Les prix du pétrole et les perspectives du marché continuent à susciter l'intérêt comme jamais auparavant, notamment de la part d'organisations et institutions parmi les influentes de l'économie mondiale, tellement demeure marquante la terrible passe que le baril a traversée il y a exactement une année, lorsque les cours sont passés en territoire négatif pour la première fois de l'histoire. Une petite semaine après le FMI, c'est au tour de la Banque mondiale (BM) qui, au milieu de ses perspectives sur les marchés des matières premières, a livré son analyse sur le cours que prendra le baril de pétrole les prochains mois et en 2022. Evidemment, les perspectives des marchés des matières premières dépendent quasi intégralement de l'évolution de la pandémie et des campagnes de vaccination. Campagnes qui ont fait que les prix du pétrole brut, du gaz naturel et du charbon ont tous augmenté d'environ un tiers au premier trimestre de 2021, note la Banque mondiale dans son rapport semestriel tout en pointant les prix du pétrole «(qui) se sont remis de leur effondrement du Covid-19 à un rythme record, stimulé par le raffermissement de la demande, et la limitation continue de la production par l'Opep et ses partenaires dans l'Opep+». Cependant, souligne le rapport, l'incertitude sur l'évolution de la pandémie et son impact sur la demande de pétrole continue de peser sur les prix. Les prévisions sont fortement tributaires des progrès de la lutte contre la pandémie et des mesures de soutien mises en place dans les économies avancées. Elles dépendent également des décisions de production prises par les principaux producteurs de matières premières, souligne-t-on à la BM. Les prix devraient atteindre en moyenne 56 dollars en 2021 et 60 dollars en 2022, alors que la demande revient lentement à ce qu'elle était durant la pré-pandémie, alors que l'OPEP+ a pris la résolution d'augmenter progressivement la production. Les prix du gaz naturel devraient également connaître de fortes hausses en 2021 avec la reprise économique, ajoute les rapporteurs de la Banque mondiale. «Le principal risque pour le prix de l'énergie est une pandémie plus prolongée, avec une panne potentielle de la production de l'Opep +», prévient-on dans le rapport. Les prix du pétrole ont répondu au graduel raffermissement de la demande et un regain d'optimisme sur une reprise de l'économie mondiale, ainsi que sur la poursuite de la limitation de la production par l'Opep et ses partenaires de l'Opep+. Le prix du Brent a atteint brièvement les 70 dollars début mars après que le groupe de producteurs de l'Opep + eut annoncé qu'il prolongerait les réductions de production jusqu'en avril. Cependant, les prix se sont récemment remis à la baisse au milieu de l'incertitude croissante concernant le confinement et de son impact sur la demande, ainsi que la décision de l'Opep, au début de ce mois, d'augmenter progressivement la production à partir de mai. En revanche, ni l'attaque d'une installation pétrolière saoudienne, début mars, ni le blocage temporaire du canal de Suez, à la fin du même mois de mars, ont eu leur incidence sur les prix. Selon les analystes de la Banque mondiale, la consommation mondiale de pétrole brut continue de se remettre progressivement du plongeon du Covid-19, elle était d'environ 6% plus bas au premier trimestre de 2021 qu'en 2019, contre une baisse globale de 9% en 2020. Cependant, la reprise reste inégale, avec de nouvelles flambées de la pandémie et les verrouillages associés qui, inévitablement, affectent la demande, en particulier pour le transport. L'approche prudente pour augmenter la production de L'Opep + reflète en partie l'incertitude sur l'impact continu de la pandémie sur la demande de pétrole, avec une inquiétude croissante concernant un nouveau rebond des taux d'infection. Les autres facteurs qui alimentent l'incertitude, le rapport cite le retour de la production en Libye, qui est exonérée des coupes Opep + et qui a vu sa production se redresser de près de zéro à plus de 1 million de barils/jour à la fin de 2020, puis de l'Iran, également exempté des décisions de l'Opep+, a connu une légère augmentation de sa production depuis octobre 2020. L'ouverture des vannes, qui ne travaille pas pour la remontée des prix, est illustrée également par la production aux Etats-Unis où les producteurs ont commencé à récupérer progressivement après l'effondrement qui a vu la production atteindre des niveaux historiquement bas avec la fermeture des puits en réponse à la chute de la demande. L'impact a été majeur sur la production US de schiste, avec plus de 60 entreprises en faillite et des conséquences directes sur l'investissement dans la nouvelle production qui a diminué de plus d'un tiers en 2020. Quoi qu'il en soit, pour la Banque mondiale, les prix de l'énergie devraient atteindre cette année des niveaux globalement supérieurs de plus d'un tiers à ceux de 2020, avec un baril de pétrole s'établissant, donc, en moyenne à 56 dollars et il devrait atteindre 60 dollars en moyenne en 2022. Toutefois, si l'endiguement de la pandémie faiblit, une nouvelle détérioration de la demande pourrait exercer des pressions sur les prix. «La croissance mondiale est plus vigoureuse que prévu jusqu'ici et les campagnes de vaccination sont en cours. Ces tendances dopent les prix des produits de base. Toutefois, la durabilité de la reprise est très incertaine», a expliqué Ayhan Kose, vice-président par intérim du groupe de la Banque mondiale pour la division croissance équitable, finance et institutions et directeur du groupe Perspectives. «Les économies émergentes et en développement, qu'elles soient exportatrices ou importatrices de matières premières, doivent améliorer leur capacité de résistance à court terme et se préparer à l'éventualité d'un ralentissement de la croissance», conseille la Banque mondiale. On rappellera que l'autre institution née des accords de Bretton Woods, le Fonds monétaire international (FMI), a fait elle également état de ses propres perspectives quelques jours avant que la Banque mondiale publie les siennes. Ainsi, si l'on doit se fier à l'analyse du FMI, une hausse des cours pétroliers de l'ordre de 30% sera enregistrée en 2021 par rapport à ceux de l'année 2020, une hausse due en partie à la baisse de l'offre des pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs alliés et à la reprise de la demande mondiale. Une hausse prévue qui, en tout état de cause, ne fait pas trop les affaires de l'Algérie dont les déficits structurels de son budget, entre autres, nécessitent un prix du baril beaucoup plus élevé chaque année, atteignant 169 dollars en 2021. Azedine Maktour