 9 000 logements neufs ne seront pas distribués L'ancien ministre de l'Hydraulique, Arezki Baraki avait rassuré les autorités locales de Boumerdès quant au dégel par le gouvernement d'opérations ayant un impact sur la population. Cependant, 9 000 logements neufs ne seront pas remis, à moyen terme, aux familles qui y ont postulé. Ces habitations ne sont pas encore raccordées au réseau d'AEP. C'est la faute au gel. Lors de l'entretien qu'il nous a accordé, au cours de la semaine, le DRE (directeur des ressources en eau) de la wilaya de Boumerdès, Abbès Kamel, nous a confié que des projets qui concernent des extensions, des renforcements de réseaux existants et, surtout, la pose de grosses conduites vers de nouvelles cités sont gelés. Ce sont, en tout, des projets d'une valeur de 1 milliard 200 millions de dinars (1 200 milliards de centimes) qui sont mis en stand-by. Ce gel va ralentir différents programmes de logements qui ne seront pas affectés à leurs destinataires, faute de nouveaux investissements dans le secteur de l'hydraulique. Il faut se rappeler que les investissements dans le secteur des aménagements urbains sont également gelés. Pourtant, l'ancien ministre des Ressources en eau, Arezki Baraki, s'était montré rassurant s'agissant du dégel des projets et autres programmes hydrauliques ayant un impact direct sur le quotidien des citoyens. En effet, lors de sa venue à Boumerdès, le 14 mai 2020, nous lui avions posé une question au sujet de la forte demande citoyenne en eau potable. Voici une partie de cette réponse qui se rapporte aux nouveaux projets. «(... ) Pour le reste du programme, c'est vrai que compte tenu de la situation, il y a le gel, mais on s'est mis d'accord au niveau du gouvernement pour débloquer toutes les opérations urgentes d'AEP, c'est-à-dire là où il y a un impact sur la population. En la matière, je parle des nouveaux projets, pas ceux en cours. Pour ces derniers, nous avons donné instruction pour la reprise du travail, surtout s'agissant des projets que nous devons livrer cette année ou cet été. Pour le reste, je pense que la situation est conjoncturelle et que d'ici la fin de l'année, la situation va s'améliorer. Je vous rappelle que l'eau potable est une priorité.» Il y a comme un décalage entre les déclarations et les engagements publics d'un membre du gouvernement et la réalité. Notons qu'il avait dit que l'eau est une priorité. A. L.