2018 va-t-il sonner le glas pour un Monde arabe plus que jamais en déliquescence? Tout le donne à penser eu égard aux situations conflictuelles dans lesquelles se débat cette région, alors qu'aucune issue ne pointe à l'horizon. Or, il est à craindre l'ouverture d'un nouveau front entre l'Arabie saoudite et l'Iran. Une donne qui ne pourra être que mortelle pour le Moyen-Orient (Iran compris). La lutte de leadership entre les deux théocraties pétrolières ne met pas seulement en équation le devenir dudit «Monde arabe», mais aussi l'avenir même d'une région déjà en butte à une multitude de conflits croisés et attaquée par des mercenaires et des terroristes-jihadistes. Outre ces contentieux - guerres civiles en Syrie et au Yémen, chaos en Libye, Irak menacé de partition, divergences triviales entre les monarchies du Golfe, instabilités chroniques au Machrek et au Maghreb - il faut relever aussi les ingérences étrangères qui mettent de l'huile sur le feu, provoquant même des étincelles là où la situation est stable. Alors qu'en 2017, loin de se décanter la situation s'est plutôt aggravée, l'année nouvelle ne semble pas devoir être celle de la reprise des choses en main par les Arabes, laissant encore des étrangers décider du sort de leur région. Notons ainsi la réaction mitigée des dirigeants arabes face à l'outrage infligé, par le président des Etats-Unis Donald Trump, aux Palestiniens certes, mais aussi, surtout, aux Arabes et plus généralement aux musulmans, par sa décision de reconnaître El Qods «capitale» d'Israël. En fait, Trump «jouait» sur du «velours» sachant d'expérience que la réaction arabe sera plus épidermique que réellement problématique pour les Etats-Unis. Cela a d'ailleurs été le cas. Ainsi, l'Arabie saoudite est entrée dans tous ses états pour un tifo de supporters sportifs, rameutant le ban et l'arrière-ban des médias arabes et internationaux, brandissant «Seif el-Hadjadj» face à l'Algérie. Riyadh a été plus active pour un tifo que pour la cause d'El Qods et l'inqualifiable décision du président états-unien. Trop liés à l'impérialisme états-unien, les monarchies du Golfe ne pouvaient en vérité rien faire pour les Palestiniens. Cela sans revenir sur les rumeurs persistantes dans les coulisses de la diplomatie internationale, assurant l'existence d'un deal entre Riyadh et Israël, pour contrer l'Iran. De fait, dans cette affaire - l'Iran supposé ennemi des deux pays - les intérêts saoudiens et israéliens se rejoignent. Pour dire que les Palestiniens sont plus que jamais seuls et n'ont rien à attendre des Arabes, Israël ayant les mains libres pour accentuer le démembrement des territoires palestiniens déjà gravement fractionnés. De fait, dans un livre (sorti ce vendredi), l'ancien directeur de campagne du candidat Donald Trump, Steve Bannon, révèle que Trump avait un plan de partage de la Palestine entre Israël, l'Egypte et la Jordanie. Trump est ainsi venu avec la ferme décision de travailler à la disparition de la Palestine. Ce qu'il qualifie avec cynisme de «plan de paix» pour le Proche-Orient, avec pour résultat d'effacer la Palestine de la carte politique moyen-orientale. Dans tout ça, où sont les dirigeants arabes, trop occupés à préserver leurs postes? Depuis 2001, le monde a changé, les stratégies se sont fixées autour d'enjeux dominés par l'emprise de l'hégémonie états-unienne, au moment où les Arabes donnent l'impression d'être hors des évènements, vivant en marge de la marche en avant de la communauté internationale. Refusant de voir la nouvelle réalité qui est celle du troisième millénaire - quand il a fallu se réformer pour résister à la nouvelle donne géopolitique mondiale, ils ont préféré enfoncer leurs têtes dans le sable - les dirigeants arabes n'ont pas su mesurer l'abîme dans lequel ils se jetaient pieds et poings liés. Ankylosés dans leurs confortables autocraties, les dirigeants arabes n'ont pas su saisir les opportunités qui se sont offertes pour contourner le sort et redonner au Monde arabe voix au chapitre. Au lieu de cela nous avons assisté ces dernières années à la désagrégation de nombreux pays arabes, l'existence de certaines remises en cause (cf; l'Irak, la Syrie, la Libye, en particulier sont menacés de partition) alors que la cause palestinienne est en constant recul. Palestine, Syrie, Irak, Libye, Somalie sont autant de vecteurs où l'absence des Arabes en dit long sur leur inertie induite par le peu de poids du «Monde arabe» dans les affaires mondiales et encore moins dans sa propre région. Au cours des dernières années, les Arabes ont raté des rendez-vous cruciaux pour le devenir du Monde arabe. Cette absence de prise arabe sur leur propre destin a les résonances d'un Trafalgar et d'un Waterloo arabes.