Les massacres de Bentalha sont un souvenir lointain, vague dans la t�te des habitants. Autrefois r�gion agricole, aujourd�hui, elle s�est m�tamorphos�e. Un semblant de vie urbaine y prend forme. Ha� Jilali, l�une des cibles des terroristes ce 22 septembre 1997 � 23h, n�est plus le m�me quartier. Les orangers qui bordaient ses routes et l�encerclaient ont disparu et laiss� place � de nouvelles cit�s, des constructions modernes, peu esth�tiques, �rig�es ici et l� : des �coles, des entreprises, des routes et des centres de formation... Irane Belkhedim - Alger (Le Soir) - �Ce n�est plus comme avant�, confie Mohammed, 71 ans, en arrosant les deux arbres qu�il a plant�s devant le portail de sa maison, et dont il est fier. Ancien gardien dans une entreprise �tatique, ce retrait� r�side � Bentalha depuis 1988. C�est lui-m�me qui a construit les premi�res chambres qui servent d�habitation � sa famille. Sa maison est encore en chantier depuis plus de vingt ans. �Je lis Le Soir d�Alg�rie tous les dimanches. J�aime les pages consacr�es aux plantes m�dicinales�, dit-il en guise de bienvenue, en arrangeant son b�ret. Evoquer le sujet des massacres terroristes qui ont endeuill� la r�gion ne l��meut gu�re. Il rappelle, impassible, les quelques souvenirs qui survivent. Il l�ve ses yeux bleu-gris et montre une villa aux murs ciment�s. �Il �tait 23h quand nous avons entendu des bombes exploser, des balles siffler et des voisins crier. 18 personnes se sont r�fugi�es dans cette maison, les hommes sur la terrasse et les femmes et les enfants au deuxi�me �tage. �Un patriote et son fils y vivaient. Ce sont eux qui ont repouss� les terroristes. Ils les ont mitraill�s et oblig�s � reculer�. C�est � l�aube que les terroristes assassins sont partis. Les habitants, sous le choc, n�ont pu sortir qu�une heure plus tard. Sa fille Zahia, une vingtaine d�ann�es, se joint � la discussion : �On se rappelle des massacres terroristes, surtout lors des comm�morations. Imm�diatement, la villa dans laquelle on s��tait abrit�s surgit ! Nous avons oubli�, ce n�est plus pareil, nous avons d�pass� cette �tape douloureuse�. A l��poque, Mohammed se rendait au travail � Baraki, t�t le matin, en v�lo. �Sur ma route, j�ai vu des cadavres de fillettes �gorg�es ! Mes enfants �taient petits, je les laissais seuls, avec la maman, sans surveillance. Nous devions vivre�, l�che-t-il. Fatiha, l�une de ses filles, est diab�tique, elle est insulinod�pendante depuis septembre 1997, quelques jours apr�s le drame. �Elle a �t� marqu�e. J�ai d� la conduire � l�h�pital � 23h dans un �tat d�plorable. C��tait un gros risque ce jour-l� ! Nous priions la cl�mence divine pour ne pas �tre arr�t�s en cours de route par les terroristes.� Treize ans apr�s, la vie de Mohammed n�a pas beaucoup chang�. Sa pension de retraite mensuelle est pass�e de 4 500 � 11 000 DA. Ce n�est pas mieux, il a du mal � joindre les deux bouts et � achever les travaux de construction lanc�s depuis longtemps. �Je fais ce que je peux mais n�est pas possible avec ce que je gagne�. A c�t� des chambres qu�il a construites il y a 23 ans, une plateforme en b�ton � peine entam�e, des piliers, c�est ce qu�il a pu payer. �L�Etat ne m�aide pas. Jamais ! Il n� y a que Dieu qui peut le faire.� Sa fille Zahia est �tudiante en deuxi�me ann�e de droit � Ben Aknoun. Ses deux autres filles ont obtenu cette ann�e leur dipl�me de formation en secr�tariat et en informatique. �La vie n�est plus pareille. Des salles de sport, des centres de formation, des �coles ont �t� �rig�s. Actuellement, la plupart des filles suivent une formation ou sont universitaires, ce qui �tait impossible il y a quelques ann�es�, note-telle, expliquant que les terroristes qui r�daient dans le quartier mena�aient de tuer les filles non voil�es. �Des habitants ont vu le cadavre de l�enseignante qui a refus� d�obtemp�rer. Elle a �t� �gorg�e et d�pos�e � l�entr�e du quartier. Ce n�est plus le cas, tant de choses ayant disparu depuis la promulgation de la loi sur la r�conciliation nationale. Les gens qui ont abandonn� leur demeure sont revenus �. A Ha� Djilali, la route est d�sormais bitum�e. A c�t�, une station de transport, une salle de sport, des lyc�es et diff�rents �tablissements �tatiques et priv�s ont �t� construits. �Il y a 13 ans, ici, c��tait juste la mairie, nous et une �cole primaire. Avant 17h, on devait �tre � la maison�, se rappelle Zahia. Les interminables champs n�existent plus, les filles sortent, les jeunes cherchent du travail. La vie tente de s�incruster de nouveau. �Les gens restent marqu�s. A la fac, d�s que je leur dis que je suis de Bentalha, �tudiants et enseignants pensent que cela rime avec terrorisme. Souvent, je dis que je suis de Baraki, parce que j�en ai marre des remarques des autres. Cela a chang� ici�, dit-elle