La présente chronique n'a pas la prétention de susciter un nouveau débat d'école sur notre arabité, sujet séculaire de controverses tant les zones d'ombre embusquées dans l'Histoire et aggravées par notre histoire officielle sont tenaces. Etre ou ne pas être ? Il y a une situation de fait qui tient d'abord à l'appartenance géographique, la religion et ses incidences dans le champ culturel, les us et coutumes, la façon d'être, de s'habiller et même de marcher, de se tenir, c'est-à-dire une posture singulière propre. Qu'est-ce qui fait alors notre algérianité par opposition à notre arabité réelle ou surfaite, présente dans notre conscience confuse d'appartenir à une communauté définie, précise, du Levant ? Notre amazighité enfin reconquise (qui ne se résume pas au parler), s'enrichit de notre patrimoine millénaire. Pendant très longtemps a été entretenue la confusion assassine entre les divers éléments constitutifs de notre personnalité et partant, notre identité originelle. Dans la compétition imposée par les maîtres du moment, la résistance aux hégémonies a développé à travers les siècles le réflexe de rejet de toute tentative d'asservissement. Notre histoire est parsemée de multiples révoltes, d'insurrections plus ou moins longues, plus ou moins meurtrières. Toutefois, le socle sociétal est resté le même pour ressurgir à un moment ou à un autre. Aujourd'hui, le ballottage entre l'Orient et le Maghreb est une donnée récurrente. Les politiques ont tout fait pour accréditer l'idée d'une continuité naturelle des territoires allant du Golfe à l'Atlantique. La pierre d'achoppement, s'il en est une : qui du Maghreb et de l'Orient est le prolongement de l'autre ? L'attitude des princes, rois du Machreq a-t-elle évolué pour ne plus considérer cette partie de l'Afrique du nord comme un exutoire à leurs fantasmes de conquêtes, voire de domination ? Pour faire bonne figure, toutes les monarchies, petites et grandes, ont associé les dynasties républiques autoritaires dans la mise en place de structures de coopération politique et économique, toute proportion gardée. Le panarabisme de Michel Aflaq, en vogue à un moment donné, aura vécu du fait de ses propres contradictions. L'une, désastreuse, a sécrété la lutte sans merci pour le leadership. L'affrontement Iraq-Syrie en est l'exemple flagrant. La Ligue arabe, créée pour promouvoir la solidarité inter-arabe, est instrumentalisée en fonction des rapports de force en cours. Sous la coupe des monarchies du Golfe. La coalition mise en place dans la guerre contre le Yémen en est la parfaite illustration. N'a-t-elle pas été utilisée pour punir l'Iraq de Saddam Hussein, la Syrie de Bachar El Assad, voire le libyen Maâmar Kadhafi. Les oppositions de l'Algérie aux décisions scélérates ont très peu de poids. Nos officiels fonctionnent avec des schémas post-Seconde guerre mondiale, et la culture de la lutte anti-coloniale en ce qu'elle implique comme respect des souverainetés, de soutien et d'entre-aide face aux agressions extérieures. Aucun pays arabe ne peut assimiler le mode de pensée acquis lors de notre lutte de libération nationale, parce qu'aucun d'eux ne s'est libéré par les armes. Dans les forums, nos arguments, clamés haut, n'ont presque aucun écho, ni suivis d'effet. Exemples : la réforme de la Ligue arabe est restée lettre morte. La question palestinienne leur est devenue un cauchemar qu'ils veulent maintenant exorciser dans la normalisation avec l'état d'Israël. L'occupation marocaine du Sahara occidental ne les émeut guère. Minoritaire, l'approche algérienne semble relever d'un autre temps. C'est le mythe de Sisyphe ! Croyant dur comme fer aux causes qu'ils défendent, nos officiels ont négligé une donnée fondamentale dans les relations avec les arabes de l'Orient, celle de comprendre les leviers de leurs motivations, leur regard envers l'Algérie et l'idée qu'ils se font de nous. On n'est pas eux, ils ne sont pas nous. B. T. [email protected]