Les femmes algériennes sont d'une fraîcheur sidérante. Elles sont un brasier, un volcan. Elles nous ont permis de survivre à toutes les agressions dont nous avons été victimes. Elles ont occupé nos maquis et nos rues depuis toujours. Elles se sont souvent égosillées, quelques fois donné leur vie pour sauvegarder notre dignité. Nos libertés. Je les aime. Nawal Saadaoui vient de nous quitter. Elle a été un précurseur. Une icône d'un combat juste. Celui des femmes arabes. Sa voix a tonné. Elle a traversé bien des frontières. Comme le ridicule ne tue pas, il s'est trouvé des milliers d'imbéciles pour applaudir sa mort sous prétexte qu'elle était une impie. Que sait-on de ses convictions intimes, profondes ? Je m'appelle Sanhadja, un prénom rare en Algérie. Pourtant, les Sanhadjas ont été une tribu fondée par Bologhine Ibn Ziri, le fondateur d'Alger. Là-bas, on connaît le stade. Pas l'histoire... Nawal Saadaoui avait 55 ans et moi 20 ans, lorsque je l'ai rencontrée. Nous avons vu ensemble le film de Youcef Chahine Djamila, un opus sur notre héroïne, Bouhired. ça se passait à la cinémathèque d'Alger. Voyant Djamal Abdenasser sur l'écran, elle a pleuré même si, et Dieu le sait, elle était l'une de ses plus grandes adversaires ! Je lui ai pris la main comme je l'aurais fait avec ma maman. Je l'ai consolée. Les féministes viennent de perdre un monument ! Je m'appelle donc Sanhadja Akrouf, j'ai 56 ans, je suis mère d'une petite fille de 9 ans. J'ai voué au combat pour le droit des femmes et pour les libertés démocratiques les deux tiers de mon existence. À 18 ans, dans ma petite ville de Bordj-Bou-Arréridj, j'ai compris que la femme algérienne vivait sous le joug des hommes. J'ai fait le serment de me battre. Depuis, exactement 38 ans, je ne me suis jamais tue ! Après un diplôme universitaire en anglais, j'ai débarqué en France, il y a 28 ans. J'ai changé de fusil d'épaule. Je m'occupe maintenant de jeunes délinquants déscolarisés. Jamais trop loin du combat. Ce n'est pas un loisir !!! Pour moi, la lutte n'est pas un sacrifice, ça peut même s'apparenter à un plaisir. C'est la conditioon lamentable des femmes algériennes qui m'a emmenée au-devant de la scène... J'ai commencé par l'animation d'un cinéclub féminin dans ma ville d'origine. Il a été fermé après la première séance. Je pense qu'au cours de mon itinéraire, j'ai réussi à gagner quelques batailles. Malgré l'islamisme qui a perdu la bataille militaire mais gagné celle des idées, je pense que la femme algérienne même voilée a su et pu accéder à son autonomie. Il vaut mieux être voilée que sortir en mini-jupe sous l'emprise de son homme... Les femmes algériennes, aujourd'hui, choisissent leurs maris, leurs écoles, leurs métiers... Qu'importe le tissu qui les couvre ? Je suis sur la place de la République tous les dimanches. Je suis une animatrice du hirak parisien. Je n'ai jamais rêvé de vivre loin de l'Algérie. J'ai juste ouvert une parenthèse que je n'arrive pas à refermer. Cependant, je ne souhaite pas revivre dans un pays où les regards sont aussi meurtriers que les balles et les couteaux. Il ne faut pas qu'on cède ! M. O.