De Tunis, Mohamed Kettou Avec une moyenne de 15 800 vaccinations par jour depuis le 13 mars dernier (début de la campagne), la Tunisie n'arrive pourtant pas à endiguer le fléau. On ne le répétera jamais assez. Le coronavirus est source d'anxiété, de stress et d'inquiétude. La situation est même jugée «catastrophique» dans certaines régions, en particulier le gouvernorat de Kairouan (centre du pays) et dans trois autres régions soumises d'ailleurs, en théorie, au confinement général. En théorie, c'est le moins qu'on puisse dire en effet, au vu de l'insouciance des citoyens et de l'impunité dont ils jouissent. Les autorités sanitaires ne cessent d'appeler la population à l'observation stricte des gestes barrières. C'est en vain. Certes, le couvre-feu est imposé le soir, comme si le virus ne se met en activité qu'à la tombée de la nuit. Les images retransmises par la télévision laissent perplexe. En journée, la population ne change pas ses habitudes et continue à mener une vie normale comme s'il ne s'agit pas de lutter contre un fléau qui emporte, tous les jours, plusieurs dizaines de victimes au cimetière. A Kairouan, au deuxième jour du confinement général, les gens vaquaient toujours normalement à leurs occupations, ignorant des proches pourtant entre la vie et la mort, à l'hôpital ou à demeure. Le pire est de rencontrer des donneurs de leçons, trahis par la caméra, alors qu'eux-mêmes ne respectent pas les gestes barrières. A ce propos, Jalila Ben Khelil, membre du Comité scientifique de lutte contre le coronavirus, a disculpé son organisme en précisant que, dans son travail, le comité observe les mêmes règles et la même démarche que tous à travers le monde, et n'a pas hésité à renvoyer dos à dos les citoyens qui ne respectent pas les recommandations et le gouvernement qui ne veille pas à leur mise en application. Dans le gouvernorat de Siliana, (nord-ouest du pays), on a enregistré 560 cas de contamination pour 100 000 habitants, dépassant de loin les normes admises. La situation est qualifiée de catastrophique, sachant qu'aucun lit n'est disponible. A Béja (à 100 kilomètres de la capitale), la situation est également dramatique. Des malades reçoivent l'oxygène à même le sol en dehors des salles de l'hôpital. Idem pour certaines délégations (daïras) du gouvernorat de Kasserine, en particulier au village de Hassi-el-Ferid, limitrophe de l'Algérie. Des images qui en disent long également sur la vétusté des structures et sur l'impuissance d'un personnel médical dépassé face à la pandémie. Ce sont des exemples qui montrent les conséquences du laisser-aller constaté durant le mois de Ramadhan et les fêtes de l'Aïd, au cours desquels le gouvernement était «incapable» de faire respecter les règles strictes recommandées par les scientifiques. Face à cette situation, le chef du gouvernement a ordonné, ce lundi, l'augmentation du nombre des hôpitaux de campagne et l'organisation d'opérations spéciales de vaccination à domicile au profit des personnes âgées non recensées officiellement. Mieux vaut tard que jamais, estime-t-on. Car, cette situation aurait pu être évitée si des mesures draconiennes avaient été prises à temps. Pour bon nombre de citoyens et même de scientifiques, le retard enregistré dans le démarrage des vaccinations serait à l'origine de la situation actuelle. D'autres n'hésitent pas à incriminer l'ancien gouvernement de Lyes Fakhfakh qui avait décidé, avec précipitation, d'ouvrir les frontières le 27 juin 2020, dès que sont apparus quelques indices d'une évolution positive. Aussi, a-t-on crié victoire assez tôt. Conséquences : le pays se dirige, depuis septembre, vers une situation qualifiée aujourd'hui de grave, voire critique. M. K.